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02/04/2020 | FRANCE | N°19LY04184

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 02 avril 2020, 19LY04184


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les arrêtés du 4 novembre 2019 par lesquels le préfet du Doubs a décidé de la transférer aux autorités polonaises et de l'assigner à résidence.

Par un jugement n° 1903182 du 13 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a annulé les arrêtés du 4 novembre 2019 du préfet du Doubs.

Procédure devant la cour

I. Par une requête enregistrée le 19 novembre 2019 sous le n

° 19LY04184, le préfet du Doubs demande à la cour d'annuler ce jugement du 13 novembre 2019 et de rej...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les arrêtés du 4 novembre 2019 par lesquels le préfet du Doubs a décidé de la transférer aux autorités polonaises et de l'assigner à résidence.

Par un jugement n° 1903182 du 13 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a annulé les arrêtés du 4 novembre 2019 du préfet du Doubs.

Procédure devant la cour

I. Par une requête enregistrée le 19 novembre 2019 sous le n° 19LY04184, le préfet du Doubs demande à la cour d'annuler ce jugement du 13 novembre 2019 et de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- la demande présentée par Mme B... devant le tribunal est irrecevable ; cette dernière n'habitait pas à l'adresse qu'elle avait mentionnée et ainsi sa requête ne respectait pas les conditions visées à l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- le tribunal a à tort retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors que la situation de grossesse de Mme B... ne constituait pas à elle seule une circonstance humanitaire ou exceptionnelle justifiant la mise en oeuvre de la clause discrétionnaire.

Par mémoire enregistré le 6 décembre 2019, Mme B..., représentée Me C..., conclut, le cas échéant après avoir saisi d'une question préjudicielle la Cour de justice de l'Union Européenne ou le Conseil d'État d'une demande d'avis sur l'application de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et la conformité au règlement (CE) n° 767/2008 du 9 juillet 2008 de l'obligation faite à l'étranger de démontrer que l'agent qui a consulté ce fichier ne serait pas habilité à le faire au sens des dispositions des articles R. 611-8 et R. 611-12 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile, au rejet de la requête et demande à la cour :

1°) d'enjoindre au préfet du Doubs, dans le délai de quinze jours suivant notification de l'arrêt et sous astreinte journalière de 150 euros, de lui délivrer une attestation de demande d'asile, à défaut, de réexaminer sa situation ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête présentée devant le tribunal est recevable ;

- le transfert aux autorités polonaises est entaché de l'incompétence de son signataire ;

- il est entaché d'un vice de procédure et a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le délai de trois jours prescrit par l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour convoquer et enregistrer sa demande d'asile n'a pas été respecté ;

- l'agent qui a consulté le fichier Visabio n'y était pas habilité ;

- le préfet de la Côte d'Or n'était pas compétent pour participer à la procédure de détermination de l'État responsable de l'examen de sa demande d'asile ;

- son état de grossesse justifiait que soit appliqué l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté portant assignation à résidence doit être annulé par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté portant transfert aux autorités polonaises ;

- il est entaché de l'incompétence de son auteur ;

- son article 2 est entaché d'imprécisions et de contradictions relativement aux modalités et à la fréquence du pointage, et d'erreur d'appréciation.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 18 décembre 2019.

II. Par une requête et un mémoire enregistrés le 19 novembre 2019 et le 23 décembre 2019 sous le n° 19LY04185, le préfet du Doubs demande à la cour, en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution du jugement attaqué dans l'instance n° 19LY04184.

Il soutient que les moyens soulevés dans l'instance n° 19LY04184 sont de nature à entraîner une annulation du jugement du tribunal administratif de Dijon tandis qu'aucun des moyens invoqués par Mme B... n'est susceptible de fonder son maintien.

Par mémoire enregistré le 6 décembre 2019, Mme B..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et aux mêmes fins que dans l'instance n° 19LY04184, par les moyens soulevés dans cette instance.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 19 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- l'arrêté du 10 mai 2019 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'État responsable de leur traitement (métropole) ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Rémy-Néris, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante arménienne née le 2 février 2000, déclare être entrée irrégulièrement sur le territoire français en mai 2019. Elle a présenté une demande d'asile auprès des services de la préfecture de la Côte-d'Or, le 5 juin 2019. Par deux arrêtés du 4 novembre 2019, le préfet du Doubs a décidé de la transférer aux autorités polonaises et de l'assigner à résidence pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable. Le préfet du Doubs relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a annulé ces arrêtés.

2. Les requêtes susvisées du préfet du Doubs tendent respectivement à l'annulation et au sursis à l'exécution du même jugement. Elles ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur le transfert aux autorités polonaises :

3. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation (...), chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers (...), même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". La faculté qu'ont les autorités françaises d'examiner une demande d'asile présentée par un ressortissant d'un État tiers, alors même que cet examen ne leur incombe pas, relève de l'entier pouvoir discrétionnaire du préfet, et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté portant transfert aux autorités polonaises, Mme B... était entrée dans son sixième mois de grossesse, et non le huitième comme elle le soutient, ainsi qu'en attestent deux certificats médicaux du 1er juillet 2019 et du 12 août 2019. Aucun élément médical figurant au dossier ne fait état d'une grossesse pathologique de Mme B... nécessitant des conditions d'accueil particulières ni de difficultés dans le suivi de sa grossesse. Le courriel du 8 novembre 2019 de la sage-femme qui la suit se borne à indiquer qu'il lui est déconseillé de voyager chaque jour ce que n'implique pas l'arrêté en litige. Dans ces conditions, et à supposer même que le préfet ait eu connaissance de l'état de grossesse de Mme B... à la date de l'édiction de son arrêté, ce qui n'est pas démontré, cet état ne faisait pas obstacle à son transfert en Pologne, notamment à une date postérieure à son accouchement. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Doubs n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue au 1. de l'article 17 précité du règlement n° 604/2013 et que c'est à tort que le magistrat désigné a annulé pour ce motif les arrêtés du 4 novembre 2019.

5. Toutefois, il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le magistrat désigné et devant la cour.

6. En premier lieu, l'arrêté contesté a été signé par M. Jean-Philippe Setbon, secrétaire général de la préfecture du Doubs, qui dispose d'une délégation de signature du préfet du Doubs à cet effet, par arrêté du 14 mai 2019 régulièrement publié le lendemain au recueil des actes administratifs de la préfecture du Doubs. Si l'arrêté ne vise pas précisément les arrêtés de transfert pris dans le cadre du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, il vise " tous arrêtés, décisions, (...) et documents relevant des attributions de l'État dans le département du Doubs ", à l'exception de certains actes précisément énumérés, parmi lesquels ne figurent pas l'arrêté en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté litigieux doit être écarté.

7. En deuxième lieu, il ressort des pièces produites par le préfet en première instance que, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile, Mme B... s'est vue remettre le 13 juin 2019 en arménien, sa langue maternelle, les brochures d'information prévues à l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque: a) le demandeur a pris la fuite ; ou b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. L'État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'État membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a bénéficié d'un entretien individuel le 13 juin 2019, en présence d'un interprète en langue arménienne, avec un agent du service de la préfecture de la Côte d'Or, qui est un agent qualifié au sens du point 5 de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Ces dispositions n'exigent pas en outre que le résumé de l'entretien individuel mentionne l'identité et la qualité de l'agent qui l'a mené.

10. En quatrième lieu, le premier alinéa de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impose à tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile de se présenter en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'État responsable de l'examen de cette demande. Aux termes du deuxième alinéa de cet article : " L'enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrés après la présentation de la demande à l'autorité administrative compétente, sans condition préalable de domiciliation. Toutefois, ce délai peut être porté à dix jours ouvrés lorsqu'un nombre élevé d'étrangers demandent l'asile simultanément ". Le droit d'asile implique, s'agissant des étrangers qui sont présents sur le territoire français sans avoir déjà été admis à résider en France, l'enregistrement de leur demande d'asile par l'autorité compétente dans les trois jours de sa présentation dès lors que cette demande est assortie des indications et documents requis à l'article R. 741-3 du même code.

11. Les décisions par lesquelles l'autorité administrative décide de transférer un étranger à l'État compétent pour examiner sa demande d'asile ne sont pas prises pour l'application de la mesure par laquelle le préfet lui a, en début de procédure, délivré une attestation de demande d'asile. L'enregistrement de la demande d'asile matérialisé par la délivrance d'une telle attestation ne constitue pas davantage la base légale de la décision de transfert. Par suite, le moyen, soulevé par Mme B..., tiré de la tardiveté de l'enregistrement de sa demande d'asile au regard des dispositions précitées ne peut être utilement invoqué à l'appui du recours dirigé contre la décision la transférant en Pologne, État responsable de l'examen de sa demande de protection internationale.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 611-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - Les destinataires des données à caractère personnel enregistrées dans le traitement automatisé prévu à l'article R. 611-8 sont : (...) 2° Les agents des préfectures (...) et ceux chargés de l'application de la réglementation relative à la délivrance des titres de séjour, au traitement des demandes d'asile et à la préparation et à la mise en oeuvre des mesures d'éloignement individuellement désignés et spécialement habilités par le préfet (...) ". L'accès aux fichiers Visabio et VIS implique que les agents des préfectures affectés au traitement des demandes d'asile disposent de codes personnels d'identification valant habilitation personnelle de l'autorité préfectorale. Mme B... se bornant à remettre en cause, par principe, l'habilitation de l'agent qui a consulté ces fichiers, n'appuie sa contestation d'aucun élément objectif. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.

13. En sixième lieu, aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 10 mai 2019 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'État responsable de leur traitement : " L'annexe II au présent arrêté fixe la liste des préfets compétents pour procéder à la détermination de l'État responsable de l'examen de la demande d'asile. / A cette fin, les préfets désignés sont compétents pour : (...) 2° Prendre la décision de transfert en application de l'article L. 742-3 du même code ; 3° Assigner à résidence le demandeur en application du I - 1° bis de l'article L. 561-2 du même code et, le cas échéant, prendre les mesures prévues au II de l'article L. 561-2 et aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 742-2 du code (...) ".

14. Mme B... soutient que le préfet de la Côte d'Or a participé à la procédure de détermination de l'État responsable alors qu'en vertu de l'arrêté du 23 août 2018 portant régionalisation de la procédure de détermination de l'État responsable de l'examen de la demande d'asile dans la région Bourgogne-Franche-Comté, seul le préfet du Doubs était compétent pour examiner cette demande. Toutefois, l'arrêté du 23 août 2018 a été abrogé par l'arrêté du 10 mai 2019 susvisé. Aux termes de l'article 2 de ce dernier arrêté et de son annexe II, applicable à compter de la date d'enregistrement de la demande d'asile de Mme B..., le préfet du département du Doubs est l'autorité compétente pour déterminer l'État responsable de l'examen des demandes d'asile formées par les étrangers domiciliés, comme l'intéressée, dans un département de la région Bourgogne-Franche-Comté. Cet arrêté n'a pas eu pour objet ni pour effet de transférer l'instruction de l'ensemble des demandes d'asile présentées aux services préfectoraux du département de la Côte d'Or aux services préfectoraux du Doubs. En l'espèce, la seule circonstance que la demande d'asile ait été partiellement instruite par les services de la préfecture de la Côte d'Or est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige, qui a été pris par le préfet du Doubs.

15. Contrairement à ce que soutenait Mme B... en première instance, il ressort des pièces du dossier qu'une demande de prise en charge de l'intéressée a été formée le 26 juin 2019 auprès des autorités polonaises via le réseau de communication Dublinet par les autorités compétentes et que les autorités polonaises ont explicitement accepté cette demande le 5 juillet 2019.

16. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union Européenne ni de transmettre une demande d'avis au Conseil d'État, que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 4 novembre 2019 du préfet du Doubs portant transfert aux autorités polonaises.

Sur l'assignation à résidence :

17 Par les motifs exposés aux points 3 à 15, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 4 novembre 2019 portant transfert de Mme B... aux autorités polonaises doit être écarté.

18. Il résulte des dispositions citées au point 13 qu'en vertu de l'arrêté du 10 mai 2019, le préfet du Doubs était compétent pour assigner à résidence un demandeur d'asile domicilié .... Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision en litige doit donc être écarté.

19. Aux termes de l'article R. 561-2 du même code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application (...) de l'article L. 561-2 (...) est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés (...) ".

20. En prescrivant à Mme B... de " se présenter chaque jour de la semaine, le lundi mercredi et vendredi " sans exclusion des jours fériés ou chômés, l'arrêté portant assignation à résidence emporte, sans ambiguïté, obligation de se présenter les lundi, mardi et vendredi de chaque semaine alors même que ces jours seraient fériés. Il est, dès lors, dépourvu d'obscurité ou d'incohérence quant à la définition des modalités du contrôle.

21. Enfin, si Mme B... se prévaut, en première instance comme en appel, de sa situation de grossesse pour soutenir que les modalités de l'assignation à résidence prises par le préfet du Doubs portent atteinte à sa liberté d'aller et venir, il n'est pas contesté qu'elle a mentionné comme unique adresse une domiciliation postale à Fontaine-lès-Dijon ainsi qu'il ressort de l'attestation de demande d'asile qui lui a été délivrée le 8 novembre 2019. Dès lors qu'il s'agit là de la seule adresse indiquée à l'administration, l'intéressée ne peut se prévaloir de la distance excessive entre la commune de Luzy, où elle n'a pas mentionné résider, et le commissariat de Dijon où elle a l'obligation de se présenter.

22. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Doubs est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué, le rejet des demandes d'annulation des arrêtés du 4 novembre 2019 portant transfert de Mme B... aux autorités polonaises et assignation à résidence et le rejet de la demande d'injonction présentées par Mme B... devant le tribunal ainsi que ses conclusions tendant au remboursement des frais liés au litige.

Sur le sursis à exécution du jugement :

23. La cour statuant par le présent arrêt sur le fond du litige, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué sont privées d'objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1903182 du 13 novembre 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de Dijon et la cour sont rejetées.

Article 3 : Il n'y pas lieu de statuer sur la requête n° 19LY04185 du préfet du Doubs.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A... B....

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2020 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Rémy-Néris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 avril 2020.

2

N° 19LY04184, 19LY04185


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04184
Date de la décision : 02/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : ROTHDIENER

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-04-02;19ly04184 ?
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