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02/04/2020 | FRANCE | N°19LY03257

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 02 avril 2020, 19LY03257


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 8 décembre 2017 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a écarté sa candidature au concours réservé du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (CAPES), section anglais, session 2013 et d'enjoindre au ministre de la déclarer admise au concours du CAPES et de la nommer en qualité de professeur d'anglais dans le délai de deux mois.

Par mémoire distinct, enregistré

le 1er février 2019, elle a demandé au tribunal administratif de Lyon de transmett...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 8 décembre 2017 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a écarté sa candidature au concours réservé du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (CAPES), section anglais, session 2013 et d'enjoindre au ministre de la déclarer admise au concours du CAPES et de la nommer en qualité de professeur d'anglais dans le délai de deux mois.

Par mémoire distinct, enregistré le 1er février 2019, elle a demandé au tribunal administratif de Lyon de transmettre au Conseil d'État une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 4 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique.

Par jugement n° 1800734 du 19 juin 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 8 décembre 2017.

Par ordonnance n° 1800734 du 30 avril 2019 le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Lyon a refusé de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité que lui avait soumise Mme C....

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 20 août 2019, présentée pour Mme C..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1800734 du 19 juin 2019 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de la déclarer admise au concours et de la nommer professeur certifié d'anglais dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article 4 de la loi du 12 mars 2012 et celles de l'article 28 du décret du 17 janvier 1986 et qu'elle satisfait à la condition d'ancienneté de quatre ans, au 21 février 2013, et à toutes les autres conditions.

Par mémoires distincts, enregistrés le 23 août 2019 et le 27 février 2020, présentés pour Mme C..., elle relève appel de l'ordonnance n° 1800734 du 30 avril 2019 par laquelle le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Lyon a refusé de transmettre au Conseil d'État sa question prioritaire de constitutionnalité et demande à la cour de faire droit à cette demande.

Elle soutient que l'article 4 de la loi du 12 mars 2012, qui est applicable au litige et n'a pas encore été déclaré conforme à la Constitution, n'est pas conforme à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, repris par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, dès lors que les dispositions de cet article créent une discrimination injustifiée entre les agents contractuels selon qu'ils ont ou non exercé des fonctions dans l'enseignement, la durée de quatre ans de services publics effectifs étant exigée d'une manière générale, sans aucune distinction, alors qu'un enseignant contractuel ne peut bénéficier d'un contrat que durant la période scolaire, à l'exclusion des vacances scolaires, notamment celles d'été, et qu'un enseignant contractuel ne peut ainsi totaliser quatre années de services publics effectifs sur une période de six années civiles.

Par mémoire enregistré le 7 novembre 2019, qui n'a pas été communiqué, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut qu'il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, en se référant à ses écritures de première instance.

Par mémoire enregistré le 3 janvier 2020, qui n'a pas été communiqué, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête en se référant à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule et l'article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- les observations de Me B..., pour Mme C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... qui, depuis mai 2008, avait assuré des vacations ou des remplacements dans l'enseignement public ou l'enseignement privé, est devenue professeur vacataire au collège Jacques Prévert d'Andrézieux-Bouthéon. A compter du 6 avril 2011, elle a été recrutée comme professeur contractuel dans divers collèges de l'enseignement public de la Loire et du Rhône pour y assurer un enseignement à temps complet. Elle était affectée au collège Louis Lachenal de Saint-Laurent-de-Mure lorsqu'elle s'est présentée au recrutement réservé de professeur certifié d'anglais pour la session 2013, en vue de l'obtention du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (CAPES). Par une décision du 21 mai 2013, le ministre de l'éducation nationale a déclaré sa candidature irrecevable. Par un arrêt rendu le 26 octobre 2017, la cour a annulé la décision du 21 mai 2013 et a enjoint au ministre de l'éducation nationale de réexaminer la situation de Mme C.... Par une décision du 8 décembre 2017, le ministre a de nouveau rejeté sa candidature pour la session 2013. Mme C... relève appel de l'ordonnance par laquelle le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Lyon a refusé de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ainsi que du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 décembre 2017 du ministre de l'éducation nationale.

Sur le refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État (...) qui se prononce dans un délai déterminé ".

3. Aux termes de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État (...) Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige (...) ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux ".

4. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que la juridiction, saisie d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

5. En vue de résorber l'emploi précaire dans la fonction publique, l'article 1er de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, a prévu, à titre dérogatoire, un mode de recrutement réservé à certains agents contractuels de droit public. Le bénéfice de ce recrutement a été notamment subordonné, aux termes du I de l'article 4 de cette loi dans la rédaction à laquelle s'applique la présente question prioritaire de constitutionnalité : " à une durée de services publics effectifs au moins égale à quatre années en équivalent temps plein : 1° Soit au cours des six années précédant le 31 mars 2011 ; 2° Soit à la date de clôture des inscriptions au recrutement auquel ils postulent. Dans ce cas, au moins deux des quatre années de services exigées, en équivalent temps plein, doivent avoir été accomplies au cours des quatre années précédant le 31 mars 2011. / Les quatre années de services publics doivent avoir été accomplies auprès du département ministériel (...) qui emploie l'intéressé au 31 mars 2011 (...) ".

6. Mme C... soutient que les dispositions précitées du quatrième alinéa du I de l'article 4 de la loi du 12 mars 2012 méconnaissent le principe d'égal accès à l'emploi public garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce qu'elles créent une discrimination injustifiée au regard des objectifs de cette loi entre les agents contractuels, selon qu'ils ont ou non exercé des fonctions dans l'enseignement, la durée de quatre ans de services publics effectifs étant exigée d'une manière générale, sans aucune distinction, alors qu'un enseignant contractuel ou vacataire ne peut bénéficier d'un contrat que durant la période scolaire, à l'exclusion des vacances scolaires, notamment celles d'été et qu'un enseignant contractuel ne peut ainsi totaliser quatre années de services publics effectifs sur une période de six années civiles.

7. Toutefois et d'une part, eu égard à la particularité des contraintes propres aux services de chaque administration et à la circonstance que les enseignants ne relèvent pas des dispositions de droit commun régissant le temps de travail des fonctionnaires mais sont soumis à un régime d'obligations de service, les agents contractuels ou vacataires exerçant des fonctions d'enseignement ne se trouvent pas placés dans une situation comparable à celle d'autres agents contractuels. D'autre part, les contrats d'engagement des personnels enseignants, dont les obligations réglementaires ne se limitent pas aux temps d'enseignement dispensés face à leurs élèves, peuvent inclure des périodes de congés scolaires. Par suite, Mme C... ne peut se prévaloir d'une discrimination entre la situation des agents contractuels ou vacataires enseignants et celles des autres agents contractuels pour l'application des dispositions précitées du quatrième alinéa du I de l'article 4 de la loi du 12 mars 2012.

8. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée par Mme C... concernant la conformité du quatrième alinéa du I de l'article 4 de la loi du 12 mars 2012 aux droits et libertés garantis par la Constitution est dépourvue de tout caractère sérieux. Dès lors, il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité soulevée.

Sur la légalité de la décision ministérielle du 8 décembre 2017 :

9. En premier lieu, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, Mme C... n'est fondée à soutenir ni que l'accomplissement de trente-six semaines de services doit être regardé comme correspondant à une année de service à temps plein pour l'application de l'article 4 de la loi du 12 mars 2012, ni qu'ayant accompli plus de quatre fois trente-six semaines de services, elle justifie donc de plus de quatre années de services au sens de cet article.

10. En second lieu, Mme C... soutient qu'elle remplit la condition d'ancienneté posée par les dispositions de l'article 4 de la loi du 12 mars 2012 et que la méthode de calcul employée par le ministre est erronée au regard des dispositions applicables, dès lors que le ministre ne tient pas compte de la spécificité de l'activité scolaire ni des congés payés ou des heures supplémentaires. Toutefois, elle n'est pas fondée à se prévaloir des heures supplémentaires qu'elle prétend avoir effectuées ainsi que des congés payés pour lesquels une indemnité lui a été versée, qui ne peuvent être pris en compte dans le calcul de la durée des services effectifs. Si la requérante se prévaut de son propre calcul de son ancienneté, intégrant des semaines supplémentaires, notamment lors de congés scolaires, des heures supplémentaires et des congés payés, pour parvenir à une ancienneté totale de quatre ans, trois mois et une semaine, après avoir ajouté aux quarante mois retenus par le ministre onze mois et une semaine, il ressort des pièces du dossier qu'eu égard à certaines périodes prises en compte de manière erronée dans ce calcul, Mme C... établit seulement une ancienneté supérieure d'un peu plus de deux mois à celle retenue par le ministre pour fonder la décision en litige, et, par suite, inférieure à la durée de quarante-huit mois résultant, pour la période de référence, de l'application des dispositions précitées de l'article 4 de la loi du 12 mars 2012. Ainsi, Mme C... ne peut se prévaloir d'heures supplémentaires dont elle prétend qu'elles représentent une période de sept semaines, ni des périodes comprises entre deux contrats conclus avec des établissements d'enseignement différents qu'elle entend voir prises en compte au titre des congés scolaires, soit trois semaines entre le 22 avril et le 16 mai 2011, deux mois à l'issue d'un contrat concernant des enseignements dispensés en septembre 2009 au collège Pierre Jouanon, deux mois au titre de la période comprise entre la fin d'un contrat, le 5 juillet 2012, relatif à une affectation au collège Gilbert Dru à Lyon, débuté le 5 janvier 2012, et le début d'un autre contrat, le 6 septembre 2012, au collège Martin Luther King, pour une période d'un peu moins de deux mois et, enfin, une durée totale de six semaines comprises entre le 26 octobre 2012 et le 7 janvier 2013. Par suite, contrairement à ce que soutient Mme C... le ministre de l'éducation nationale a pu à bon droit rejeter sa candidature au motif qu'elle ne remplissait pas la condition d'ancienneté posée par les dispositions de l'article 4 de la loi du 12 mars 2012.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'éducation nationale du 8 décembre 2017.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité soulevée pour Mme C....

Article 2 : Le surplus des conclusions de Mme C... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... épouse C... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2020 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Rémy-Néris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 avril 2020.

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N° 19LY03257


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03257
Date de la décision : 02/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-03-02 Fonctionnaires et agents publics. Entrée en service. Concours et examens professionnels.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : SMIAI

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-04-02;19ly03257 ?
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