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02/04/2020 | FRANCE | N°19LY03024

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 02 avril 2020, 19LY03024


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... D... veuve C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2018 par lequel le préfet de l'Ain lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office.

Par un jugement n° 1807352 du 30 avril 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistr

ée le 31 juillet 2019, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... D... veuve C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2018 par lequel le préfet de l'Ain lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office.

Par un jugement n° 1807352 du 30 avril 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 31 juillet 2019, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 30 avril 2019 ainsi que les décisions du préfet de l'Ain du 27 juillet 2018 ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que les décisions ont été prises en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle ne peut poursuivre sa vie en Albanie, où elle est en danger du fait d'une vendetta dont est victime sa famille ; l'ensemble de sa famille a fui l'Albanie, deux de ses filles sont titulaires d'une carte de séjour en France après avoir bénéficié de la protection subsidiaire par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 19 février 2015 ; l'un de ses fils a obtenu le statut de réfugié aux Etats-Unis puis la nationalité américaine, un autre a obtenu la protection de la part des autorités britanniques avec changement d'identité, enfin l'un de ses fils et son époux ont été assassinés respectivement en mai 1999 et en juillet 2016.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 décembre 2019, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 19 juin 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 2011 pris pour son application ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E..., première conseillère,

- et les observations de Mme D... ;

1. Mme D..., ressortissante albanaise née le 15 mai 1943 et entrée en France le 30 juillet 2016, relève appel du jugement du 30 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 27 juillet 2018 par lequel le préfet de l'Ain lui a refusé un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office.

Sur la légalité de l'arrêté du 27 juillet 2018 du préfet de l'Ain :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme D..., âgée de soixante-quinze ans à la date de la décision, est totalement isolée en Albanie depuis le décès de son époux en 2016 et qu'elle est prise en charge par ses deux filles, qui résident régulièrement en France après y avoir obtenu en février 2015 la protection subsidiaire, et qui ne peuvent, du fait des menaces auxquelles elles sont exposées, retourner dans ce pays pour la visiter. Dans les circonstances de l'espèce, Mme D... est fondée à soutenir que les décisions attaquées ont été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à en demander l'annulation.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme D... :

5. Eu égard à ce qui a été dit au point 3, l'exécution du présent arrêt, implique nécessairement que le préfet de l'Ain délivre à Mme D... un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions de Mme D... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Mme D... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A..., avocate de Mme D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros à l'avocate de la requérante.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 30 avril 2019 ainsi que l'arrêté du 27 juillet 2018 du préfet de l'Ain sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Ain de délivrer à Mme D... une carte de séjour temporaire mention "vie privée et familiale" dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me A... la somme de 1 000 euros au titre des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par Mme D... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... veuve C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 18 février 2020 à laquelle siégeaient :

Mme G..., présidente de chambre ;

M. Thierry Besse, président-assesseur ;

Mme F... E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 2 avril 2020.

4

N° 19LY03024

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03024
Date de la décision : 02/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MARGINEAN-FAURE
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : FRERY

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-04-02;19ly03024 ?
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