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02/04/2020 | FRANCE | N°19LY00811

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 02 avril 2020, 19LY00811


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 9 février 2016 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes du Haut-Chablais a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Jean-d'Aulps, ainsi que la décision du 30 mai 2016 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1604171 du 27 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération en tant qu'elle approuve le classement en zone UT des parce

lles cadastrées aux numéros 527, 528, 529, 530, 531 et 532, et rejeté le surplus...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 9 février 2016 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes du Haut-Chablais a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Jean-d'Aulps, ainsi que la décision du 30 mai 2016 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1604171 du 27 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération en tant qu'elle approuve le classement en zone UT des parcelles cadastrées aux numéros 527, 528, 529, 530, 531 et 532, et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 28 février 2019, et des mémoires complémentaires enregistrés les 9 décembre 2019 et 6 janvier 2020, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 décembre 2018, en tant qu'il a partiellement rejeté sa demande ;

2°) d'annuler cette délibération du 9 février 2016 et la décision de rejet du recours gracieux en date du 30 mai 2016 ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes du Haut-Chablais la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la délibération du conseil municipal de la commune du 11 janvier 2016 demandant à la communauté de communes de poursuivre l'élaboration du plan a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ;

- la délibération du 9 février 2016 litigieuse a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ;

- le plan local d'urbanisme (PLU) a été adopté sans tenue préalable de la conférence intercommunale prévue par les dispositions du 1° de l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme ;

- le conseil communautaire et les conseils municipaux des autres communes n'ont pas débattu sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables (PADD), en méconnaissance de l'article L. 153-12 du code de l'urbanisme ;

- le rapport de présentation n'analyse pas suffisamment les incidences du plan sur l'environnement;

- l'autorité organisatrice des transports urbains n'a pas été consultée sur le PADD, en méconnaissance de l'article L. 123-9 du code de l'urbanisme ;

- le classement en zone A de la parcelle cadastrée AB n° 571 et d'une partie de la parcelle n° 558 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par des mémoires enregistrés les 24 octobre 2019 et 11 décembre 2019, la communauté de communes du Haut-Chablais, représentée par la SELARL CDMF Avocats Affaires Publiques, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article L.600-9 du code de l'urbanisme, et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

La clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 10 janvier 2020, par une ordonnance du 9 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- les observations de Me B... pour Mme A... ainsi que celles de Me C... pour la communauté de communes du Haut-Chablais ;

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 2 août 2010, le conseil municipal de Saint-Jean-d'Aulps a prescrit la révision du plan d'occupation des sols et sa transformation en plan local d'urbanisme. Le projet a été arrêté par délibération du 7 avril 2015. Par arrêté du préfet de la Haute-Savoie en date du 9 décembre 2015, la compétence en matière d'élaboration et d'approbation des plans locaux d'urbanisme a été transférée à la communauté de communes du Haut-Chablais à compter du 1er janvier 2016. Par délibération du 11 janvier 2016, le conseil municipal de Saint-Jean-d'Aulps a autorisé l'établissement public à achever la procédure d'élaboration du PLU. Le plan a été adopté par délibération du 9 février 2016 du conseil communautaire de la communauté de communes. Par jugement du 27 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette délibération, à la demande de Mme A..., en tant qu'elle approuve le classement en zone UT des parcelles cadastrées aux numéros 527, 528, 529, 530, 531 et 532, mais a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Mme A... doit être regardée comme relevant appel de ce jugement, en tant qu'il a partiellement rejeté sa demande.

Sur la procédure d'adoption du PLU :

2. En premier lieu, aux terme de l'article L. 123-9-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque le plan local d'urbanisme est élaboré par une commune qui n'est ni membre d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme ni membre d'une autorité organisatrice de transports urbains, et qui est située à moins de quinze kilomètres de la périphérie d'une agglomération de plus de 50 000 habitants, le maire recueille l'avis de l'autorité organisatrice des transports urbains sur les orientations du projet d'aménagement et de développement durables. ". Il ressort des pièces du dossier que le département de la Haute-Savoie, autorité organisatrice des transports urbains, a été consulté sur le projet de PLU, lequel comprend le projet d'aménagement et de développement durables, et a donné son avis le 25 juin 2015. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées manque en fait.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 153-9 du code de l'urbanisme : " L'établissement public de coopération intercommunale mentionné au 1° de l'article L. 153-8 peut décider, après accord de la commune concernée, d'achever toute procédure d'élaboration ou d'évolution d'un plan local d'urbanisme ou d'un document en tenant lieu, engagée avant la date de sa création, y compris lorsqu'elle est issue d'une fusion ou du transfert de cette compétence. Il se substitue de plein droit à la commune dans tous les actes et délibérations afférents à la procédure engagée avant la date de sa création, de sa fusion, de la modification de son périmètre ou du transfert de la compétence. ". La communauté de communes étant substituée de plein droit à la commune de Saint-Jean-d'Aulps dans tous ses actes et délibérations à la date du 1er janvier 2016, postérieurement à l'arrêt du projet de plan et à l'achèvement de l'enquête publique, ni le conseil communautaire ni les conseils municipaux des autres communes n'avaient à débattre à nouveau sur le projet d'aménagement et de développement durables. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 153-12 du code de l'urbanisme imposant un tel débat pour les PLU en cours d'élaboration ne peut qu'être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que, conformément aux dispositions citées au point 3 de l'article L. 153-9 du code de l'urbanisme, le conseil municipal de Saint-Jean-d'Aulps a donné son accord, le 11 janvier 2016, à la poursuite de la procédure d'élaboration du PLU par la communauté de communes du Haut-Chablais. Si, ainsi que le fait valoir Mme A..., les conseillers municipaux n'ont été informés qu'en début de séance de l'inscription de cette question à l'ordre du jour de la séance, il ressort des pièces du dossier qu'ils avaient approuvé le transfert de la compétence à l'établissement public par délibération du 9 novembre 2015. Par ailleurs, et alors que le conseil municipal ne pouvait plus, dans ces conditions, approuver le PLU, le maire a rappelé aux élus, en début de séance, les conditions dans lesquelles la compétence avait été transférée et leur a rappelé l'état d'avancement du projet. Dans ces conditions, eu égard à la portée de la délibération et alors que les élus ont été mis à même de poser toutes questions utiles lors de la séance, la procédure d'adoption de la délibération du 11 janvier 2016 n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales citées au point précédent.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme : " A l'issue de l'enquête, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d'enquête, est approuvé par : 1° L'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale à la majorité des suffrages exprimés après que les avis qui ont été joints au dossier, les observations du public et le rapport du commissaire ou de la commission d'enquête aient été présentés lors d'une conférence intercommunale rassemblant les maires des communes membres de l'établissement public de coopération intercommunale ; 2° Le conseil municipal dans le cas prévu au 2° de l'article L. 153-8. ".

7. La requérante fait valoir qu'en méconnaissance des dispositions citées au point précédent, le PLU de la commune de Saint-Jean-d'Aulps a été adopté sans que les avis joints au dossier, les observations du public et le rapport du commissaire aient été présentés lors d'une conférence intercommunale regroupant les maires des communes membres de la communauté de communes du Haut-Chablais, établissement public compétent depuis le 1er janvier 2016. Toutefois, et alors que ces avis et observations ont été présentés lors de la séance du conseil communautaire lors de laquelle a été adopté le PLU, à laquelle participaient ces élus, l'absence de présentation à la conférence intercommunale, qui ne constitue pas une garantie, n'a pas été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise.

8. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que les élus communautaires ont été informés de l'ordre du jour de la séance du 9 février 2016 et qu'un document de présentation du PLU et des modifications apportées au projet était joint à cet envoi. Quand bien même l'entier document à approuver ne leur a pas été communiqué, ce qu'aucune disposition n'impose, ils ont pu prendre connaissance du dossier avant la réunion ou demander des précisions en séance. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales citées au point 4 doit être écarté.

Sur le rapport de présentation :

9. Aux termes de l'article R. 123-2-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque le plan local d'urbanisme doit faire l'objet d'une évaluation environnementale conformément aux articles L. 121-10 et suivants, le rapport de présentation : (...) 3° Analyse les incidences notables prévisibles de la mise en oeuvre du plan sur l'environnement et expose les conséquences éventuelles de l'adoption du plan sur la protection des zones revêtant une importance particulière pour l'environnement, en particulier l'évaluation des incidences Natura 2000 mentionnée à l'article L. 414-4 du code de l'environnement ; (...) ".

10. La requérante soutient que l'évaluation environnementale serait insuffisante en ce qu'elle n'analyserait pas les incidences du PLU sur le site Natura 2000 du Roc d'Enfer. Il ressort des pièces du dossier qu'une partie de ce vaste secteur est classé en zone Ns où sont autorisés les aménagements et installations nécessaires au fonctionnement du domaine skiable. Toutefois, et à l'exception d'une petite zone où pourrait être aménagée une piste de ski pour débutants, dans un secteur ne comprenant pas d'habitat d'intérêt communautaire, cette zone Ns correspond à l'emprise du domaine skiable existant. Dans ces conditions, et alors d'une part que le rapport de présentation envisage la mise en place de mesures de réduction des impacts dans le cadre du projet de remplacement du téléski des Têtes par un télésiège et que les services de la préfecture de la Haute-Savoie ont estimé que le projet " prend bien en compte les secteurs plus riches d'un point de vue environnemental, autour du Roc d'Enfer notamment ", le moyen tiré de l'insuffisance du rapport de présentation doit être écarté.

Sur les classements de parcelles :

11. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur et désormais repris à l'article R. 151-22 de ce code : " Les zones agricoles sont dites "zones A". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ".

12. Il appartient aux auteurs d'un PLU de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par ce PLU, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

13. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée AB n° 571 et la partie sud de la parcelle n° 558, dont Mme A... conteste le classement en zone agricole, sont en l'état de prairies et, servant de pâture pour des chevaux, ne sont pas dépourvues de potentiel agricole. Si elles sont proches de quelques constructions isolées, classées en zone N, elles sont situées à l'extérieur des espaces urbanisés les plus proches, dans un secteur ayant conservé un caractère naturel. Leur classement en zone agricole répond par ailleurs à la volonté des auteurs du PLU de préserver l'avenir de l'agriculture et de lutter contre l'étalement urbain en réduisant l'emprise de la zone U au plus près des enveloppes urbanisées. Dans ces conditions, et alors même que ces parcelles sont desservies par les réseaux et qu'elles étaient constructibles dans l'ancien plan d'urbanisme, leur classement en zone agricole ne procède d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

14. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais d'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la communauté de communes du Haut-Chablais, qui n'est pas partie perdante, verse à Mme A... la somme qu'elle demande au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros à verser à la communauté de communes du Haut-Chablais au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Mme A... versera à la communauté de communes du Haut-Chablais la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... et à la communauté de communes du Haut-Chablais.

Délibéré après l'audience du 18 février 2020 à laquelle siégeaient :

Mme G... H..., présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme F... D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 2 avril 2020.

Le rapporteur,

Thierry Besse La présidente,

Dominique H...

La greffière,

Fabienne Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et au ministre de la transition écologique et solidaire, en ce qui les concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 19LY00811

md


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00811
Date de la décision : 02/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme. Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU).


Composition du Tribunal
Président : Mme MARGINEAN-FAURE
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS LEVANTI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-04-02;19ly00811 ?
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