Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 12 juillet 2016 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé son licenciement.
Par jugement n° 1604374 lu le 22 mai 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 20 juillet 2018 M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 mai 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 12 juillet 2016 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé son licenciement ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision en litige est insuffisamment motivée ;
- la mauvaise foi et l'intention de nuire qu'on lui impute doivent être neutralisés en raison de son état mental ;
- la décision de retrait en litige a été prise à la suite d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'a pas été informé de la possibilité d'être entendu préalablement à cette décision en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la décision en litige méconnaît les dispositions des articles L. 1152-3 et L. 1132-1 et suivants du code du travail en ce qui concerne tant la qualification du caractère fautif des faits qui lui sont reprochés que l'absence de lien entre la demande d'autorisation de licenciement et le mandat exercé.
Par mémoire enregistré le 15 avril 2019, la société Epidaure, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. C... le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par mémoire enregistré le 10 mai 2019, le ministre du travail conclut au rejet de la requête de M. C... en soutenant que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 13 mai 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 juin 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- les observations de Me E... substituant Me A..., pour la société Epidaure ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Epidaure a saisi l'inspecteur du travail le 9 octobre 2015 d'une demande d'autorisation de licencier M. C..., chargé de l'entretien de la résidence pour personnes âgées et investi du mandat de délégué du personnel. Par une décision implicite, l'inspecteur du travail a rejeté la demande. La ministre du travail, saisie d'un recours hiérarchique de l'employeur, a, par décision du 12 juillet 2016, retiré la décision implicite de rejet de ce recours hiérarchique, annulé la décision implicite de l'inspecteur du travail et autorisé le licenciement de M. C.... Ce dernier relève appel du jugement du 22 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de la décision précitée du 12 juillet 2016.
2. En premier lieu, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision en litige doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.
3. En deuxième lieu, il résulte des dispositions des articles L. 121-1, L. 122-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration qu'il appartient à l'autorité administrative compétente pour adopter une décision individuelle entrant dans leur champ de mettre elle-même la personne intéressée en mesure de présenter des observations. Il en va de même, à l'égard du bénéficiaire d'une décision, lorsque l'administration est saisie par un tiers d'un recours gracieux ou hiérarchique contre cette décision. Ainsi, le ministre chargé du travail, saisi sur le fondement des dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail, d'un recours contre une décision autorisant ou refusant d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé, doit mettre le tiers au profit duquel la décision contestée a créé des droits - à savoir, respectivement, l'employeur ou le salarié protégé - à même de présenter ses observations, notamment par la communication de l'ensemble des éléments sur lesquels le ministre entend fonder sa décision. Toutefois et contrairement à ce que soutient M. C... aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général du droit n'impose à l'autorité administrative de recueillir les observations orales du salarié préalablement à l'édiction d'une décision de retrait d'une décision implicite de rejet de la demande de licenciement présentée par l'employeur.
4. En troisième lieu, en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
5. D'une part, il ressort tant des attestations de la supérieure hiérarchique directe de M. C... et de membres de l'équipe paramédicale de l'établissement que de la note de synthèse établie par l'inspection du travail suite au recours hiérarchique de la société Epidaure, que l'intéressé adopte systématiquement un comportement agressif à l'égard de sa hiérarchie et a notamment le 30 septembre 2015 refusé de porter sa tenue de travail pour arborer un tee-shirt portant une inscription dénonçant le harcèlement dont il s'estime victime. Si M. C... soutient que les résidents et leur famille n'ont pas été témoins de son initiative qui visait à dénoncer ses conditions de travail, de telles assertions non pas été confirmées par l'enquête interne diligentées par l'employeur et ne sont pas de nature à remettre en cause la matérialité des faits d'insubordination qui lui sont reprochés. Enfin, il ressort des pièces du dossier que M. C... avait fait l'objet, le 27 juin 2014, d'un avertissement pour refus d'exécuter les tâches relevant de ses attributions et pour son attitude envers par la hiérarchie et pour non-respect de cette dernière. Eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, les faits précités sont d'une gravité suffisante pour justifier l'autorisation de licenciement.
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail dans sa rédaction alors applicable : " (...) aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire (...) en raison de son état de santé (...) ". Lorsqu'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par un comportement jugé fautif, elle ne peut être légalement accordée si les faits reprochés sont la conséquence d'un état pathologique ou d'un handicap de l'intéressé. Si M. C... soutient que son état dépressif et la nécessité de suivi psychiatrique ou psychologique résultent des agissements de son employeur à son égard, il n'établit pas que les fautes qu'il a commises serait la conséquence de son état de santé qui, d'ailleurs, n'a pas fait obstacle à ce qu'il appréhende les conséquences de son comportement. Au demeurant, aucune des pièces du dossier n'est de nature à établir un tel lien. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 1132-1 du code du travail.
7. Enfin, il ressort de la décision en litige que cette dernière a été prise en raison du refus réitéré de M. C... d'exécuter ses tâches. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-2 et L. 1153-3 du code du travail est dès lors inopérant. Par ailleurs, si M. C... soutient être victime de harcèlement moral et de discrimination de la part de collègues et de la direction, il ne verse aucun élément au dossier suffisamment précis et concordant permettant d'établir la réalité de ces allégations.
8. En dernier lieu, le lien avec le mandat n'est pas établi.
9. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué du 22 mai 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Epidaure sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Epidaure tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à la société Epidaure et au ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2020 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Burnichon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 avril 2020.
N° 18LY02756