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12/03/2020 | FRANCE | N°19LY02528

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 12 mars 2020, 19LY02528


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une demande enregistrée sous le n° 1902795, M. D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 10 avril 2019 par lequel le préfet du Rhône a ordonné sa remise aux autorités suédoises en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par une demande enregistrée sous le n° 1902798, Mme B... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 10 avril 2019 par lequel le préfet du Rhône a ordonné sa remise aux autorités suédoises en vue de

l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1902795, 1902798 lu le 27 mai 2019, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une demande enregistrée sous le n° 1902795, M. D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 10 avril 2019 par lequel le préfet du Rhône a ordonné sa remise aux autorités suédoises en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par une demande enregistrée sous le n° 1902798, Mme B... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 10 avril 2019 par lequel le préfet du Rhône a ordonné sa remise aux autorités suédoises en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1902795, 1902798 lu le 27 mai 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 28 juin 2019, M. D... et Mme B... épouse D..., représentés par Me E..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du 27 mai 2019 ainsi que les arrêtés susvisés du 10 avril 2019 pris par le préfet du Rhône ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône d'autoriser M. D... à déposer sa demande d'asile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les arrêtés en litige sont insuffisamment motivés ;

- les arrêtés ont été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 11 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- ils ont été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 17 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire, enregistré le 12 septembre 2019, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. et Mme D... ont été admis au bénéficie de l'aide juridictionnelle totale par décision du 17 juillet 2019 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Rémy-Néris, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D..., ressortissants kosovares nés respectivement le 28 mai 1972 et le 1er mai 1976, déclarent être entrés en France le 3 janvier 2019, accompagnés de leur enfant mineur. Ils ont sollicité concomitamment l'asile en préfecture de l'Isère le 18 janvier 2019. Par les arrêtés contestés du 10 avril 2019, le préfet du Rhône a ordonné leur remise aux autorités suédoises en vue de l'examen de leurs demandes d'asile. Ils relèvent appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes d'annulation de ces arrêtés.

Sur la légalité des décisions en litige :

2. Aux termes de l'article 12 du règlement UE n° 604/2013 susvisé : " (...) 2. Si le demandeur est titulaire d'un visa en cours de validité, l'État membre qui l'a délivré est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, sauf si ce visa a été délivré au nom d'un autre État membre en vertu d'un accord de représentation prévu à l'article 8 du règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas. Dans ce cas, l'État membre représenté est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. (...) ". Aux termes de l'article 11 du même règlement qui prévoit une procédure familiale : " Lorsque plusieurs membres d'une famille et/ou des frères ou soeurs mineurs non mariés introduisent une demande de protection internationale dans un même État membre simultanément, ou à des dates suffisamment rapprochées pour que les procédures de détermination de l'État membre responsable puissent être conduites conjointement, et que l'application des critères énoncés dans le présent règlement conduirait à les séparer, la détermination de l'État membre responsable se fonde sur les dispositions suivantes : a) est responsable de l'examen des demandes de protection internationale de l'ensemble des membres de la famille et/ou des frères et soeurs mineurs non mariés, l'État membre que les critères désignent comme responsable de la prise en charge du plus grand nombre d'entre eux ; b) à défaut, est responsable l'État membre que les critères désignent comme responsable de l'examen de la demande du plus âgé d'entre eux. " Aux termes de l'article 20 du même règlement : " 3. Aux fins du présent règlement, la situation du mineur qui accompagne le demandeur et répond à la définition de membre de la famille est indissociable de celle du membre de sa famille et relève de la responsabilité de l'État membre responsable de l'examen de la demande de protection internationale dudit membre de la famille, même si le mineur n'est pas à titre individuel un demandeur, à condition que ce soit dans l'intérêt supérieur du mineur.; (...) ".

3. En l'espèce, saisi par les autorités françaises d'une demande de prise en charge de la demande d'asile de Mme D... et sa fille mineure sur le fondement de l'article 12-2 du règlement susvisé en raison de la délivrance à l'appelante d'un visa en cours de validité, les autorités suédoises ont accepté ces demandes de réadmission explicitement le 18 mars 2019. Pour estimer la Suède comme État responsable de l'examen de la demande de M. et Mme D..., le préfet du Rhône s'est fondé sur les dispositions du a) de l'article 11 du même règlement.

4. Toutefois, en vertu des stipulations précitées, la Suède et la France n'étaient responsables, chacune, que de l'examen d'une seule demande d'asile. Ainsi, contrairement à ce que soutient le préfet du Rhône, les dispositions du a) de l'article 11 du règlement susvisé du 26 juin 2013 ne pouvaient s'appliquer et, en application de l'article 20 du même règlement, la circonstance que l'enfant mineur du couple s'était vu remettre une attestation de demande d'asile à son nom suite à la demande d'asile formulée le 18 janvier 2019 par sa mère pour elle-même et sa fille est sans incidence. Par suite, en application du b) de l'article 11 du règlement susvisé du 26 juin 2013, la France, État responsable de l'examen de la demande de M. D..., plus âgé que son épouse, était aussi responsable de l'examen de la demande de cette dernière. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. et Mme D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes d'annulation des arrêtés pris le 10 avril 2019 à leur encontre.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard au motif d'annulation de la décision de transfert litigieuse, et compte tenu, en tout état de cause, de l'expiration du délai d'exécution de la décision annulée, le présent arrêt implique nécessairement que, pour son exécution, il soit enjoint au préfet du Rhône ou au préfet territorialement compétent, de se prononcer à nouveau sur le cas de M. D... en application des dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de transmettre son dossier de demande de protection internationale à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et de le munir, sans délai, de l'attestation de demande d'asile mentionnée à l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros à verser à Me E... avocat des époux D... au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me E... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DÉCIDE :

Article 1er : Les arrêtés du 10 avril 2019 pris par le préfet du Rhône à l'encontre de M. et Mme D... ordonnant leur remise aux autorités suédoises en vue de l'examen de leurs demandes d'asile sont annulés ainsi que le jugement n° 1902795, 1902798 du 27 mai 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône ou au préfet territorialement compétent, de se prononcer à nouveau sur le cas de M. D... en application des dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de transmettre son dossier de demande de protection internationale à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et de le munir, sans délai, de l'attestation de demande d'asile mentionnée à l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Article 3 : L'État versera la somme de 1 000 euros à Me E... au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me E... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme C... B... épouse D..., à Me E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 20 février 2020 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

Mme Burnichon, premier conseiller,

Mme Rémy-Néris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 mars 2020.

2

N° 19LY02528


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02528
Date de la décision : 12/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : DJINDEREDJIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-03-12;19ly02528 ?
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