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12/03/2020 | FRANCE | N°18LY03180

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 12 mars 2020, 18LY03180


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler la décision du 25 janvier 2016 par laquelle le maire de Villarembert Le Corbier l'a licenciée sans préavis ni indemnité de licenciement ;

2°) d'enjoindre au maire de Villarembert Le Corbier de procéder à la reconstitution de l'ensemble de ses droits sociaux et financiers pour la période comprise entre la date de son licenciement et le terme de son contrat ;

3°) de condamner la commune de Villarembert Le Corbier à

lui verser la somme de 61 105,27 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 29 septem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler la décision du 25 janvier 2016 par laquelle le maire de Villarembert Le Corbier l'a licenciée sans préavis ni indemnité de licenciement ;

2°) d'enjoindre au maire de Villarembert Le Corbier de procéder à la reconstitution de l'ensemble de ses droits sociaux et financiers pour la période comprise entre la date de son licenciement et le terme de son contrat ;

3°) de condamner la commune de Villarembert Le Corbier à lui verser la somme de 61 105,27 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2016, capitalisés, en réparation du préjudice que l'illégalité de cette décision lui a causé ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Villarembert Le Corbier une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1601802 du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 août 2018, Mme H... D..., représentée par Me B..., avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 juin 2018 ;

2°) d'annuler la décision du maire de Villarembert Le Corbier du 25 janvier 2016 ;

2°) d'enjoindre au maire de Villarembert Le Corbier de procéder à la reconstitution de l'ensemble de ses droits sociaux et financiers pour la période comprise entre la date de son licenciement et le terme de son contrat ;

3°) de condamner la commune de Villarembert Le Corbier à lui verser la somme de 61 105,27 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2016, et capitalisation de ces intérêts, en réparation du préjudice que l'illégalité de cette décision lui a causé ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Villarembert Le Corbier une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son licenciement a été prononcé au terme d'une procédure irrégulière, à défaut d'avoir été précédé d'une consultation de la commission consultative paritaire, en méconnaissance de l'article 36-1 du décret du 15 février 1988, dans sa version issue du décret du 29 décembre 2015 ;

- la procédure est également irrégulière du fait de l'organisation de l'entretien préalable pendant son arrêt de travail ;

- les faits qui ont justifié son licenciement pour motif disciplinaire ne sont pas établis ;

- son licenciement procède d'un détournement de pouvoir et d'un détournement de procédure ;

- ce licenciement illégal lui a causé un préjudice, constitué par une perte de salaires, qui doit être évalué à 21 105,27 euros ;

- ce licenciement illégal lui a causé un préjudice moral et un préjudice de carrière qui doivent être évalués à 20 000 euros chacun.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 octobre 2018, la commune de Villarembert Le Corbier, représentée par Me Majerowicz, avocat, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme D... la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle expose que :

- l'appel est tardif et, par suite, irrecevable ;

- en outre, les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 28 août 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n°88-145 du 15 février 1988 ;

- le décret n° 2015-1912 du 29 décembre 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... G..., première conseillère,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me B... représentant Mme D... et de Me F... représentant la commune de Villarembert Le Corbier ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... a été recrutée en 2012 par la commune de Villarembert Le Corbier en qualité de contractuelle, d'abord comme responsable de l'accueil de la piscine, puis comme chargée de mission, à compter du 1er décembre 2013, par contrat d'une durée d'un mois, renouvelé pour une durée de trois ans. Avant le terme de celui-ci, le maire de Villarembert Le Corbier a prononcé son licenciement pour motifs disciplinaires, par décision du 25 janvier 2016. Le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de Mme D... tendant à l'annulation de cette décision et à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis en conséquence, par un jugement du 7 juin 2018, dont elle relève appel.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 36-1 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes : (...) 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement ". Le décret du 29 décembre 2015 portant diverses dispositions relatives aux agents contractuels de la fonction publique territoriale a, par son article 38, ajouté à cet article un cinquième alinéa au terme duquel : " Toute décision individuelle relative aux sanctions disciplinaires autres que l'avertissement et le blâme est soumise à consultation de la commission consultative paritaire prévue à l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée ". Publié au journal officiel de la République française du 31 décembre 2015, ce décret du 29 décembre 2015 est, conformément à son article 64, entré en vigueur le 1er janvier 2016. Toutefois, son article 60 prévoit que : " Les procédures de fin de contrat et de licenciement engagés antérieurement à la date d'entrée en vigueur du présent décret restent régies par les règles du décret du 15 février 1988 susvisé dans leur rédaction antérieure à celle issue du présent décret ".

3. En visant, sans exception, l'ensemble des procédures de licenciement, les dispositions de l'article 60 du décret du 29 décembre 2015, rappelées ci-dessus, s'appliquent également aux procédures de licenciement pour motifs disciplinaires. Par suite, et contrairement à ce que prétend Mme D... qui ne conteste pas, dans ses écritures, que la procédure de son licenciement a été engagée avant le 1er janvier 2016, cette procédure demeurait régie par les dispositions de l'article 36-1 du décret du 15 février 1988 susvisé dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'article 38 du décret du 29 décembre 2015. En conséquence, le maire de Villarembert Le Corbier n'était pas tenu de saisir la commission consultative paritaire avant de prononcer le licenciement de Mme D.... Ainsi, le moyen tiré du défaut d'une telle consultation est inopérant et ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 42 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors applicable : " Le licenciement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable. La décision de licenciement est notifiée à l'intéressé par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Cette lettre précise le ou les motifs du licenciement et la date à laquelle celui-ci doit intervenir compte tenu des droits à congés annuels restant à courir et de la durée du préavis ". Hormis le cas où l'intéressé est dans l'impossibilité d'assister à l'entretien préalable auquel il a été convoqué, son absence à cet entretien n'oblige pas l'administration à procéder à une nouvelle convocation ou à répondre favorablement à une demande de report.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... a, par courrier daté du 29 décembre 2015, été convoquée à un entretien préalable à son licenciement, prévu le lundi 11 janvier 2016 à 14 heures. Si l'intéressée était alors placée en arrêt de travail, pour maladie ordinaire, par un avis du 7 janvier 2016 applicable jusqu'au 5 février 2016, il résulte de cet avis qu'elle était autorisée à quitter son domicile sans restriction d'horaires. Contrairement à ce qu'elle prétend, cette autorisation de sortie n'était pas subordonnée à une exigence médicale, son médecin ayant lui-même, sur ce même avis, mentionné les éléments d'ordre médical justifiant qu'il soit dérogé aux restrictions d'horaires. Ainsi, cet arrêt de travail ne plaçait pas Mme D... dans l'impossibilité de se rendre à l'entretien préalable auquel elle avait été dûment convoquée et auquel elle avait, au demeurant, expressément indiqué ne pas avoir l'intention de se rendre, sans en solliciter le report, par courrier du 9 janvier 2016. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que les dispositions précitées de l'article 42 du décret du 15 février 1988 auraient été méconnues.

6. En troisième lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. En l'absence de disposition législative contraire, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen.

7. En l'espèce, le maire de Villarembert Le Corbier a, par la décision litigieuse, prononcé le licenciement de Mme D... à titre disciplinaire, sans préavis ni indemnité, pour trois motifs. Parmi eux, la réalité de celui tiré de manquements à son obligation professionnelle, en raison de la divulgation d'informations confidentielles et de l'enregistrement suivi de la diffusion de conversations avec un élu " courant 2014 ", n'est pas établie, en l'absence de toute précision et de tout commencement de preuve. En revanche, il ressort des pièces du dossier que Mme D... a indiqué sur le curriculum vitae qu'elle a fourni lors de son premier recrutement par la commune de Villarembert Le Corbier, parmi ses " formation (s) ", une " licence Histoire de l'art ". Cette mention, figurant sur son curriculum vitae au même titre que le baccalauréat, le brevet de technicien supérieur ou le DEUG qu'elle a par ailleurs obtenus, laissait raisonnablement supposer, contrairement à ce qu'elle soutient, qu'elle était titulaire du diplôme sanctionnant une troisième année d'études supérieures. Il est constant qu'elle n'est pas titulaire d'un tel diplôme, pourtant requis pour occuper un poste de catégorie A dans la fonction publique, y compris en qualité de contractuel, tel que celui de chargé de mission qui lui a été proposé. L'intéressée ne pouvait ignorer que ce poste correspondait à un poste d'attaché territorial, ainsi qu'il résultait tant des modalités de calcul de sa rémunération que de la référence à l'article " 3-3 2° " du statut de la fonction publique territoriale, figurant dans son contrat. Si elle fait valoir qu'elle pouvait prétendre, par ses autres diplômes ou son expérience, à une équivalence lui permettant d'accéder à un tel poste, elle ne l'établit pas. Enfin, il ressort des pièces du dossier qu'en tant que chargée de mission, Mme D... était notamment en charge de l'élaboration de la brochure communale " Famille plus ", dont l'édition " été " 2015 a nécessité l'intervention d'un graphiste, la société Esquisse, et d'un imprimeur professionnel, la société Sicolicopy. Ces prestataires ont tous deux émis un devis, daté respectivement du 22 juin 2015 et du 16 juin 2015, lequel devait être soumis pour accord définitif à la signature du maire de la commune. Toutefois, dès le 3 juillet 2015, le maire de Villarembert Le Corbier a, par courrier électronique, signalé un dysfonctionnement à Mme D..., l'impression ayant été commandée sans que la brochure ne soit validée. A la réception de la facture émise par la société Sicolicopy, le maire de Villarembert Le Corbier s'est dès lors interrogé sur la signature préalable du devis correspondant, sans que Mme D... ne soit alors en mesure de lui en fournir une copie. Ce dysfonctionnement ayant à nouveau été invoqué le 2 décembre 2015 par le maire de la commune, Mme D... s'est rendue dès le lendemain auprès de l'imprimeur, ainsi que celui-ci en a attesté, en lui fournissant une copie de ce devis signé et en lui demandant de le notifier lui-même par voie électronique à la mairie. Mme D..., qui ne conteste pas le déroulement de ces faits, n'apporte aucune précision sur les modalités lui ayant permis de se procurer cette copie du devis signé, ni ne justifie sérieusement les raisons pour lesquelles elle s'est ainsi adressée à l'imprimeur pour communiquer aux services municipaux le devis litigieux. Compte tenu de l'identité de signature et de cachet entre ce document et celui émis en juin 2015 par la société Esquisse, ce devis signé procède d'une falsification. Ni l'attestation établie postérieurement à ces faits par le gérant de la société Sicolicopy, évoquant brièvement un " devis signé ", ni le propre courrier électronique de Mme D... du 3 juillet 2015 faisant état d'un tel devis signé, ne sauraient suffire à démontrer qu'il s'agissait, comme elle le prétend, d'une copie d'un devis régulièrement signé par le maire dès le mois de juin 2015 et égarée jusqu'alors dans les locaux de la mairie. Dans ces circonstances, alors même que les relations entretenues par Mme D... avec une élue étaient manifestement conflictuelles, à la suite notamment de sa dénonciation d'une situation constitutive, selon elle, d'un conflit d'intérêts à compter du mois de février 2014, deux des trois manquements invoqués sont établis et constitutifs de fautes dont la gravité est de nature à justifier le licenciement prononcé.

8. En quatrième lieu, eu égard à ce qui précède, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que son licenciement pour motifs disciplinaires tendrait à contourner l'impossibilité de la licencier pour perte de confiance et à la priver irrégulièrement d'un préavis et d'indemnités de licenciement. De plus, s'il ressort des pièces du dossier que les relations entretenues par Mme D... avec une élue et certains responsables de l'office du tourisme étaient manifestement conflictuelles, à la suite notamment de sa dénonciation d'une situation constitutive, selon elle, d'un conflit d'intérêts à compter du mois de février 2014, le rôle qu'aurait joué, d'après l'appelante, cette élue dans son licenciement n'est nullement établi. Dans ces circonstances et compte tenu, par ailleurs, de la gravité des fautes qui lui sont reprochées, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse procèderait d'un détournement de procédure ou d'un détournement de pouvoir doivent être écartés.

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. La présente décision rejetant les conclusions à fin d'annulation de Mme D... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

11. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à se prévaloir d'une faute de la commune de Villarembert Le Corbier susceptible d'engager sa responsabilité. Ses conclusions à fin d'indemnisation doivent dès lors être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Villarembert Le Corbier, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme D.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... le paiement des frais exposés par la commune de Villarembert Le Corbier au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Villarembert Le Corbier tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... D... et à la commune de Villarembert Le Corbier.

Délibéré après l'audience du 4 février 2020 à laquelle siégeaient :

Mme E... A..., présidente de chambre,

Mme I..., présidente assesseure,

Mme C... G..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 12 mars 2020.

2

N° 18LY03180


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY03180
Date de la décision : 12/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Procédure.

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Licenciement - Insuffisance professionnelle.

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat - Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : DROIT PUBLIC CONSULTANTS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-03-12;18ly03180 ?
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