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27/02/2020 | FRANCE | N°19LY01748

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 27 février 2020, 19LY01748


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'annuler :

- les décisions implicites par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé d'enregistrer sa demande de titre de séjour et de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour assorti d'une autorisation de travail ;

- l'arrêté du 19 novembre 2018 par lequel le préfet de l'Isère a prononcé son expulsion du territoire français à destination de tout pays pour lequel il établit être légalement admissible.
>Par un jugement nos 1806981, 1807662, 1900199 du 7 mars 2019, le tribunal administratif de Grenoble ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'annuler :

- les décisions implicites par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé d'enregistrer sa demande de titre de séjour et de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour assorti d'une autorisation de travail ;

- l'arrêté du 19 novembre 2018 par lequel le préfet de l'Isère a prononcé son expulsion du territoire français à destination de tout pays pour lequel il établit être légalement admissible.

Par un jugement nos 1806981, 1807662, 1900199 du 7 mars 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 7 mai 2019 et un mémoire enregistré le 7 novembre 2019, présentés pour M. B..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement nos 1806981, 1807662, 1900199 du tribunal administratif de Grenoble du 7 mars 2019, en tant qu'il a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions implicites par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé d'enregistrer sa demande de titre de séjour et de l'arrêté du 19 novembre 2018, par lequel le préfet de l'Isère a prononcé son expulsion du territoire français à destination de tout pays pour lequel il établit être légalement admissible ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une carte de résident ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que le refus d'enregistrement de sa demande de renouvellement se justifiait par le fait qu'il ne démontrait pas avoir joint un justificatif d'état civil à sa demande de renouvellement ;

- c'est également à tort que le tribunal a considéré que le préfet n'a pas entaché sa décision d'expulsion d'une erreur manifeste en considérant que sa présence constituait une menace grave pour l'ordre public ;

- un renvoi vers son pays d'origine, l'Angola, doit être exclu dès lors qu'il bénéficie de la qualité de réfugié à la date de l'arrêté en litige, et que les stipulations de l'article 33 de la convention de Genève garantissent le non refoulement ;

- la décision d'expulsion méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant angolais né le 3 octobre 1989, déclare être entré en France en 2004 à l'âge de quinze ans avec les membres de sa famille. Son père, M. C... B... a obtenu l'asile, le 12 janvier 2007. Une carte de résident, valable du 11 septembre 2007 au 10 septembre 2017, lui a délivrée. Il a été incarcéré à compter du 15 juin 2012 pour des faits commis entre 2009 et 2012. Par un jugement du 2 janvier 2018, le juge de l'application des peines près la cour d'appel de Grenoble a admis M. B... au bénéfice de la libération conditionnelle à compter du 8 janvier 2019, sous réserve d'avoir satisfait à une mesure de placement à l'extérieur probatoire sous la responsabilité de l'AREPI à compter du 8 janvier 2018. Sa carte de résident ayant expiré le 10 septembre 2017, il s'est présenté aux guichets de la préfecture de l'Isère en janvier 2018 afin d'obtenir le renouvellement de son titre de séjour. Sa demande de renouvellement de titre de séjour n'a pas été enregistrée. Par un arrêté du 19 novembre 2018, le préfet de l'Isère a prononcé son expulsion du territoire français à destination de tout pays pour lequel il établirait être légalement admissible. M. B... interjette appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 mars 2019 en tant qu'il a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions implicites par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé d'enregistrer sa demande de titre de séjour et de l'arrêté du 19 novembre 2018 par lequel le préfet de l'Isère a prononcé son expulsion du territoire français à destination de tout pays pour lequel il établit être légalement admissible.

Sur la recevabilité de la demande de M. B... dirigée contre un refus d'enregistrer sa demande de renouvellement de son titre de séjour :

2. Dès lors que M. B... ne critique pas le motif d'irrecevabilité retenu par les premiers juges pour rejeter les conclusions de sa demande dirigées contre le refus d'enregistrer sa demande et de lui délivrer un récépissé en conséquence, tiré de ce que ces conclusions étaient dirigées contre une décision ne faisant pas grief, et alors qu'il n'appartient pas à la cour de s'interroger d'office sur le bien-fondé de l'irrecevabilité opposée au requérant par le tribunal administratif, ces conclusions doivent être rejetées.

Sur la légalité de la décision d'expulsion :

3. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2 (...), l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public. ". Aux termes de l'article L. 521-2 de ce code : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'État ou la sécurité publique (...) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans (...) / (...) / Par dérogation aux dispositions du présent article, l'étranger visé aux 1° à 5° peut faire l'objet d'un arrêté d'expulsion en application de l'article L. 521-1 s'il a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans ".

4. Les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure d'expulsion et ne dispensent pas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace grave pour l'ordre public. Lorsque l'administration se fonde sur l'existence d'une telle menace pour prononcer l'expulsion d'un étranger, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision.

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges M. B... a été condamné à sept reprises, respectivement le 30 mars 2010, le 10 juin 2011, le 20 octobre 2011, le 23 janvier 2015, le 19 décembre 2014 et le 17 novembre 2017, notamment à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de vol en réunion, le sursis ayant été révoqué de plein droit, à une peine de 400 euros d'amende pour des faits de rébellion et d'outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique, à une peine de deux mois d'emprisonnement pour des faits de recel de bien provenant d'un vol par effraction en récidive, à une peine de six mois d'emprisonnement pour des faits de vol aggravé et à une peine de sept ans d'emprisonnement, prononcée par la cour d'assises de l'Isère, pour des faits de tentative de vol avec arme en récidive de deux bijouteries. Si l'intéressé se prévaut de l'ancienneté de ces faits, de son comportement en détention, de son placement réussi auprès de l'AREPI et de ce qu'il a obtenu, par ce jugement du 2 janvier 2018, une libération conditionnelle à compter du 8 janvier 2019, il a également été condamné pour des faits, commis en 2014 et en 2016, de détention et de transport de stupéfiants. Compte tenu de la nature de ces actes, de leur caractère répété et parfois violents et de leur gravité, ainsi que de la fragilité des gages de réinsertion professionnelle et sociale qu'il présente, et en dépit de l'avis défavorable émis par la commission d'expulsion, le préfet de l'Isère, qui s'est également fondé sur son absence de volonté d'intégration et sur le comportement global de l'intéressé, n'a pas entaché son arrêté d'une erreur d'appréciation en considérant que sa présence constituait une menace grave à l'ordre public.

6. En deuxième lieu, dès lors que la décision d'expulsion constitue une décision distincte de celle fixant le pays de renvoi, le moyen tiré de ce que M. B... avait bénéficié du statut de réfugié, en conséquence du bénéfice de l'asile accordé à son père, et qu'il avait été titulaire d'une carte de résident en qualité de réfugié, ce qui ferait obstacle à son éloignement vers son pays d'origine, l'Angola, doit être écarté comme inopérant en tant qu'il est soulevé au soutien des conclusions tendant à l'annulation de la décision prononçant son expulsion, alors au demeurant qu'à la date de la décision en litige, la carte de résident délivrée au requérant était expirée depuis le 10 septembre 2017 et que, par une lettre du 8 octobre 2018, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) l'avait informé de ce qu'elle envisageait de mettre fin à sa protection, compte tenu des condamnations prononcées à son encontre.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. B... fait valoir qu'il est entré en France en 2004, à l'âge de quinze ans, avec ses parents, frères et soeurs, dont certains ont acquis la nationalité française et que sa compagne, enceinte, réside également sur le territoire Français et il se prévaut d'une réadaptation depuis sa sortie de détention, du suivi de soins et de sa volonté de s'intégrer socialement et professionnellement. Toutefois, eu égard à la gravité des délits et du crime commis et à leur caractère répété, la mesure d'expulsion n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé, qui au demeurant ne justifie par aucune pièce de sa relation alléguée avec une compagne ni de la grossesse de celle-ci, une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

9. L'article 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés stipule que : " 1. Aucun des États contractants n'expulsera (...), de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. 2. Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu'il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l'objet d'une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays ".

10. Il résulte des stipulations précitées qu'un refugié ayant fait l'objet d'une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave et qui constitue une menace pour la communauté du pays d'accueil ne peut invoquer le principe de non-refoulement garanti tant par ces stipulations que par les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi qu'il a été dit précédemment, compte tenu de la nature des actes ayant conduit, à plusieurs reprises, à la condamnation de M. B..., de leur caractère répété et parfois violents et de leur gravité, sa présence constituait une menace grave à l'ordre public. Par suite, M. B... ne peut se prévaloir, au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi pour l'exécution de la mesure d'expulsion prononcée à son encontre, du bénéfice du principe de non-refoulement découlant de son statut de réfugié, auquel, au demeurant, ainsi qu'il a également été dit, l'OFPRA envisageait de mettre fin à la date de la décision en litige pour des motifs tirés de la gravité de ces mêmes faits.

11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes d'annulation des décisions implicites par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé d'enregistrer sa demande de titre de séjour et de l'arrêté du 19 novembre 2018 par lequel le préfet de l'Isère a prononcé son expulsion du territoire français à destination de tout pays pour lequel il établit être légalement admissible. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et de mise à la charge de l'État d'une somme au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 6 février 2020 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Rémy-Néris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 février 2020.

1

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N° 19LY01748


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01748
Date de la décision : 27/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-02-27;19ly01748 ?
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