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27/02/2020 | FRANCE | N°18LY03843

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 27 février 2020, 18LY03843


Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de la Loire à lui verser :

- la somme de 41 477,42 euros en paiement des indemnités de préavis, de congés payés, de jours d'aménagement de réduction du temps de travail et des avantages sociaux ;

- les sommes représentatives des cotisations sociales sur les salaires et les indemnités jusqu'à l'échéance du préavis, soit le 14 mars 2012 ;

- la somme de 225 6

38,13 euros au titre de l'indemnisation statutaire de son licenciement ;

- la somme de 392 382,09 eur...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de la Loire à lui verser :

- la somme de 41 477,42 euros en paiement des indemnités de préavis, de congés payés, de jours d'aménagement de réduction du temps de travail et des avantages sociaux ;

- les sommes représentatives des cotisations sociales sur les salaires et les indemnités jusqu'à l'échéance du préavis, soit le 14 mars 2012 ;

- la somme de 225 638,13 euros au titre de l'indemnisation statutaire de son licenciement ;

- la somme de 392 382,09 euros en réparation des préjudices subis du fait de son licenciement ;

- la somme de 121 669,68 euros en réparation des préjudices subis en raison du harcèlement moral dont il a fait l'objet ;

2°) de majorer les sommes ayant nature de salaires ou accessoires du salaire à compter de la date de leur exigibilité des intérêts au taux légal ;

Par jugement n° 1511128 lu le 22 août 2018, le tribunal administratif de Lyon a condamné la chambre de métiers et de l'artisanat de la Loire à verser à M. B... la somme de 209 784,80 euros et rejeté le surplus des demandes.

Procédure devant la cour

I/ Par une requête et un mémoire enregistrés le 22 octobre 2018 et le 25 octobre 2019 sous le n° 18LY03843, la chambre de métiers et de l'artisanat de la Loire représentée par Me A..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif en ce qu'il l'a condamnée à verser la somme de 70 000 euros à M. B... au titre de dommages et intérêts pour illégalité de son licenciement, la somme de 128627,80 euros en paiement d'arriérés d'indemnité de licenciement, la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice résultant d'un harcèlement moral et la somme de 5 000 euros en indemnisation de jours de congés payés non pris pour la période 2009/2010, et de rejeter les demandes de M. B... ;

2°) de mettre à la charge de M. B... le versement d'une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure de suppression de poste de M. B... a été respectée dès lors que l'article 42-I du statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat n'a pas vocation à s'appliquer intégralement dans le cas de M. B... dont le licenciement intervient suite à la suppression de deux chambres et à la création d'une nouvelle chambre ; l'article 42-I opère une distinction procédurale entre la suppression d'un emploi permanent et la suppression d'une chambre ;

- l'article 8 de l'annexe XIX du statut n'impose pas la désignation d'un des deux secrétaires généraux auprès de la chambre régionale de métiers et de l'artisanat ;

- l'obligation de recherche de reclassement a été respectée, M. B... n'ayant pas fait acte de candidature pour occuper un autre emploi de secrétaire général et aucun autre poste n'était disponible dans sa propre structure ;

- le délai statutaire de six mois n'étant applicable qu'à la mise à la retraite ou au licenciement à la discrétion du président, aucun délai de préavis n'est prévu par l'article 42-I du statut en cas de suppression d'emploi consécutive à la disparition de l'établissement ; le délai de cessation de fonctions de six mois qui débute à réception de la décision de suppression d'emploi par l'autorité de tutelle a été respecté ;

- M. B... a décidé de fixer de sa propre initiative ses dates de congés payés après la notification de son licenciement, pendant son préavis et ainsi, cette prise de congés n'a pas pour effet de reporter le préavis dès lors qu'elle est intervenue à son initiative après la notification de son licenciement ;

- le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

- la somme demandée par M. B... au titre de dommages et intérêts pour licenciement illégal est excessive ;

- les demandes de rappels de salaire, ou d'indemnité, pour non suspension du préavis pendant les congés payés, pour une durée de préavis non conforme à la durée statutaire, pour erreur de décompte d'allocation chômage, pour absence de rémunération du 1er février au 31 mars 2012, pour absence de rémunération du 1er avril 2012 au 31 janvier 2017, pour perte de pension intégrant la réversion au conjoint, pour perte de droits au régime complémentaire santé du 1er novembre au 31 janvier 2017, pour perte de chance de reclassement et de reconversion ne sont pas fondées ;

- la demande d'indemnité de licenciement est soumise aux dispositions du statut ; la différence de traitement fondée sur l'âge est justifiée par l'objectif légitime d'éviter qu'une indemnité ne soit allouée à de futurs allocataires de pension de vieillesse ;

- aucune situation de harcèlement moral ne peut être caractérisée à l'encontre de M. B... ;

- M. B... ayant conservé la faculté de prendre ses congés payés 2009/2010, il n'a subi aucun préjudice de ce chef.

Par un mémoire enregistré le 28 août 2019, M. C... B..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour :

1°) par la voie de l'appel incident, de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de la Loire à lui verser les sommes de :

- 425 019,87 euros en indemnisation du préjudice consécutif à l'illégalité de son licenciement ;

- 223 299,18 euros en indemnisation statutaire de son licenciement ;

- 121 669,68 euros en réparation des préjudices subis en raison du harcèlement moral dont il a fait l'objet ;

- 5 250,87 euros bruts soumise à cotisations sociales en indemnisation de ses congés payés non soldés ;

2°) de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de la Loire à lui verser une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son licenciement méconnaît l'article 9 de l'annexe XIX au statut qui prévoit que deux emplois de secrétaires généraux peuvent coexister dans la nouvelle entité ;

- il n'a pas été précédé de la consultation de l'assemble générale en méconnaissance de la procédure de suppression d'emploi ;

- la procédure de reclassement a été méconnue ;

- il est constitutif d'une rupture d'égalité de traitement ;

- ni le délai de cessation des fonctions de six mois ni le délai de préavis de trois mois n'ont été respectés ; il a été privé successivement et illégalement de trois jours et vingt-huit jours de rémunération ;

- son licenciement, révélant une sanction déguisée et le harcèlement moral qu'il subit, est constitutif de détournement de pouvoir, ce qui justifie une réévaluation de son préjudice indemnisable ;

- le treizième mois doit être ingérer au montant total des réparations ; son préjudice financier s'élève à 623,15 euros pour non-respect du délai de préavis, à 8 340,26 euros pour non suspension du préavis durant les vingt-huit jours ouvrés de congés payés, à 12 782,06 euros pour méconnaissance statutaire de la durée de préavis, à 1 113,49 euros pour erreur de décompte de l'allocation chômage à l'issue du préavis, à 12 642,94 euros pour absence de rémunération du 1er février au 31 mars 2012, à 150 334,70 euros pour absence de rémunération du 1er avril 2012 au 31 janvier 2017, à 7 934,30 euros pour perte de droits à pension intégrant la réversion au conjoint, soit au total 142 727,50 euros, à 8 448,93 euros pour perte de droits au régime complémentaire santé du 1er novembre 2011 au 31 janvier 2017, à 75 857,64 euros pour perte de chance de reclassement, à 3 198,40 euros et 8 941,81 euros pour perte de chance de reconversion ;

- l'annexe XVIII et l'article 39 du statut dans sa version de septembre 2006, lui ouvre droit à indemnité de licenciement égale à un mois de traitement par année de présence dans la profession, soit 223 299,18 euros nets, sans que lui soit opposable la réduction en fonction de l'âge prévue par les dispositions du 6 de l'article 44 du statut, qui institue une discrimination contraire aux objectifs des articles 2 à 6 de la directive 2000/78/CE ;

- la matérialité du harcèlement est établi lui ouvrant droit à une indemnité de 121 669,68 euros, correspondant à deux ans de salaire ;

- les congés payés 2009/2010 non soldés lui ouvrent droit à une indemnité compensatrice de 5 2750,87 euros soumise à cotisations sociales.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur l'irrecevabilité :

- des conclusions présentées par la chambre de métiers et de l'artisanat de la Loire dirigées contre la condamnation à verser à M. B... les sommes de 3 000 euros et de 5 000 euros en réparation d'un harcèlement moral et de congés payés non soldés en 2009/2010, de telles conclusions ayant été présentées dans le mémoire en réplique enregistré au-delà du délai d'appel ;

- des conclusions d'appel incident de M. B... tendant à la condamnation de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Loire à lui verser les sommes de 121 669,68 euros en réparation des préjudices subis pour harcèlement moral, 5 250,87 euros bruts soumise à cotisations sociales en indemnisation de congés payés non soldés, 623,15 euros en indemnisation du non-respect du délai de préavis, 8 340,26 euros en indemnisation de la non suspension du préavis pendant les congés payés, 12 782,06 euros pour insuffisance de la durée de préavis, 1 113,49 euros pour erreur de décompte de l'allocation chômage, 12 642,94 euros pour absence de rémunération du 1er février au 31 mars 2012, 150 334,70 euros pour absence de rémunération du 1er avril 2012 au 31 janvier 2017, 142 727,50 euros pour perte de droits à pensions avec réversion au conjoint, 8 448,93 euros pour perte de droits au régime complémentaire santé du 1er novembre 2011 au 31 janvier 2017, 75 857,64 euros pour perte de chance de reclassement, 3 198,40 euros et 8 941,81 euros pour perte de chance de reconversion ; ces conclusions, enregistrées après le délai d'appel, soulèvent un litige distinct de l'appel principal.

En réponse à ces mesures d'instruction, M. B... a présenté, le 31 janvier 2020, un mémoire qui n'a pas été communiqué par lequel il persiste dans ses conclusions.

II/ Par une requête enregistrée le 22 octobre 2018 sous le n° 18LY03848, la chambre de métiers et de l'artisanat de la Loire représentée par Me A..., demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1511128 du tribunal administratif de Lyon lu le 22 août 2018.

Elle soutient que :

- elle a fait appel de ce jugement, appel limité et qui ne concerne que les condamnations relatives à la somme de 70 000 euros de dommages et intérêts au motif que la décision de licenciement est entachée d'illégalité et la somme de 128 627,80 euros à titre de rappel sur l'indemnité de licenciement ;

- l'exécution du jugement rendu le 22 août 2018 par le tribunal administratif de Lyon entraînerait des conséquences difficilement réparables notamment au regard de sa situation financière.

Par une ordonnance du 24 octobre 2018, l'affaire a été dispensée d'instruction.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;

- le code de l'artisanat ;

- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952, relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le décret n° 2010-651 du 11 juin 2010 relatif à la composition des chambres régionales de métiers et de l'artisanat et des chambres de métiers et de l'artisanat et à l'élection de leurs membres ;

- le décret n° 2010-1013 du 31 août 2010 portant création de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Loire ;

- le statut du personnel administratif des chambres de métiers ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,

- les observations de Me A... pour la chambre de métiers et de l'artisanat de la Loire, ainsi que celles de Me D... pour M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Loire sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'une seule décision.

2. M. B..., secrétaire général de la chambre de métiers et de l'artisanat Loire-Roanne depuis le 1er juin 2001, a été licencié par une décision du 2 août 2011, du président de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Loire. Par jugement n° 1511128 du 22 août 2018, le tribunal administratif de Lyon a condamné la chambre de métiers et de l'artisanat de la Loire à verser à M. B... la somme de 209 784,80 euros et a rejeté le surplus des demandes de l'intéressé. La chambre de métiers et de l'artisanat de la Loire relève appel de ce jugement et demande à la cour d'en ordonner le sursis à exécution. M. B..., par la voie de l'appel incident, demande à la cour de majorer la condamnation de la chambre de métiers et d'artisanat de la Loire.

Sur la recevabilité des conclusions d'appel principal et incident :

3. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " (...) le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 (...) ".

4. La chambre de métiers et de l'artisanat de la Loire, qui a reçu notification régulière du jugement du tribunal administratif de Lyon lu le 23 août 2018, n'a demandé, dans sa requête d'appel enregistrée le 22 octobre 2018, l'annulation de ce jugement qu'en tant qu'il l'a condamnée au paiement des sommes de 70 000 euros en indemnisation des conséquences de l'illégalité du licenciement et de 128 627,80 euros en paiement de rappels d'indemnité de licenciement. Ce n'est que dans son mémoire en réplique enregistré le 25 octobre 2019, postérieurement à l'expiration du délai d'appel qu'elle a contesté sa condamnation au versement des sommes de 3 000 euros en indemnisation du harcèlement moral, 5 000 euros en paiement des congés payés 2009/2010 non soldés. Dans ces conditions, de telles conclusions sont irrecevables et doivent être rejetées.

5. Le jugement a également été notifié, le 23 août 2018, à M. B... qui n'a présenté de conclusions en réformation de ce jugement que le 28 août 2019, après l'expiration du délai d'appel. Celles-ci ne sont donc recevables, à titre incident, que si elles relèvent du même litige que l'appel principal. Si tel les cas des conclusions afférentes à l'indemnisation des conséquences de l'illégalité de son licenciement et à l'indemnisation statutaire de son licenciement, ses conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices subis en raison du harcèlement moral, à l'indemnisation des congés payés, des préjudices consécutifs à l'irrégularité du délai de préavis, à l'absence de rémunération du 1er février au 31 mars 2012 puis du 1er avril 2012 au 31 janvier 2017, et enfin à la perte de droits à pensions et à régime complémentaire santé sont étrangères aux conclusions présentées dans le délai d'appel par la chambre des métiers. En conséquence, elles sont irrecevables en raison de leur tardiveté et doivent être rejetées.

Sur la responsabilité de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Loire et l'indemnisation qui en résulte :

6. Aux termes de l'article 42 I du statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat : " La suppression d'un emploi permanent doit faire l'objet, après avis de la commission paritaire locale, d'une décision motivée de l'assemblée générale et recevoir l'approbation de l'autorité de tutelle. / L'agent titulaire de l'emploi supprimé doit, dans toute la mesure du possible, être reclassé dans un emploi équivalent existant dans l'établissement ou proposé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 1er. / En cas de suppression de la chambre de métiers et de l'artisanat (...), le personnel est affecté, dans toute la mesure du possible, à des emplois équivalents dans l'un des établissements mentionnés à l'article 1er ou dans l'organisme auquel seraient dévolues ses attributions. / (...) / Si des emplois équivalents n'existent pas ou si l'agent refuse la proposition qui lui est faite, celui-ci est licencié (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions que seule est soumise à consultation de la commission paritaire et à décision de l'assemblée générale, la suppression d'un emploi permanent au sein d'une chambre de métiers et de l'artisanat, l'agent qui occupe l'emploi supprimé devant bénéficier d'une recherche de reclassement au sein de l'établissement. Lorsque la chambre elle-même est supprimée, les emplois le sont par voie de conséquence de la suppression de cet établissement, sans qu'il y ait lieu de recueillir d'avis ou de provoquer d'autres décisions et le personnel bénéfice de tentatives d'affectation dans des emplois équivalents au sein de l'établissement qui succède à l'établissement supprimé ou d'autres établissements consulaires. Pour apprécier la légalité des conditions de rupture d'engagement de M. B..., il y a donc lieu de rechercher s'il a été licencié en raison de la suppression de son emploi ou de la suppression de la chambre consulaire dont il était le secrétaire général.

8. Aux termes de l'article 1er du décret du 31 août 2010 susvisé : " Il est créé une chambre de métiers et de l'artisanat dénommée chambre de métiers et de l'artisanat de la Loire, dont le siège est situé à Saint-Etienne. Cette chambre a pour circonscription consulaire le département de la Loire ". Aux termes de l'article 7 du même décret : " Sont abrogés (...) : - le décret du 19 octobre 1932 créant une chambre de métiers à Roanne ; - le décret du 19 octobre 1932 créant une chambre de métiers à Saint-Etienne ". La suppression de la chambre de métiers et de l'artisanat de Roanne, organisée par ces dispositions, a emporté suppression de tous les emplois de l'établissement qui, dès lors, n'avait pas à être précédée de consultation et de décision d'organes de l'établissement. La chambre de métiers de la Loire est, dès lors, fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a engagé sa responsabilité au motif que la suppression de l'emploi de M. B... n'avait pas été précédé de la consultation de la commission paritaire locale et de la décision de l'assemblée générale.

9. Toutefois, il résulte des dispositions statutaires citées au point 6, qu'il appartient à la chambre de métiers et de l'artisanat supprimée, ou à celle qui lui succède, de proposer à l'agent une affectation dans un emploi équivalent au sein d'une autre chambre de métiers et de ne le licencier qu'en cas de d'absence d'emploi équivalent, ou de refus d'accepter les propositions. Il résulte de l'instruction que la chambre de métiers et de l'artisanat de la Loire a émis un avis de vacance, le 1er février 2011, pour l'emploi de secrétaire général de cette chambre, à pourvoir au 1er juin suivant. Par ailleurs, vingt-et-un autres postes de secrétaire général de chambre de métiers de l'artisanat sur le territoire étaient à cette époque vacants. En se bornant à soutenir que M. B... a eu connaissance de ces postes compte tenu de ses fonctions de secrétaire général et qu'il lui appartenait de présenter sa candidature, la chambre de métiers et de l'artisanat de la Loire n'établit pas avoir satisfait à son obligation de rechercher puis de proposer à M. B... un emploi équivalent dans une structure consulaire. Par suite, le licenciement de l'intéressé, prononcé en méconnaissance du deuxième alinéa de l'article 42 I du statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat, engage la responsabilité de l'établissement et est susceptible de donner lieu à indemnisation.

10. A cet égard, l'agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre, y compris au titre de la perte des rémunérations auxquelles il aurait pu prétendre s'il était resté en fonctions. Lorsque l'agent ne demande pas l'annulation de cette mesure mais se borne à solliciter le versement d'une indemnité en réparation de l'illégalité dont elle est entachée, il appartient au juge de plein contentieux et dans les limites du litige d'appel, de lui accorder une indemnité versée pour solde de tout compte et déterminée en tenant compte notamment de la nature et de la gravité des illégalités affectant la mesure d'éviction, de l'ancienneté de l'intéressé, de sa rémunération antérieure ainsi que, le cas échéant, des fautes qu'il a commises.

11. Compte tenu du caractère illégal du licenciement de M. B..., ainsi qu'il a été dit au point 9, ce dernier est fondé à soutenir demander réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de cette mesure prise à son encontre. Dès lors que cette mesure n'est plus susceptible d'annulation, cette réparation doit prendre la forme d'une indemnité versée pour solde de tout compte.

12. Il résulte de l'instruction qu'à la date de son licenciement, le 2 août 2011, prononcé après dix années de carrière au sein de la chambre de métiers et de l'artisanat de Roanne en tant que secrétaire général et sans qu'une faute puisse lui être reprochée, M. B... percevait un traitement de 56 000 euros net annuel. Il disposait de la possibilité de partir à la retraite en début d'année 2012. Dans ces circonstances, compte tenu de la nature de l'illégalité en cause, l'appréciation de ce poste de préjudice portée par les premiers juges n'apparaît pas excessive et c'est à bon droit qu'ils ont mis à la charge de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Loire en indemnisation des préjudices financiers et moraux, notamment la perte de chance de bénéficier d'un emploi équivalent et des troubles dans les conditions d'existence, le versement à M. B... d'une indemnité de 70 000 euros à ce titre.

Sur l'indemnité statutaire de licenciement :

13. Aux termes de l'article 44 du statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat : " En cas de licenciement, l'agent titulaire bénéficie d'une indemnité de licenciement. La rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est la rémunération mensuelle indiciaire brute (...) 6. Par dérogation, lorsque le licenciement intervient dans les cinq ans qui précèdent le moment où l'agent peut prétendre à l'obtention d'une retraite à taux plein ou celui où il atteint l'âge limite pour partir à la retraite, le montant de l'indemnité de licenciement ne peut être supérieur à la différence entre la rémunération servant de base qu'il aurait normalement perçue jusqu'à cette échéance et le revenu de remplacement que l'établissement sera amené à lui verser au titre de l'assurance chômage (...) ".

14. D'une part, et ainsi qu'il a été dit, le licenciement de M. B... résulte de la suppression de la chambre de métiers et de l'artisanat Loire-Roanne et la liquidation de l'indemnité de licenciement à laquelle il pouvait prétendre résulte des dispositions du 2° de l'article 44 du statut précité dont relève également la dérogation prévue au 6°. Par ailleurs, indépendamment de la cause juridique de ce licenciement, les dispositions statutaires applicables à la détermination de l'indemnité en résultant sont celles applicables à la date de son licenciement. Par suite, et ainsi que l'ont retenu les premiers juges, M. B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'annexe XVIII du statut portant délibération relative à la réduction des emplois contractuels adoptée en assemblée générale des 3 et 4 juin 2008.

15. D'autre part, la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 susvisée a pour objet, en vertu de ses articles 1er et 2, de proscrire les discriminations professionnelles directes et indirectes, y compris les discriminations fondées sur l'âge, aux activités non salariées ou au travail. Toutefois, aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 de la même directive : " (...) les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires (...) ". Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que les objectifs légitimes mentionnés par la directive se distinguent, par leur caractère général, des motifs purement individuels qui sont propres à la situation de l'employeur, tels que la réduction des coûts ou l'amélioration de la compétitivité.

16. En se bornant à faire valoir que la différence de traitement prévue par les dispositions du 6° de l'article 44 dans l'attribution de l'indemnité de licenciement, selon l'âge des agents licenciés, est justifiée par l'obligation faite aux chambres consulaires d'assurer le versement des allocations chômage servies aux agents qu'elles licencient, la chambre de métiers et de l'artisanat de la Loire ne se prévaut que d'un intérêt propre à l'employeur qui ne peut être regardé comme un objectif légitime. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a écarté les dispositions du 6° l'article 44 précitées pour liquider l'indemnité due à M. B....

17. Il suit de là que l'indemnité statutaire de licenciement à allouer à M. B... doit être déterminée au regard des seules dispositions du 2° de l'article 44 du statut. Si le tribunal a appliqué les dispositions du 1° de l'article 44 du statut applicables au licenciement consécutif à une suppression d'emploi au lieu et place des dispositions du 2° de ce même article, les dispositions ainsi appliquées constituent une base de calcul plus favorable à l'intéressé. Par suite, M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal a limité le montant de son indemnité à la somme de 128 627,80 euros.

18. Il résulte de ce qui précède que la chambre de métiers et de l'artisanat de la Loire et M. B..., dans le cadre de son appel incident, ne sont pas fondés à demander la réformation du jugement attaqué du tribunal administratif de Lyon. Les conclusions qu'ils ont présentées à cette fin doivent être rejetées.

19. Dès lors qu'il est statué sur la requête au fond, les conclusions de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Loire à fin de sursis à exécution du jugement attaqué sont sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative faisant obstacle à ce que soit mis à charge M. B..., qui n'est pas la partie perdante une somme à ce titre. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu de faire application de ces mêmes dispositions à l'encontre de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Loire.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 18LY03843 de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Loire est rejetée.

Article 2 : L'appel incident de M. B... est rejeté.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18LY03848 de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Loire.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la chambre de métiers et de l'artisanat de la Loire et à M. C... B....

Délibéré après l'audience du 6 février 2020 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 février 2020.

N° 18LY03843, 18LY03848


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY03843
Date de la décision : 27/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07-02 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Statuts spéciaux.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : BARTHELEMY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-02-27;18ly03843 ?
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