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27/02/2020 | FRANCE | N°18LY00394

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 27 février 2020, 18LY00394


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler :

- la décision du 2 février 2016 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé son licenciement pour motif économique ;

- la décision du 9 août 2016 par laquelle l'inspecteur du travail de Saône-et-Loire a autorisé son licenciement pour motif économique.

Par un jugement nos 1601022 et 1602767 du 30 novembre 2017, le tribunal administratif de Dijon a

, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande n° 1601022 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler :

- la décision du 2 février 2016 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé son licenciement pour motif économique ;

- la décision du 9 août 2016 par laquelle l'inspecteur du travail de Saône-et-Loire a autorisé son licenciement pour motif économique.

Par un jugement nos 1601022 et 1602767 du 30 novembre 2017, le tribunal administratif de Dijon a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande n° 1601022 tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail du 2 février 2016 et, d'autre part, rejeté la demande n° 1602767 tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 9 août 2016.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 31 janvier 2018, présentée pour Mme A..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement nos 1601022 et 1602767 du 30 novembre 2017 du tribunal administratif de Dijon en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 9 août 2016 par laquelle l'inspecteur du travail de Saône-et-Loire a autorisé son licenciement pour motif économique ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée ;

3°) de lui allouer la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration, en limitant son rôle au strict examen de la demande présentée par le liquidateur, sans tenir compte des éléments dont elle disposait déjà, n'a pas procédé à son contrôle dans le cadre global de tout le processus ayant conduit, en dernier lieu, le liquidateur à solliciter l'autorisation de procéder au licenciement des salariés protégés, alors même que la société CMP a souhaité éluder l'application des dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) à ces salariés ainsi victimes d'une attitude discriminatoire ; son contrôle aurait dû ainsi porter aussi bien sur la régularité de la procédure que sur la réalité du motif économique invoqué par l'employeur au soutien du licenciement, sur la réalité de l'effort de reclassement et sur le lien éventuel entre son mandat et la demande d'autorisation présentée ;

- s'il résulte de la construction jurisprudentielle que la cessation d'activité constitue en soi un motif autonome de licenciement, il appartient à l'administration, quand l'entreprise appartient à un groupe, d'apprécier et d'analyser la valeur de ce principe dans le cadre plus global du groupe et, plus précisément, dans le cadre de la branche d'activité à laquelle appartient l'entreprise, et il lui appartient également de rechercher s'il n'existe pas une éventuelle situation de co-emploi et donc le véritable débiteur des obligations résultant du licenciement, c'est-à-dire la société-mère qui, en tant que co-employeur, a imposé à la filiale la décision de fermer le site ;

- c'est à tort que l'administration a conclu à l'absence de lien entre le mandat et la procédure de licenciement alors que l'employeur a manifesté une volonté d'éluder l'application des dispositions du PSE aux salariés protégés et fait preuve d'une attitude discriminatoire.

Par mémoire enregistré le 24 avril 2018, présenté pour Me B..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société CMP, il conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Par mémoire enregistré le 4 mai 2018, le ministre du travail conclut au rejet de la requête en s'en rapportant aux écritures produites par l'administration en première instance.

Par mémoire enregistré le 25 février 2019, présenté pour la Selarl Raymond B..., elle indique se substituer à Me B..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société CMP, et reprendre à son compte les écritures déposées par ce dernier.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de la décision, prise en 2012 par la société Val d'Aucy, de procéder à la fermeture de son site de Ciel (Saône-et-Loire), entraînant la suppression de l'ensemble des emplois de ce site, un plan de sauvegarde de l'emploi a été établi, le 28 octobre 2013, et elle a sollicité, une première fois, le 27 février 2014, l'autorisation de licencier pour motif économique l'ensemble des salariés protégés, qui a toutefois été refusée par l'inspecteur du travail, et le ministre du travail, saisi de recours hiérarchiques, a annulé, le 17 octobre 2014, ces décisions mais également refusé le licenciement de ces salariés. Les demandes présentées par la société Val d'Aucy tendant à l'annulation de ces décisions ont été rejetées par un jugement du tribunal administratif de Dijon du 27 novembre 2015. L'inspectrice du travail ayant rejeté, le 19 juin 2015, de nouvelles demandes d'autorisation de licenciement des salariés protégés, le ministre du travail, saisi d'un recours hiérarchique, a, par des décisions du 2 février 2016, après avoir retiré ses décisions implicites de rejet, autorisé les licenciements demandés, auxquels il n'a toutefois pas été procédé. La société Val d'Aucy, devenue la société CMP (Cellule Monnot Prolongée) à la suite de sa dissolution, le 22 septembre 2015, et de la nomination d'un liquidateur amiable, s'est déclarée en cessation de paiement et a demandé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, le 16 février 2016. Le tribunal de commerce de Vannes a, par un jugement du 23 mars 2016, fixé la date de cessation de paiement au 6 janvier 2016 et nommé Me B... en qualité de liquidateur. Ce dernier a, le 20 juin 2016, sollicité l'autorisation de licencier pour motif économique chacun des neuf salariés, représentants du personnel, restant dans l'entreprise après le licenciement, en 2014, de l'ensemble du personnel non protégé. Cette autorisation lui a été donnée le 9 août 2016. Mme A..., qui exerçait le mandat de membre titulaire de la délégation unique du personnel, interjette appel du jugement du 30 novembre 2017 du tribunal administratif de Dijon en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 9 août 2016 autorisant son licenciement pour motif économique.

2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié.

3. Aux termes de l'article L. 640-1 du code de commerce : " La procédure de liquidation judiciaire est destinée à mettre fin à l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens (...) ". Dans le cas où le tribunal de commerce n'a pas autorisé le maintien de l'activité dans les conditions prévues à l'article L. 641-10 du même code, le jugement ouvrant la liquidation judiciaire a pour effet la cessation totale et définitive de l'activité de l'entreprise.

4. A ce titre, lorsque la demande est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, celle-ci n'a pas à être justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise. Il appartient alors à l'autorité administrative de contrôler, outre le respect des exigences procédurales légales et des garanties conventionnelles, que la cessation d'activité de l'entreprise est totale et définitive, que l'employeur a satisfait, le cas échéant, à l'obligation de reclassement prévue par le code du travail et que la demande ne présente pas de caractère discriminatoire. Il ne lui appartient pas, en revanche, de rechercher si cette cessation d'activité est due à la faute ou à la légèreté blâmable de l'employeur. Il incombe toutefois à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement motivée par l'intervention d'un jugement de liquidation judiciaire, de tenir compte, à la date à laquelle elle se prononce, de tous les éléments de droit ou de fait recueillis lors de son enquête qui sont susceptibles de remettre en cause le caractère total et définitif de la cessation d'activité. Il lui incombe également de tenir compte de toute autre circonstance qui serait de nature à faire obstacle au licenciement envisagé, notamment celle tenant à une reprise, même partielle, de l'activité de l'entreprise impliquant un transfert du contrat de travail du salarié à un nouvel employeur en application de l'article L. 1224-1 du code du travail. Lorsque l'entreprise appartient à un groupe, la seule circonstance que d'autres entreprises du groupe aient poursuivi une activité de même nature ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que la cessation d'activité de l'entreprise soit regardée comme totale et définitive.

5. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 1, le tribunal de commerce de Vannes, par un jugement du 23 mars 2016, a prononcé la liquidation judiciaire de la société employeur de Mme A... et nommé le mandataire-liquidateur de cette société. Il appartenait ainsi audit liquidateur de mettre en oeuvre une nouvelle procédure de licenciement pour motif économique en application des articles L. 1233-58 et suivants du code du travail en vue de procéder au licenciement des seuls salariés, tous légalement investis de fonctions représentatives, qui composaient alors l'effectif de cette entreprise. Il ne lui appartenait pas, en revanche, d'appliquer le plan de sauvegarde de l'emploi mis en oeuvre précédemment dans le cadre de la fermeture du site de Ciel de la société Val d'Aucy. Dès lors, la requérante ne peut utilement se prévaloir de ce que le contrôle de la régularité de la procédure de licenciement opéré par l'inspecteur du travail n'aurait pas porté sur la procédure de licenciement mise en oeuvre dans le cadre de ce plan de sauvegarde de l'emploi par son employeur avant le prononcé de la liquidation judiciaire.

6. En deuxième lieu, en se bornant à rappeler qu'il appartient à l'administration du travail, lorsque la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié investi de fonctions représentatives est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, de tenir compte de toute circonstance qui serait de nature à faire obstacle au licenciement envisagé, notamment celle tenant à une reprise, même partielle, de l'activité de l'entreprise, et de s'assurer qu'une autre société n'est pas le véritable employeur du salarié dont le licenciement est envisagé, Mme A..., qui indique elle-même n'avoir jamais affirmé que le groupe CECAB auquel appartenait la société Val d'Aucy devait être regardé comme son " co-employeur ", n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause la cessation d'activité de la société CMP dont la liquidation judiciaire a été prononcée par le tribunal de commerce de Vannes.

7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le liquidateur de la société CMP a procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles pour un reclassement au sein du groupe d'Aucy par l'envoi de lettres adressées aux entreprises de ce groupe mentionnant les informations relatives à l'emploi occupé par Mme A..., son niveau de rémunération, sa classification et son niveau de formation, qui a permis l'identification de postes disponibles, et qu'il a adressé à cette dernière, le 29 avril 2016, une lettre lui proposant une offre de reclassement correspondant à son profil, à laquelle était jointe la liste des postes identifiés comme disponibles pour un reclassement, qu'elle a refusés. Dès lors, le moyen tiré de ce que le liquidateur de la société CMP n'a pas satisfait à son obligation de recherche de reclassement doit être écarté.

8. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 4, la circonstance que le liquidateur de la société CMP a sollicité l'autorisation de procéder au licenciement de la requérante n'est pas de nature à démontrer, contrairement à ce que soutient cette dernière, une volonté de la priver du bénéfice des dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi mis en oeuvre précédemment au jugement prononçant sa liquidation judiciaire, par la société Val d'Aucy ni, par suite, l'existence d'un lien entre ses fonctions représentatives et la procédure d'autorisation de licenciement.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 août 2016 par laquelle l'inspecteur du travail de Saône-et-Loire a autorisé son licenciement pour motif économique.

10. Les conclusions de Mme A... tendant à obtenir la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qui ne sont dirigées contre aucune des parties à l'instance, ne sont pas recevables. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante une somme au titre des frais liés au litige exposés par la Selarl Raymond B....

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., à la Selarl Raymond B... et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 6 février 2020 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Rémy-Néris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 février 2020.

1

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N° 18LY00394


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY00394
Date de la décision : 27/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : GHENIM

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-02-27;18ly00394 ?
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