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25/02/2020 | FRANCE | N°18LY00103

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 25 février 2020, 18LY00103


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. H... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la délibération n° 14.11.643 des 11 et 12 décembre 2014 par laquelle l'assemblée plénière du conseil régional Rhône-Alpes a renouvelé, pour la période 2015-2019, la convention conclue avec le centre européen cinématographique Rhône-Alpes (Rhône-Alpes cinéma) pour ses activités de développement et de coproduction de films long métrage et l'acte du président de la région Rhône-Alpes de signer cette convention.

Par un jugem

ent n° 1501222 du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a annulé la délibérati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. H... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la délibération n° 14.11.643 des 11 et 12 décembre 2014 par laquelle l'assemblée plénière du conseil régional Rhône-Alpes a renouvelé, pour la période 2015-2019, la convention conclue avec le centre européen cinématographique Rhône-Alpes (Rhône-Alpes cinéma) pour ses activités de développement et de coproduction de films long métrage et l'acte du président de la région Rhône-Alpes de signer cette convention.

Par un jugement n° 1501222 du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a annulé la délibération précitée des 11 et 12 décembre 2014, ainsi que l'acte du président de la région Rhône-Alpes de signer cette convention.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 janvier et 5 septembre 2018, la région Auvergne-Rhône-Alpes, représentée par Me J..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 novembre 2017 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de rejeter la demande de M. C... ;

3°) de mettre à la charge de M. C... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande présentée par M. C... est irrecevable dès lors qu'elle est dirigée contre un acte détachable à un contrat administratif ;

- la subvention a été attribuée dans le respect de sa propre compétence en matière d'attribution de subvention.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 avril 2018 et le 13 septembre 2019, M. H... C..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la région Auvergne-Rhône-Alpes la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 4 mai 2018 et un mémoire enregistré le 3 octobre 2018 non communiqué, le centre européen cinématographique Rhône-Alpes, représenté par Me L..., conclut à l'annulation du jugement attaqué et au rejet de la demande.

Il fait valoir que la demande dirigée contre une convention qui n'accorde pas une subvention mais définit des " relations de partenariat " entre les deux partenaires est irrecevable.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code générale des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme M..., présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me J... pour la région Auvergne-Rhône-Alpes, et de Me A... pour le centre européen cinématographique ;

Considérant ce qui suit :

1. La région Auvergne-Rhône-Alpes relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 novembre 2017 qui a, à la demande de M. C..., annulé la délibération n° 14.11.643 des 11 et 12 décembre 2014 par laquelle l'assemblée plénière du conseil régional Rhône-Alpes a approuvé la convention conclue avec le centre européen cinématographique Rhône-Alpes pour la période 2015-2019, ensemble l'acte du président de la région Rhône-Alpes de signer cette convention.

Sur l'intervention du centre européen cinématographique Rhône-Alpes :

2. Le centre européen cinématographique Rhône-Alpes justifie d'un intérêt suffisant à demander l'annulation du jugement attaqué qui a annulé la délibération des 11 et 12 décembre 2014 par laquelle l'assemblée plénière du conseil régional Rhône-Alpes a renouvelé la convention avec Rhône-Alpes cinéma pour la période 2015-2019, et de l'acte du président de la région Rhône-Alpes de signer cette convention. Ainsi, son intervention, à l'appui de la requête présentée par région Auvergne-Rhône-Alpes est recevable.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. Aux termes de l'article 9-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Constituent des subventions, au sens de la présente loi, les contributions facultatives de toute nature, valorisées dans l'acte d'attribution, décidées par les autorités administratives et les organismes chargés de la gestion d'un service public industriel et commercial, justifiées par un intérêt général et destinées à la réalisation d'une action ou d'un projet d'investissement, à la contribution au développement d'activités ou au financement global de l'activité de l'organisme de droit privé bénéficiaire. Ces actions, projets ou activités sont initiés, définis et mis en oeuvre par les organismes de droit privé bénéficiaires. / Ces contributions ne peuvent constituer la rémunération de prestations individualisées répondant aux besoins des autorités ou organismes qui les accordent ".

4. Une décision qui a pour objet l'attribution d'une subvention constitue un acte unilatéral qui crée des droits au profit de son bénéficiaire. De tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu'elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d'octroi, qu'elles aient fait l'objet d'une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu'elles découlent implicitement mais nécessairement de l'objet même de la subvention.

5. Indépendamment des actions indemnitaires qui peuvent être engagées contre la personne publique, les recours relatifs à une subvention, qu'ils aient en particulier pour objet la décision même de l'octroyer, quelle qu'en soit la forme, les conditions mises à son octroi par cette décision ou par la convention conclue en application des dispositions précitées de la loi du 12 avril 2000, ou encore les décisions de la personne publique auxquelles elle est susceptible de donner lieu, notamment les décisions par lesquelles la personne publique modifie le montant ou les conditions d'octroi de la subvention, cesse de la verser ou demande le remboursement des sommes déjà versées, ne peuvent être portés que devant le juge de l'excès de pouvoir, par le bénéficiaire de la subvention ou par des tiers qui disposent d'un intérêt leur donnant qualité à agir.

6. M. C..., conseiller régional à la date d'introduction de sa requête, disposait en sa qualité de membre de l'organe délibérant de la Région ayant adopté une délibération portant sur l'attribution d'une subvention, d'un intérêt lui donnant qualité pour demander au juge de l'excès de pouvoir l'annulation de la délibération des 11 et 12 décembre 2014 précitée et de l'acte du président de la région Rhône-Alpes de signer cette convention. Par suite, sa demande, présentée devant les premiers juges, était recevable.

7. Contrairement à ce que soutient la société anonyme " centre européen cinématographique Rhône-Alpes ", la convention en litige ne se borne pas à définir des relations de partenariat, mais décide de l'attribution de la subvention. Dès lors la fin de non-recevoir qu'elle présente doit être écartée.

8. La société Rhône-Alpes cinéma est une société ayant le statut de société anonyme, créée en 1990 sous le nom de centre européen cinématographique Rhône-Alpes, au capital de laquelle la région Rhône-Alpes a été autorisée à participer par décret en Conseil d'Etat du 12 octobre 1990. Cette société a pour objet le soutien à la création et à la production d'oeuvres cinématographiques par des aides à l'écriture, au développement et à la production, la promotion des films et le développement de leur diffusion régionale, le développement de la filière de l'image sur le territoire et l'aménagement culturel du territoire. Elle développe trois activités distinctes. La première, regroupée sous la dénomination Rhône-Alpes Cinéma concerne l'accompagnement artistique, le soutien à la production et la diffusion des films de long-métrage.

9. Par la délibération en litige, le conseil régional approuve une nouvelle convention cadre pour la période 2015-2019 aux termes de laquelle la région décide d'attribuer une subvention d'un montant annuel de trois millions d'euros en investissement pour le développement et la coproduction de longs métrages cinéma au centre européen cinématographique Rhône-Alpes, pour sa branche d'activité Rhône-Alpes cinéma, sous la forme d'une convention quinquennale.

10. L'article L. 4221-1 du code général des collectivités territoriales dans sa version en vigueur à la date de la délibération en litige dispose : " Le conseil régional règle par ses délibérations les affaires de la région. Il statue sur tous les objets sur lesquels il est appelé à délibérer par les lois et règlements et sur tous les objets d'intérêt régional dont il est saisi. Il a compétence pour promouvoir le développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de la région et l'aménagement de son territoire, ainsi que pour assurer la préservation de son identité et la promotion des langues régionales, dans le respect de l'intégrité, de l'autonomie et des attributions des départements et des communes. ".

11. Il résulte des termes de la convention en litige que la région Rhône-Alpes accorde une subvention annuelle forfaitaire à la société anonyme " centre européen cinématographique Rhône-Alpes " à charge pour cette dernière de l'utiliser, sous certaines conditions, dans le cadre de son activité commerciale de développement et de coproduction de films longs-métrages. La société anonyme " centre européen cinématographique Rhône-Alpes " indique, en page 8 de ses écritures, que le contrat conclu avec la région constitue une " modalité d'exécution du service public culturel de la région ". Il est constant cependant que les parties n'ont pas conclu une convention de délégation de service public ni un marché, mais que la Région a accordé une subvention à une société exerçant son activité dans un secteur concurrentiel. Ainsi, la région en confiant à cette société, par l'octroi d'une subvention globale et forfaitaire, la gestion effective de l'attribution de fonds régionaux destinés à promouvoir le développement culturel régional par le cofinancement de films long-métrages a renoncé à exercer sa compétence, et ce alors même que certains critères d'éligibilité, détaillés à l'article 4 de la convention doivent être respectés pour chaque projet, et que des contrôles de la Région sur l'utilisation de ces fonds ont été institués. Par suite, la délibération des 11 et 12 décembre 2014 par laquelle l'assemblée plénière du conseil régional Rhône-Alpes a approuvé la convention conclue avec le centre européen cinématographique Rhône-Alpes pour la période 2015-2019, ensemble l'acte du président de la région Rhône-Alpes de signer cette convention sont entachés d'illégalité.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la région Auvergne-Rhône-Alpes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la délibération n° 14.11.643 des 11 et 12 décembre 2014 et l'acte du président de signer cette convention.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. C..., qui n'est pas la partie perdante, verse une somme au titre des frais exposés par la région Auvergne Rhône-Alpes et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de région Auvergne Rhône-Alpes la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention du centre européen cinématographique Rhône-Alpes est admise.

Article 2 : La requête de la région Auvergne-Rhône-Alpes est rejetée.

Article 3 : La région Auvergne Rhône-Alpes versera la somme de 1 500 euros à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... C..., à la région Auvergne Rhône-Alpes et au centre européen cinématographique Rhône-Alpes.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

Mme I... B..., présidente de chambre,

Mme D... F..., présidente-assesseure,

Mme N..., présidente-assesseure,

M. Pierre Thierry, premier conseiller,

Mme G... K..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 25 février 2020.

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N°18LY00103


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY00103
Date de la décision : 25/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-04-02-03 Collectivités territoriales. Région. Attributions. Interventions économiques.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Virginie CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : DELSOL et AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-02-25;18ly00103 ?
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