Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme G... D... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 8 juin 2018, par lequel le préfet de l'Yonne lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office.
Par un jugement n° 1802875 du 30 avril 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 30 juillet 2019, Mme D..., représentée par Maître A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 30 avril 2019 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté susmentionné ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer un titre de séjour et, dans l'attente, de lui délivrer dans un délai de quarante-huit heures un récépissé l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le préfet a méconnu le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'arrêté méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en conséquence de l'illégalité des deux décisions précédentes.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 novembre 2019, le préfet de l'Yonne, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juin 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Savouré, premier conseiller,
- et les observations de Me F..., représentant le préfet de l'Yonne ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante du Cameroun, née le 25 janvier 1990, est entrée en France le 24 juillet 2011. Elle a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 20 septembre 2012. Elle a donné naissance, le 29 mai 2016, a une fille nommée Quenaya-Genesis, laquelle a été reconnue par un ressortissant français, M. C.... Elle a alors bénéficié d'un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français, valable du 24 octobre 2016 au 23 octobre 2017. Toutefois, par arrêté du 8 juin 2018, le préfet de l'Yonne a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi. Mme D... interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ".
3. Si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 21 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français ou de procéder, le cas échéant, à son retrait.
4. M. C... a reconnu la fille de Mme D... dès le mois de janvier 2016, soit plusieurs mois avant sa naissance le 29 mai 2016. Si Mme D... est demeurée floue dans ses déclarations faites sur les circonstances de leur rencontre en 2012 dans un restaurant et n'a pas été en mesure de fournir ses coordonnées téléphoniques lors de sa première audition par les services de police qui a eu lieu le 8 décembre 2017, il n'en demeure pas moins que les déclarations qu'elle a faites par la suite et celles de M. C... concordent et ne permettent pas d'établir une impossibilité matérielle de concevoir un enfant, quand bien même il n'y a jamais eu de communauté de vie. Si M. C... ne justifie pas ses allégations suivant lesquelles il participerait à l'entretien et à l'éducation de sa fille et a refusé de se soumettre à un prélèvement ADN, il ne saurait être déduit de ces seules circonstances que la reconnaissance serait frauduleuse, alors d'ailleurs que le parquet a classé sans suite comme insuffisamment caractérisée l'enquête diligentée au titre de l'infraction de reconnaissance de paternité en vue d'obtenir un titre de séjour. Par suite, il n'est pas établi que la reconnaissance de paternité effectuée par M. C... serait frauduleuse.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux.
6. Le présent arrêt, qui annule la décision de refus de titre de séjour qui a été opposée à Mme D... par le préfet de l'Yonne et les décisions subséquentes, implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que ce dernier délivre le titre sollicité à la requérante. Par suite, il y a lieu d'enjoindre audit préfet de délivrer à Mme D... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Maître A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 30 avril 2019 et l'arrêté du préfet de l'Yonne du 8 juin 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Yonne de délivrer à Mme D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêté litigieux.
Article 3 : L'État versera à Maître A... la somme de 1 000 euros, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'État.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... D..., à Maître A..., au préfet de l'Yonne et au ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Sens.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2020 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme B..., présidente-assesseure,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 février 2020.
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N° 19LY03021