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11/02/2020 | FRANCE | N°19LY01205

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 11 février 2020, 19LY01205


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... et Mme C... G... et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Cret 1 ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 7 août 2017 par lequel le maire de Val d'Isère a délivré à la commune un permis de construire pour régulariser un bâtiment d'habitation en accession à la propriété, ensemble les décisions rejetant leurs recours gracieux.

Par un jugement n° 1800452-1800609 du 29 janvier 2019, le tribunal administratif de Grenoble a joint ces deux demandes et

a annulé l'arrêté du 7 août 2017 et les décisions implicites de rejet des recours g...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... et Mme C... G... et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Cret 1 ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 7 août 2017 par lequel le maire de Val d'Isère a délivré à la commune un permis de construire pour régulariser un bâtiment d'habitation en accession à la propriété, ensemble les décisions rejetant leurs recours gracieux.

Par un jugement n° 1800452-1800609 du 29 janvier 2019, le tribunal administratif de Grenoble a joint ces deux demandes et a annulé l'arrêté du 7 août 2017 et les décisions implicites de rejet des recours gracieux.

Procédure devant la cour

I - Par une requête enregistrée le 29 mars 2019 sous le n° 19LY01205, et des mémoires complémentaires enregistrés les 3 octobre 2019, 13 novembre 2019, 13 décembre 2019 et 14 janvier 2020, ces deux derniers mémoires n'ayant pas été communiqués, la commune de Val d'Isère, représentée par la SELAS Adamas Affaires Publiques, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 janvier 2019 ;

2°) de rejeter les conclusions des demandes de M. et Mme G... et du syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Cret 1 ;

3°) à titre subsidiaire de surseoir à statuer dans l'attente des conclusions du sapiteur désigné sur proposition de l'expert judiciaire dans le cadre de la mesure d'expertise sollicitée par le syndicat des copropriétaires Le Cret 1 ;

4°) de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Cret 1 et de M. et Mme G... la somme de 3 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le dossier de demande de permis ne comprenait pas d'informations erronées s'agissant de la conformité du projet au plan de prévention des risques (PPR) en vigueur ; ce vice a été régularisé en tout état de cause par le permis de régularisation délivré le 26 octobre 2018 ;

- le jugement du 6 novembre 2018 du tribunal administratif de Grenoble annulant le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune a été annulé par la cour administrative d'appel de Lyon ; c'est par suite à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du plan d'occupation des sols remis en vigueur ; au demeurant, le permis de construire n'est pas contraire aux dispositions de l'article NC 1 de ce plan d'occupation des sols ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le permis méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de justice administrative.

- aucun des autres moyens dirigés contre le permis de construire initial ou contre le permis de construire de régularisation n'est fondé ;

- les conclusions dirigées contre le permis de construire délivré le 26 octobre 2018 sont tardives et, par suite, irrecevables.

Par des mémoires en défense enregistrés les 13 juin 2019, 3 octobre 2019 qui n'a pas été communiqué, 8 novembre 2019 et 3 décembre 2019, M. A... G..., Mme C... G..., Mme B... F..., Mme D... F..., représentés par la SELARL Dôme Avocats, concluent au rejet de la requête, à l'annulation de l'arrêté du 26 octobre 2018 par lequel le maire de Val d'Isère a délivré un nouveau permis de construire, et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Val d'Isère au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu les moyens tirés de l'insuffisance du dossier de demande de permis de construire et de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- le permis de construire de régularisation délivré le 26 octobre 2018 a été pris par une autorité incompétente ;

- le permis de construire du 26 octobre 2018 est insuffisamment motivé ;

- le permis de construire du 26 octobre 2018 méconnaît les dispositions de l'article NC 1 du règlement du plan d'occupation des sols remis en vigueur du fait de l'annulation du plan local d'urbanisme ;

- le permis de construire du 26 octobre 2018 méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires en défense enregistrés les 25 juin 2019, 22 octobre 2019,9 décembre 2019 et 23 décembre 2019, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Cret 1, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête, à l'annulation du permis de construire délivré le 26 octobre 2018 par le maire de Val d'Isère et de la décision rejetant leur recours gracieux contre ce permis, et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Val d'Isère au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu les moyens tirés de l'insuffisance du dossier de demande de permis de construire, de la méconnaissance des dispositions du plan d'occupation des sols remis en vigueur et de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- le projet architectural ne permet pas d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme ;

- le projet architectural ne fait pas apparaître les plantations maintenues et autres constructions extérieures, en méconnaissance de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme ;

- aucune autorisation d'effectuer des travaux sur le ruisseau traversant le terrain d'assiette n'a été produite au dossier de demande ;

- le document attestant de la prise en compte des normes parasismiques et paracycloniques prévu à l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme n'a pas été joint au dossier de demande ;

- le document attestant de la prise en compte des normes thermiques prévu à l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme n'a pas été joint au dossier de demande ;

- le tableau indiquant la surface de plancher de logement dont la construction est imposée prévu par les dispositions de l'article R. 413-16-1 du code de l'urbanisme n'a pas été joint au dossier de demande ;

- le projet méconnaît les dispositions du PPRN s'agissant des ouvrants et volets fixes ;

- le projet méconnaît l'article Uc3 du règlement du PLU ;

- le projet méconnaît l'article Uc7 du règlement du PLU ;

- le projet méconnaît l'article Uc10 du règlement du PLU ;

- le projet méconnaît l'article Uc11 du règlement du PLU ;

- le projet méconnaît l'article Uc12 du règlement du PLU ;

- ces vices n'ont pas été régularisés par le permis de construire du 26 octobre 2018.

II - Par une requête enregistrée le 21 décembre 2018 au greffe du tribunal administratif de Grenoble, un mémoire rectificatif enregistré le 27 décembre 2018, et un mémoire complémentaire enregistré le 3 décembre 2019, M. A... G..., Mme C... G..., Mme B... F..., Mme D... F..., représentés par la SELARL Dôme Avocats, demandent :

1°) d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2018 par lequel le maire de Val d'Isère a délivré à la commune un permis de construire régularisant le bâtiment Le Tremplin ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Val d'Isère la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le permis a été pris par une autorité incompétente ;

- le permis est insuffisamment motivé ;

- le permis méconnaît les dispositions de l'article NC 1 du règlement du plan d'occupation des sols remis en vigueur du fait de l'annulation du plan local d'urbanisme ;

- le permis méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires enregistrés les 11 mars 2019, 13 novembre 2019, 12 décembre 2019 et 26 décembre 2019, ces deux derniers mémoires n'ayant pas été communiqués, la commune de Val d'Isère, représentée par la SELAS Adamas Affaires publiques, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'en vertu de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme, les requérants devaient contester le permis de régularisation dans la même instance que celle engagée contre le permis initial ;

- aucun des moyens n'est fondé.

Par ordonnance du 22 mai 2019, le président du tribunal administratif de Grenoble a renvoyé le jugement de l'affaire à la cour administrative d'appel de Lyon, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, enregistrée sous le n° 19LY03746.

III - Par une requête enregistrée le 10 avril 2019 au greffe du tribunal administratif de Grenoble, et des mémoires complémentaires enregistrés le 21 novembre 2019 et le 9 décembre 2019, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Cret 1, représenté par Me E..., demande :

1°) d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2018 par lequel le maire de Val d'Isère a délivré à la commune un permis de construire régularisant le même bâtiment ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Val d'Isère la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le permis méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- le projet architectural ne permet pas d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme ;

- le projet architectural ne fait pas apparaître les plantations maintenues et autres constructions extérieures, en méconnaissance de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme ;

- aucune autorisation d'effectuer des travaux sur le ruisseau traversant le terrain d'assiette n'a été produite au dossier de demande ;

- le document attestant de la prise en compte des normes parasismiques et paracycloniques prévu à l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme n'a pas été joint au dossier de demande ;

- le document attestant de la prise en compte des normes thermiques prévu à l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme n'a pas été joint au dossier de demande ;

- le tableau indiquant la surface de plancher de logement dont la construction est imposée prévu par les dispositions de l'article R. 413-16-1 du code de l'urbanisme n'a pas été joint au dossier de demande ;

- le projet méconnaît les dispositions du PPRN s'agissant des ouvrants et volets fixes ;

- le projet méconnaît les dispositions du plan d'occupation des sols remis en vigueur suite à l'annulation du PLU ;

- le projet méconnaît l'article Uc3 du règlement du PLU ;

- le projet méconnaît l'article Uc7 du règlement du PLU ;

- le projet méconnaît l'article Uc10 du règlement du PLU ;

- le projet méconnaît l'article Uc12 du règlement du PLU ;

- il est fondé à exciper de l'illégalité du plan de prévention des risques naturels adopté en 2018, l'identification du terrain d'assiette en zone constructible étant entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par des mémoires enregistrés les 13 novembre 2019 et 16 décembre 2019, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la commune de Val d'Isère, représentée par la SELAS Adamas Affaires publiques, conclut :

- au rejet de la requête ;

- à titre subsidiaire de surseoir à statuer dans l'attente des conclusions du sapiteur désigné sur proposition de l'expert judiciaire dans le cadre de la mesure d'expertise sollicitée par le syndicat des copropriétaires Le Cret 1 ;

- à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Par ordonnance du 22 mai 2019, le président du tribunal administratif de Grenoble a renvoyé le jugement de l'affaire à la cour administrative d'appel de Lyon, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, enregistrée sous le n° 19LY03754.

Par lettre en date du 19 décembre 2019, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande présentée devant le tribunal dès lors qu'en vertu des dispositions de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme, le syndicat ne pouvait contester la mesure de régularisation que dans l'instance dirigée contre le permis de construire initial.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Cret 1 a présenté ses observations en réponse au moyen par un mémoire enregistré le 23 décembre 2019, en faisant valoir qu'en première instance, il ne pouvait contester l'arrêté de permis de construire de régularisation, qui n'avait pas été notifié à l'instance par la commune de Val d'Isère.

La commune de Val d'Isère a présenté ses observations en réponse au moyen par un mémoire enregistré le 26 décembre 2019, en faisant valoir que le syndicat des copropriétaires pouvait contester dans l'instance initiale le permis de régularisation qui lui avait été notifié le 3 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- les observations de Me I..., représentant la commune de Val d'Isère, celles de Me H... représentant M. A... G..., Mme C... G..., Mme B... F... et Mme D... F..., ainsi que celles de Me E... représentant le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Cret 1 ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes susvisées concernent un même projet et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

2. Le 18 juin 2012, le maire de Val d'Isère a délivré à la société Urban Coop un permis de construire un bâtiment comprenant trente-sept logements, au lieu-dit Le Cacholet. Ce permis a été annulé par jugement du 27 janvier 2015 du tribunal administratif de Grenoble. Par arrêté du 7 août 2017, le maire de Val d'Isère a délivré à la commune un permis de construire visant à régulariser ce bâtiment, dont les travaux étaient achevés à la date de l'annulation prononcée par le tribunal. Le 26 octobre 2018, le maire de Val d'Isère a délivré à la commune un nouveau permis de construire, portant sur le même bâtiment, délivré à la vue du plan de prévention des risques naturels approuvé le 30 avril 2018. Par jugement du 29 janvier 2019, dont la commune de Val d'Isère relève appel, le tribunal administratif a annulé, à la demande de M. et Mme G... d'une part, et du syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Cret 1, d'autre part, le permis délivré le 7 août 2019. M. et Mme G... ainsi que Mmes B... et D... F... ont saisi le tribunal administrait de Grenoble d'une seconde demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 octobre 2018. Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Cret 1 a également saisi le tribunal d'une seconde demande tendant à l'annulation du même arrêté. Par deux ordonnances du 22 mai 2019, le président du tribunal administratif de Grenoble, faisant application des dispositions de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme, a renvoyé à la cour le jugement de ces deux affaires.

Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre le permis de construire du 26 octobre 2018 :

3. Aux termes de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme, applicable depuis le 1er janvier 2020 : " Lorsqu'un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation intervient au cours d'une instance portant sur un recours dirigé contre le permis de construire, de démolir ou d'aménager initialement délivré ou contre la décision de non-opposition à déclaration préalable initialement obtenue et que ce permis modificatif, cette décision modificative ou cette mesure de régularisation ont été communiqués aux parties à cette instance, la légalité de cet acte ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance. ".

4. Si les dispositions de l'article L. 600-5-2 du code de justice administrative imposent aux requérants de contester le permis de régularisation dans la même instance que celle dirigée contre le permis initial, si cette mesure a été communiquée à l'instance, aucune irrecevabilité née de l'introduction d'une demande distincte ne saurait être opposée aux demandes présentées antérieurement à l'entrée en vigueur de ces dispositions. Il ressort des pièces du dossier que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Cret 1 avait produit le 7 décembre 2018, en cours de première instance, le permis de construire du 26 octobre 2018. Il n'était toutefois à cette date pas tenu de contester dans cette instance ce permis de construire, à l'encontre duquel il a formé ensuite un recours gracieux puis un recours contentieux, antérieur à la communication par la cour de la requête d'appel de la commune de Val d'Isère. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Val d'Isère doit être écartée.

Sur la légalité du permis de construire et du permis de régularisation :

5. Lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Il peut, de même, être régularisé par un permis modificatif si la règle relative à l'utilisation du sol qui était méconnue par le permis initial a été entretemps modifiée. Dans un tel cas de figure, un permis qui prend acte de la conformité du projet initial aux règles nouvellement applicables, constitue une mesure de régularisation.

6. Lorsque le juge d'appel est saisi dans ces conditions d'un appel contre le jugement du tribunal administratif et qu'un permis a été délivré aux fins de régulariser les vices du permis relevés par ce jugement, il résulte des dispositions de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme précité que les parties de première instance comme les tiers, en application des dispositions de l'article R. 345-1 du code de justice administrative, ne peuvent contester cette mesure que devant lui tant que l'instance d'appel est en cours.

7. Il appartient alors au juge d'appel de se prononcer, dans un premier temps, sur la légalité du permis initial tel qu'attaqué devant le tribunal administratif. Lorsque le juge d'appel estime que le permis initialement attaqué est affecté d'un ou plusieurs vices régularisables, il statue ensuite sur la légalité de ce permis en prenant en compte les mesures prises le cas échéant en vue de régulariser ces vices, en se prononçant sur leur légalité si elle est contestée. Au terme de cet examen, s'il estime que le permis ainsi modifié est régularisé, le juge rejette les conclusions dirigées contre la mesure de régularisation. S'il constate que le permis ainsi modifié est toujours affecté d'un vice, il peut faire application des dispositions de l'article L. 600-5 ou de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pour permettre sa régularisation.

8. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire délivré le 26 octobre 2018 porte sur le même bâtiment, qu'il tend comme celui du 7 août 2017 à régulariser sans y apporter de modifications. S'il se présente formellement comme un nouveau permis de construire, il vise de fait à régulariser le permis de construire du 7 août 2017, au regard du plan de prévention des risques naturels applicable. Un tel permis de construire doit être regardé de ce fait comme un permis de régularisation.

En ce qui concerne le bien-fondé des moyens retenus par les premiers juges :

9. Pour annuler le permis de construire délivré le 7 août 2017, le tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur l'insuffisance du dossier de demande de permis de construire, sur la méconnaissance des règles du plan d'occupation des sols remis en vigueur par l'annulation de la délibération du 19 décembre 2016 du conseil municipal de Val d'Isère approuvant le PLU de la commune, sur la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et sur celle du plan de prévention des risques naturels.

10. En premier lieu, par arrêt du 19 novembre 2019, la cour a annulé le jugement du 6 novembre 2018 du tribunal administratif de Grenoble ayant prononcé l'annulation totale de la délibération du 19 décembre 2016 du conseil municipal de Val d'Isère approuvant le PLU de la commune, et écarté le moyen de l'illégalité du classement en zone UCb des parcelles AC 397, 399 et 406. Dès lors, c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur la méconnaissance des règles d'urbanisme qui seraient remises en vigueur du fait de l'illégalité du PLU.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : (...) f) Lorsque la construction projetée est subordonnée par un plan de prévention des risques naturels prévisibles ou un plan de prévention des risques miniers approuvés, ou rendus immédiatement opposables en application de l'article L. 562-2 du code de l'environnement, ou par un plan de prévention des risques technologiques approuvé, à la réalisation d'une étude préalable permettant d'en déterminer les conditions de réalisation, d'utilisation ou d'exploitation, une attestation établie par l'architecte du projet ou par un expert certifiant la réalisation de cette étude et constatant que le projet prend en compte ces conditions au stade de la conception ; ".

12. Il ressort des pièces du dossier que la notice relative à la prise en compte du plan de prévention des risques jointe au dossier de demande de permis de construire mentionne, de manière erronée, que l'ensemble du bâtiment se situe en zone constructible du plan de prévention des risques naturels adopté en 2006 alors applicable. Toutefois, cette inexactitude, que pouvait relever le service instructeur, à qui il appartient de vérifier les règles applicables, n'a pas été de nature, dans ces circonstances, à l'induire en erreur. Par suite, c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur l'insuffisance du dossier de demande pour annuler le permis en litige.

13. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

14. Il ressort des pièces du dossier que l'immeuble Le Tremplin est situé dans l'emprise d'anciennes avalanches répertoriées, notamment une avalanche poudreuse ayant occasionné en 1978 la mort de deux personnes et causé des dommages à l'immeuble voisin du Cret 1. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, depuis l'édification en amont d'une digue-tourne en 1981, le secteur n'a connu aucune avalanche et n'a été concerné que par des coulées de contre-pente. Si l'existence de tout risque ne peut être exclu, en particulier en cas de survenance de deux avalanches successives, ainsi qu'il ressort notamment des conclusions du pré-rapport d'expertise déposé dans le cadre d'un litige judiciaire opposant le syndicat des copropriétaires du Cret 1 et la commune, le bâtiment se situe sur un replat, dans la zone de ralentissement et d'arrêt d'éventuelles avalanches d'occurrence centennale. Dans ces conditions, et compte tenu de la marge d'incertitude existant dans la connaissance des effets des avalanches, le bâtiment est classé en zone constructible avec prescription dans le plan de prévention des risques naturels avalanche qui a été approuvé le 30 avril 2018, mais qui doit être regardé comme prenant en compte la réalité des risques à la date du permis litigieux. Les intimés soutiennent toutefois que l'implantation du bâtiment, et notamment son orientation et sa proximité avec la partie basse de l'immeuble Le Cret 1, est susceptible, par création d'un effet Venturi, d'aggraver les potentielles turbulences d'un aérosol à cet endroit et d'affecter les bâtiments voisins. Toutefois, et eu égard aux circonstances rappelées précédemment, tenant aux aménagements réalisés en amont des bâtiments voisins et à la situation des bâtiments par rapport aux zones d'avalanche, et compte tenu de la configuration du bâtiment en trois blocs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il est susceptible d'entraîner des conséquences significatives sur les bâtiments situés à proximité. Dans ces conditions, en accordant le permis de construire litigieux, dans un secteur déjà fortement urbanisé, le maire de Val d'Isère n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

15. Enfin, en vertu des article L. 562-4 du code de l'environnement et de l'article L. 152-7 du code de l'urbanisme, le plan de prévention des risques naturels avalanche annexé au PLU de la commune de Val d'Isère vaut servitude d'utilité publique et s'impose directement aux autorisations de construire. Il ressort des pièces du dossier que le plan de prévention des risques naturels adopté en 2006, en vigueur à la date de la décision en litige, classait en zone inconstructible une petite partie nord de l'emprise du bâtiment. Par suite, et ainsi que l'ont estimé les premiers juges, le permis a été délivré en méconnaissance des règles, opposables aux autorisations d'urbanisme, fixées par le plan de prévention des risques naturels.

16. L'illégalité mentionnée au point précédent a été régularisée par le permis de régularisation du 26 octobre 2018, délivré suite à l'approbation d'un nouveau plan de prévention des risques naturels le 30 avril 2018. Toutefois, une telle régularisation n'était envisageable que si aucun autre moyen soulevé par les intimés en première instance et qu'il y a lieu d'examiner au titre de l'effet dévolutif n'y fait obstacle.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés uniquement par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Cret 1 :

17. Aux termes de l'article Uc 7 du règlement du PLU : " 1 - La distance comptée horizontalement entre tout point du bâtiment et le point le plus proche de la limite séparative doit être au moins égale à la moitié de la différence d'altitude entre ces deux points, sans pouvoir être inférieure à trois mètres. / (...) Dans le secteur Ucb les constructions en limite sont autorisées. ".

18. Il ressort des pièces du dossier que l'immeuble " Le Tremplin " litigieux n'est pas en limite séparative dans sa partie nord. Le bâtiment B, qui surplombe sur cette façade d'environ 16 mètres la limite de propriété, est implanté à une distance comprise entre 2,48 mètres et 4 mètres de celle-ci, alors qu'en vertu des dispositions précitées cette distance devait être d'environ 8 mètres, compte tenu de la règle citée au point précédent. S'agissant du bâtiment A, d'une hauteur comparable, le porche faisant corps avec le bâtiment est implanté à moins d'un mètre de cette limite séparative. Par suite, le permis de construire méconnaît les dispositions de l'article Uc 7 du règlement du PLU, ainsi que le fait valoir le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Cret 1.

19. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen soulevé par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Cret 1 n'apparaît susceptible de fonder l'annulation du permis de construire délivré le 7 août 2017.

20. Le vice relevé au point 18 affecte la conception d'ensemble du bâtiment, déjà construit, et n'apparaît pas susceptible de régularisation, y compris au bénéfice d'une adaptation mineure. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. Ce vice justifie par suite l'annulation du permis de construire délivré le 7 août 2017 ainsi que, par voie de conséquence, celui du 26 octobre 2018, qui ne l'a pas modifié sur ce point.

En ce qui concerne les demandes de M. et Mme G... et Mmes F... :

21. Le juge de l'excès de pouvoir ne peut, en principe, déduire d'une décision juridictionnelle rendue par lui-même ou par une autre juridiction qu'il n'y a plus lieu de statuer sur des conclusions à fin d'annulation dont il est saisi, tant que cette décision n'est pas devenue irrévocable. Il en va toutefois différemment lorsque, faisant usage de la faculté dont il dispose dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il joint les requêtes pour statuer par une même décision, en tirant les conséquences nécessaires de ses propres énonciations. Dans cette hypothèse, toutes les parties concernées seront, en cas d'exercice d'une voie de recours, mises en cause et celle à laquelle un non-lieu a été opposé, mise à même de former, si elle le souhaite, un recours incident contre cette partie du dispositif du jugement.

22. Le présent arrêt confirmant l'annulation du permis de construire délivré le 7 août 2017 et annulant le permis de construire délivré le 26 octobre 2018, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par M. et Mme G... dirigées contre ces deux permis.

23. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Val d'Isère n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 7 août 2017 délivré par son maire et que le syndicat des copropriétaires Le Cret 1 est fondé à soutenir que l'arrêté délivré le 26 octobre 2018 est entaché d'illégalité et à en demander l'annulation.

Sur les frais d'instance :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune de Val d'Isère, partie perdante, tendant au remboursement des frais d'instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Val d'Isère la somme globale de 3 000 euros à verser au syndicat des copropriétaires Le Cret 1 au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par M. et Mme G..., ainsi que Mmes B... et D... F..., ou dirigées contre eux.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 19LY01205 présentée par la commune de Val d'Isère est rejetée.

Article 2 : Le permis de construire délivré le 26 octobre 2018 par le maire de Val d'Isère est annulé.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation de la requête n° 19LY03746, ainsi que sur la demande présentée par M. et Mme G... devant le tribunal administratif de Grenoble, tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 août 2017 du maire de Val d'Isère.

Article 4 : La commune de Val d'Isère versera la somme de 3 000 euros au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Cret 1 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Val d'Isère, au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Cret 1 et à M. A... et Mme C... G....

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Albertville.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

Mme L... M..., présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme K... J..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 11 février 2020.

2

N° 19LY01205-19LY03746-19LY03754

dm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01205
Date de la décision : 11/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Légalité interne du permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme MARGINEAN-FAURE
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SELARL ADAMAS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-02-11;19ly01205 ?
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