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06/02/2020 | FRANCE | N°18LY00234

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 06 février 2020, 18LY00234


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. J... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 39 332 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait des agissements fautifs de Mme B... épouse D..., ancien contrôleur principal du Trésor public alors en poste à la trésorerie de Billom.

Par un jugement n° 1501593 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregist

rée le 22 janvier 2018 et un mémoire enregistré le 27 août 2019, M. J..., représenté par Me V...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. J... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 39 332 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait des agissements fautifs de Mme B... épouse D..., ancien contrôleur principal du Trésor public alors en poste à la trésorerie de Billom.

Par un jugement n° 1501593 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 22 janvier 2018 et un mémoire enregistré le 27 août 2019, M. J..., représenté par Me Vagne (SELARL Auverjuris), avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 23 novembre 2017 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 39 332 euros au titre du préjudice subi ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la responsabilité de l'Etat est engagée dès lors que la faute commise par Mme B..., grâce aux moyens de l'administration, n'était pas dépourvue de tout lien avec le service ;

- aucune faute susceptible d'exonérer l'Etat de sa responsabilité ne saurait lui être reprochée ;

- la réalité du préjudice financier qu'il a subi est établie, à titre principal, par les bons de souscription produits et les décisions des juridictions administratives admettant la responsabilité de l'Etat, subsidiairement, par les constatations opérées par le juge pénal et, plus subsidiairement encore, par les éléments de preuve qu'il apporte.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 juillet 2018, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il expose que :

- si la responsabilité de l'Etat peut être retenue en raison des agissements fautifs de son agent, en revanche, l'appelant a commis des fautes de nature à l'exonérer de cette responsabilité ;

- en outre, la réalité du préjudice subi n'est pas établie.

Par ordonnance du 3 septembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 octobre 2019.

En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, l'instruction a été rouverte pour les éléments demandés en vue de compléter l'instruction.

En réponse à cette mesure d'instruction, M. J... a produit un mémoire enregistré le 4 novembre 2019.

Par ordonnance du 5 novembre 2019, la clôture de l'instruction à l'égard des éléments ainsi produits a été fixée au 20 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme I..., première conseillère ;

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;

- et les observations de Me Vagne, avocat, représentant M. J... ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 15 mars 2012, Mme B... épouse D... a été condamnée par le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand, statuant en matière correctionnelle, pour abus de confiance et contrefaçon d'effets émis par le Trésor public à une peine d'un an d'emprisonnement, pour avoir fait souscrire à certains membres de son entourage, dont M. J..., des produits financiers présentés comme des bons à terme anonymes à taux préférentiel émis par le Trésor public à destination de ses agents, alors qu'elle exerçait comme contrôleur principal à la trésorerie de Billom-Saint-Dier en qualité d'adjointe au chef de poste. Statuant sur l'action civile, ce même jugement a en outre condamné Mme B... à payer à M. J... la somme de 39 332 euros en réparation de son préjudice matériel. Par courrier du 18 mars 2015, M. J... a saisi la direction générale des finances publiques du Puy-de-Dôme d'une demande de réparation du préjudice ainsi subi. Sa demande ayant, à défaut de réponse, été implicitement rejetée, M. J... a saisi, à cette même fin, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, lequel a rejeté sa requête par un jugement du 23 novembre 2017, dont l'intéressé relève appel.

Sur la responsabilité de l'Etat :

2. Il appartient au juge administratif, s'il estime qu'il y a une faute non dépourvue de tout lien avec le service de nature à engager la responsabilité de la personne publique, de prendre, en déterminant la quotité et la forme de l'indemnité par lui allouée, les mesures nécessaires, en vue d'empêcher que sa décision n'ait pour effet de procurer à la victime, par suite des indemnités qu'elle a pu ou qu'elle peut obtenir devant d'autres juridictions à raison du même accident, une réparation supérieure à la valeur totale du préjudice subi.

3. Ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, les agissements pour lesquels Mme B... a été pénalement condamnée ont été rendus possibles par l'utilisation de documents administratifs vierges, et du cachet du Trésor public qu'elle avait soustraits à la trésorerie de Billom-Saint-Dier où elle exerçait en qualité d'adjointe au chef de poste. Ces faits ont ainsi été commis par Mme B... grâce à l'autorité et aux moyens que lui conféraient ses fonctions. S'ils constituent, par leur gravité, une faute détachable du service, celle-ci n'est pas pour autant dépourvue de tout lien avec le service. Elle est, dès lors, susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat.

4. Toutefois, il résulte de l'instruction que M. J... a accepté de souscrire sans aucune précaution à des placements d'un montant significatif, dans des conditions qui auraient dû susciter de sa part des interrogations sur leur authenticité et sur la bonne foi de Mme B.... Si, contrairement à ce que soutient le ministre, il n'est pas établi que l'intéressé avait connaissance du caractère frauduleux de ces opérations, un minimum de contrôle lui aurait aisément permis de le constater. Dans ces conditions, et nonobstant les fonctions alors exercées par Mme B... et l'absence d'anomalies apparentes sur les formulaires qu'elle utilisait, M. J... a ainsi fait preuve d'une légèreté fautive de nature à exonérer l'Etat pour moitié de sa responsabilité.

Sur le droit à réparation :

5. Pour rejeter la demande présentée par M. J..., les premiers juges ont relevé que le versement des sommes prétendument investies par lui n'était pas établi, malgré une mesure d'instruction diligentée par la juridiction, et en dépit du jugement du tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand lequel n'avait qu'une autorité relative de la chose jugée. Toutefois, pour condamner Mme B..., le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand a, dans son jugement du 15 mars 2012 devenu définitif, considéré comme établis les faits d'avoir détourné les sommes qui lui avaient été remises, au préjudice notamment de M. J.... Ces constatations de fait, retenues par le tribunal pour statuer sur l'action publique et justifier la condamnation prononcée, sont ainsi revêtues de l'autorité de la chose jugée au pénal et s'imposent dès lors à la juridiction administrative. En conséquence, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'effectivité des versements opérés par M. J... à Mme B..., en outre corroborée par les copies des onze bulletins de souscription en cause et reconnue par cette dernière d'après le procès-verbal de synthèse dressé le 30 novembre 2011, doit être considérée comme établie pour un montant total de 39 332 euros.

6. Il y a lieu de statuer par la voie de l'effet dévolutif de l'appel sur le droit à réparation de M. J....

7. Ainsi qu'il a été dit au point 5, les versements de M. J... doivent être regardés comme établis. Par ailleurs, si celui-ci a indiqué, lors de son audition le 15 novembre 2011, avoir " rarement " perçu des intérêts de Mme B..., il a également expliqué que ces placements étaient gérés par son épouse, Mme G... C..., laquelle avait elle-même précisé lors de son audition n'avoir jamais sollicité le versement d'intérêts, sans que cela ne soit contesté. Ainsi, et contrairement à ce que prétend le ministre en défense, il ne résulte pas de l'instruction que M. J... aurait reçu de Mme B... des sommes en remboursement des placements souscrits. Il est constant qu'il n'a pas davantage reçu de telles sommes en exécution du jugement du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand du 15 mars 2012. Dans ces conditions, et sans que le ministre ne puisse utilement se prévaloir des motivations qui auraient été les siennes pour souscrire de tels placements, M. J... est fondé à demander, eu égard au partage de responsabilités retenu au point 4, que la somme de 19 666 euros soit mise à la charge de l'Etat en réparation du préjudice qu'il a subi à raison des agissements fautifs de Mme B.... Il y a lieu, en conséquence, de subroger l'Etat à concurrence de cette somme, dans les droits à la percevoir détenus par M. J... sur la personne de Mme B... épouse D....

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. J... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a totalement rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à M. J..., d'une somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 23 novembre 2017 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. J... la somme de 19 666 euros.

Article 3 : L'Etat versera à M. J... une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. J... est rejeté.

Article 5 : L'Etat est subrogé dans les droits de M. J... à l'encontre de Mme B... à concurrence des sommes versées en exécution du présent arrêt.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... J... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

Mme F... A..., présidente de chambre,

Mme K..., présidente-assesseure,

Mme E... I..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 6 février 2020.

2

N° 18LY00234


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY00234
Date de la décision : 06/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Problèmes d'imputabilité - Faute personnelle de l'agent public - Existence.

Responsabilité de la puissance publique - Problèmes d'imputabilité - Personnes responsables - État ou autres collectivités publiques.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL AUVERJURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-02-06;18ly00234 ?
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