Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler le rapport d'inspection du 3 décembre 2015, la décision du 18 décembre 2015 par laquelle le proviseur du lycée du Parc à Lyon a modifié ses enseignements à compter du 4 janvier 2016, les décisions des 12 février et 18 mars 2016 par lesquelles la rectrice de l'académie de Lyon a rejeté ses recours hiérarchiques dirigés contre la décision du 18 décembre 2015, ainsi que de condamner l'État à lui verser la somme de 8 000 euros en indemnisation du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence.
Par un jugement n° 1602263 du 21 mars 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire (non communiqué) enregistrés le 23 mai 2018 et le 14 octobre 2019, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 mars 2018 ;
2°) d'annuler la décision portant nouvelle affectation, les décisions rejetant ses recours hiérarchiques et le rapport d'inspection ;
3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Lyon de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de condamner l'État à lui verser la somme de 8 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, outre les intérêts au taux légal à compter du 15 février 2016, capitalisés ;
5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la nouvelle inspection diligentée le 3 décembre 2015 a été conduite sur demande du proviseur du lycée du Parc afin de conforter sa position vis-à-vis des élèves et parents d'élèves s'agissant de la compétence de l'intéressée à assurer son service dans la classe de 2PSI étoile ; il n'a pas été tenu compte de la note rédigée le 12 novembre 2015 par les premiers inspecteurs qui ont relevé une possible manipulation des élèves et les conditions défavorables de son arrivée dans cette classe ;
- les appréciations portées dans ce rapport sont empreintes de partialité et ne font ressortir aucun motif tiré de l'intérêt du service ou de ses aptitudes personnelles ;
- la décision du 18 décembre 2015 est entachée d'incompétence, dès lors que seul le ministre de l'éducation nationale a le pouvoir d'affecter des professeurs de chaire supérieure ;
- cette décision, étrangère à l'intérêt de service, est entachée de détournement de pouvoir ;
- compte tenu de l'illégalité des décisions en litige, elle est fondée à solliciter l'indemnisation des préjudices subis en résultant.
Par un mémoire enregistré le 4 janvier 2019, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 14 octobre 2019 par une ordonnance du 18 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires de la fonction publique de l'État ;
- le décret n° 68-503 du 30 mai 1968 portant statut particulier des professeurs de chaires supérieures des établissements classiques, modernes et techniques ;
- le décret n° 85-899 du 21 août 1985 relatif à la déconcentration de certaines opérations de gestion du personnel du ministère de l'éducation nationale ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rémy-Néris, premier conseiller,
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,
- les observations de Me A..., pour Mme B... ;
Une note en délibéré présentée pour Mme B..., par Me A..., a été enregistrée le 13 janvier 2020 ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., professeure de chaire supérieure, a été affectée au lycée du Parc à Lyon à compter du 1er septembre 2015, par décision du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche du 10 septembre 2015, exécutée par un arrêté de la rectrice de l'académie de Lyon du même jour, en classe préparatoire aux grandes écoles pour assurer un service d'enseignement en classe de 2PSI " étoile " (physique, sciences de l'ingénieur 2ème année " étoile "). Après une inspection en situation qui s'est déroulée le 3 décembre 2015, le proviseur du lycée du Parc a, par décision du 18 décembre 2015, modifié son service d'enseignement à compter du 4 janvier 2016. Mme B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 18 décembre 2015 ainsi que des décisions de la rectrice d'académie des 12 février et 18 mars 2016 rejetant ses recours hiérarchiques et du rapport d'inspection du 3 décembre 2015 et, d'autre part, à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision du 18 décembre 2015.
Sur les conclusions dirigées contre le rapport d'inspection :
2. L'inspection d'un enseignant et le rapport qui en découle constituent des mesures qui ne sont pas susceptibles d'être directement attaquées par la voie du recours pour excès de pouvoir. Leur éventuelle irrégularité ne peut être invoquée qu'à l'appui de conclusions à fin d'annulation des mesures prises à l'égard de l'enseignant intéressé au vu de ce rapport. Par suite, Mme B..., qui ne formule aucune critique du motif par lequel le tribunal a rejeté sa demande, n'est pas davantage recevable à contester en appel le rapport de l'inspection dont elle a fait l'objet, le 3 décembre 2015. Les conclusions de la requête présentées à cette fin doivent, dès lors, être rejetées.
Sur le surplus des conclusions à fin d'annulation :
3. Les mesures prises à l'égard d'agents publics ne peuvent être regardées comme de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours que si elles ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives statutaires, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Or, il ressort des pièces produites que la décision du 18 décembre 2015 modifie le service d'enseignement de Mme B... qui lui était statutairement assigné par la décision l'ayant affectée en classe 2PSI étoile au lycée du Parc. La mesure porte atteinte aux droits statutaires de Mme B... qui est recevable à la contester. La fin de non-recevoir ainsi opposée par le ministre de l'éducation nationale doit être écartée.
4. Aux termes de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée : " I - L'autorité compétente procède aux mutations des fonctionnaires (...) ". Au sens de ces dispositions, l'autorité compétente pour prononcer l'affectation et la mutation d'un fonctionnaire de l'État est le ministre dont il relève, sauf si des mesures de déconcentration en disposent autrement. Tel est le cas des professeurs de chaires supérieures, en l'absence de dispositions particulières ayant confié cette compétence aux recteurs.
5. Aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 30 mai 1968, les : " membres [du corps de professeurs de chaires supérieures] ont vocation à être affectés, pour y assurer les enseignements prévus, dans les chaires supérieures créées, dans la limite des emplois figurant au budget, dans les classes préparatoires aux grandes écoles des établissements de second degré ". Il résulte de ces dispositions que les membres du corps doivent être affectés à un enseignement dont le contenu est précisément défini et forme une chaire. Il suit de là que toute modification définitive du contenu de l'enseignement confié à un professeur de chaires supérieures s'analyse comme une modification de son affectation et que seul le ministre de l'éducation nationale, autorité responsable des affectations des membres de ce corps, est compétent pour la prononcer.
6. Or, par sa décision du 18 décembre 2015, le proviseur du lycée du Parc a définitivement retiré à Mme B... les enseignements magistraux de physique et de science de l'ingénieur qu'elle dispensait en 2PSI étoile. Ce faisant, il a modifié la chaire sur laquelle l'intéressée avait été affectée par la décision ministérielle du 10 septembre 2015 et ne détenait pas, ainsi qu'il vient d'être dit, la compétence pour prononcer cette nouvelle affectation.
7. Il est vrai qu'aux termes de l'article R. 421-10 du code de l'éducation : " En qualité de représentant de l'État au sein de l'établissement, le chef d'établissement : 1° A autorité sur l'ensemble des personnels (...) Il désigne à toutes les fonctions au sein de l'établissement pour lesquelles aucune autre autorité administrative n'a reçu de pouvoir de nomination. Il fixe le service des personnels dans le respect du statut de ces derniers ; 2° Veille au bon déroulement des enseignements (...), du contrôle des connaissances des élèves (...) ". Ces dispositions, qui font réserve de la compétence attribuée à d'autres autorités, n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre au directeur d'établissement de modifier définitivement les affectations de personnels sous couvert de mesures d'organisation du service, alors qu'en outre aucun motif tiré de l'inaptitude professionnelle de Mme B... n'aurait justifié une mesure provisoire.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que la décision du 18 décembre 2015, entachée de l'incompétence de son auteur, doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions des 12 février et 18 mars 2016 par lesquelles la rectrice de l'académie de Lyon a rejeté ses recours hiérarchiques, ensemble le jugement attaqué en tant qu'il rejette les conclusions dirigées contre ces décisions.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. L'annulation juridictionnelle de la décision du 18 décembre 2015 ayant pour effet de remettre de plein droit en vigueur la décision ministérielle du 10 septembre 2015 ayant affecté Mme B... sur la chaire de 2PSI étoile au lycée du Parc, le présent arrêt n'implique pas d'autres mesures d'exécution. Les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la rectrice d'académie de réexaminer la situation de la requérante doivent être rejetées.
Sur les conclusions indemnitaires :
10. Mme B... n'articule en cause d'appel aucun moyen tendant à démontrer la réalité des préjudices dont elle demande l'indemnisation. Les conclusions qu'elle a présentées à cette fin doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11 Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 18 décembre 2015 par laquelle le proviseur du lycée du Parc a modifié l'affectation de Mme B..., ainsi que les décisions des 12 février et 18 mars 2016 par lesquelles la rectrice de l'académie de Lyon a rejeté ses recours hiérarchiques sont annulées.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 mars 2018 est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Mme B... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par Mme B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Copie en sera adressée, pour information, à la rectrice de l'académie de Lyon.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2020 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Rémy-Néris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 janvier 2020.
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N° 18LY01882
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