Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme D... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 16 août 2018 par lequel le préfet du Rhône a refusé de renouveler son certificat de résidence et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant l'Algérie comme pays de destination.
Par un jugement n° 1806693 du 5 mars 2019, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à sa demande et a enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale ".
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 29 mars 2019, le préfet du Rhône demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 mars 2019 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de rejeter la demande de Mme C... épouse A... présentée devant le tribunal administratif de Lyon.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour est fondé dès lors que le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entrainer de conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
- un traitement approprié existe en Algérie.
Par un mémoire, enregistré le 13 juin 2019, Mme C... épouse A... conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle fait valoir que :
- les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien ont été méconnues ; les soins appropriés à son état de santé ne sont pas effectivement disponibles dans son pays d'origine ; l'intervention chirurgicale ne peut être réalisée ;
- le refus d'admission au séjour méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;
- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision d'éloignement est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.
Mme C... épouse A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 juillet 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pruvost, président,
- et les observations de Me F..., représentant Mme C... épouse A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... épouse A..., ressortissante algérienne née le 26 avril 1968, entrée sur le territoire français sous couvert d'un visa de court séjour le 18 décembre 2015, a été munie le 11 août 2016 d'un certificat de résidence sur le fondement de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien susvisé portant la mention " vie privée et familiale ". Le 16 janvier 2017, elle a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour qui expirait le 10 février 2017. Par un arrêté du 16 août 2018, le préfet du Rhône a refusé de faire droit à sa demande et assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de destination. Par la présente requête, le préfet du Rhône relève appel du jugement du 5 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à l'intéressée.
Sur la légalité du refus de renouvellement du certificat de résidence :
2. Aux termes de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention [vie privée et familiale] est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, saisi pour avis de la demande de renouvellement du titre de séjour de Mme C... épouse A..., le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans un avis du 26 juin 2017, que l'état de santé de l'intéressée, atteinte d'un syndrome cervico-brachial à l'origine de douleurs persistantes malgré une intervention chirurgicale subie en 2016 d'une hernie cervicale, nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des éléments de son dossier et à la date de l'avis, son état de santé pouvait lui permettre de voyager sans risques vers son pays d'origine. En première instance, le préfet du Rhône a versé au dossier des éléments sur la possibilité d'une prise en charge médicale adaptée de l'intéressée par des neurologues exerçant en Algérie. Au soutien de sa contestation de la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour, Mme C... épouse A... se borne à invoquer son état de santé et à soutenir sans l'établir qu'elle ne pourrait bénéficier d'une intervention chirurgicale dans ce pays alors qu'il ressort des pièces du dossier que l'intervention chirurgicale invoquée, alternative thérapeutique aux soins actuels, conservateurs et antalgiques dont elle bénéficie, n'est ni indispensable, ni urgente, et qu'elle n'établit ni même n'allègue que cette intervention chirurgicale ne pourrait éventuellement être réalisée en France à l'occasion de la délivrance d'un visa de court séjour. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a, dans les circonstances de l'espèce et pour ce motif, annulé le refus de renouvellement de titre de séjour pris par le préfet du Rhône.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... épouse A... tant devant le tribunal administratif de Lyon que devant la cour.
5. En premier lieu, à les supposer opérants, les moyens tirés de ce qu'il ne serait pas démontré que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a été saisi en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que l'avis rendu par le collège de médecins l'a été au vu d'un rapport médical régulièrement établi par un médecin instructeur de l'office, que les médecins membres du collège ont été dûment habilités conformément aux dispositions de l'article R. 313-23 du même code et que le praticien ayant établi le rapport médical n'a pas siégé au sein du collège, ne sont assortis pas des précisions de nature à permettre au juge d'en apprécier le bien-fondé, alors qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressée, dûment convoquée par courrier du 24 mai 2017, ne s'est pas présentée lors de l'examen médical du Dr Cireno qui a établi un rapport médical le 1er juin 2017 sur la base du certificat médical émanant du Professeur Barrey produit par l'intéressée, conformément aux articles 2 et 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé.
6. En deuxième lieu, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 prévoit qu'au vu du rapport médical du médecin instructeur le collège de médecins de l'office désigné pour chaque dossier émet un avis précisant : " a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. (...) ".
7. Au cas d'espèce, comme il a été dit au point 3 ci-dessus, il ressort de l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que l'état de santé de Mme C... épouse A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut n'était pas de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il lui permettait de voyager sans risque vers son pays d'origine. En tout état de cause, en se prononçant sur ce dernier point, le collège des médecins s'est implicitement mais nécessairement fondé sur la possibilité pour Mme C... épouse A... de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Le préfet a d'ailleurs, en première instance, versé au dossier des éléments attestant de l'accès effectif à un traitement approprié en Algérie, garanti par un système de protection sociale qui assure la prise en charge des soins y compris pour les personnes sans emploi.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Mme C... épouse A..., est arrivée en France à la fin de l'année 2015. Si elle soutient exercer une activité d'animatrice périscolaire, elle ne démontre pas une intégration d'une particulière intensité dans la société française. Si ses deux enfants, dont l'un, majeur, dispose d'un titre de séjour, résident en France, elle n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où résident son époux, ses parents et ses neuf frères et soeurs. Dans ces conditions, eu égard à la brève durée et aux conditions du séjour de l'intéressée en France, en refusant de renouveler son certificat de résidence, le préfet du Rhône n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel cette décision a été prise. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
10. Pour les mêmes motifs, le préfet du Rhône n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme C... épouse A....
11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
12. Aucune circonstance ressortant des pièces du dossier ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en Algérie où l'intéressée a vécu jusqu'à l'âge de quarante-sept ans et où son dernier enfant est né en 2007. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit, par suite, être écarté.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire et de la décision fixant le pays de destination :
13. En premier lieu, et pour les motifs énoncés précédemment, dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision refusant le renouvellement du certificat de résidence, Mme C... épouse A... ne peut exciper de l'illégalité de ce refus à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.
14. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que l'état de santé de Mme C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut n'est pas de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Par suite, le préfet du Rhône en décidant de l'obliger à quitter le territoire français dans un délai de trente jours n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
15. En troisième lieu, et pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 9 et 10 ci-dessus, la décision par laquelle le préfet du Rhône a décidé d'assortir sa décision de refus de renouvellement du titre de séjour de Mme C... épouse A... d'une obligation de quitter le territoire n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni de celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressée.
16. En quatrième et dernier lieu, et pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés dans le cadre de l'examen de la légalité des décisions par lesquelles le préfet du Rhône a refusé à Mme C... épouse A... le renouvellement de son certificat de résidence, et l'a obligée à quitter le territoire français, l'intéressée n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision par laquelle le préfet a désigné le pays de destination.
17. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté susvisé. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction de Mme C... épouse A... de même que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1806693 du 5 mars 2019 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme C... épouse A... devant le tribunal administratif de Lyon et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme D... C... épouse A.... Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 10 décembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme E..., présidente-assesseure,
Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique le 28 janvier 2020.
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N° 19LY01220
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