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28/01/2020 | FRANCE | N°18LY00872

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 28 janvier 2020, 18LY00872


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI Le Verdi a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Collonges-sous-Salève à lui verser la somme de 1 313 063,07 euros HT, outre intérêts et capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1504627 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune de Collonges-sous-Salève à lui verser la somme de 5 086,30 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2015, les intérêts échus le 19 juin 2016 et à chaque date anni

versaire étant capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Procédure devant la cour
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI Le Verdi a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Collonges-sous-Salève à lui verser la somme de 1 313 063,07 euros HT, outre intérêts et capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1504627 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune de Collonges-sous-Salève à lui verser la somme de 5 086,30 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2015, les intérêts échus le 19 juin 2016 et à chaque date anniversaire étant capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 2 mars 2018, et un mémoire en réplique enregistré le 11 avril 2019, qui n'a pas été communiqué, la SCI Le Verdi, représentée par la SELAS Adamas Affaires Publiques, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 21 décembre 2017, en tant qu'il a limité à 5 086,30 euros le montant de l'indemnité qui lui a été versée ;

2°) de condamner la commune de Collonges-sous-Salève à lui verser la somme de 1 309 120,04 euros, outre intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Collonges-sous-Salève la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ainsi que l'ont estimé les premiers juges, la commune de Collonges-sous-Salève a commis une faute en adoptant un plan local d'urbanisme illégal, puis en lui délivrant un permis de construire illégal ;

- la période d'indemnisation doit être déterminée au regard des deux fautes commises par la commune, de sorte qu'il ne peut être considéré que les dépenses engagées avant la délivrance du permis de construire seraient sans lien direct avec les illégalités invoquées ; cette période est ainsi comprise entre le 3 juin 2010 et le 1er octobre 2013 ;

- elle doit être indemnisée de l'ensemble des dépenses engagées en pure perte pour la préparation, la conception et la commercialisation du projet d'opération, soit un total de 159 269,04 euros HT ;

- elle doit être indemnisée du manque à gagner, qui se monte à un total de 1 149 851 euros HT.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 mars 2019, la commune de Collonges-sous-Salève, représentée par la SELARL CDMF Avocats Affaires Publiques, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SCI Le Verdi au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la SCI Le Verdi, professionnelle de l'immobilier, a commis une faute de nature à faire obstacle à toute indemnisation à son profit en engageant des frais alors qu'elle avait connaissance de la procédure engagée tendant à l'annulation du plan local d'urbanisme et du recours engagé contre son permis de construire ;

- le plan local d'urbanisme ne créant pas par lui-même de droit à construire, les préjudices invoqués par la SCI Le Verdi ne peuvent trouver leur origine que dans la délivrance d'un permis de construire illégal ;

- ainsi que l'ont estimé les premiers juges, la SCI Le Verdi ne peut être indemnisée des sommes qu'elle a engagées avant la délivrance du permis de construire ;

- le bénéfice escompté par la SCI Le Verdi résultant d'une opération elle-même illégale ne peut être indemnisé.

La clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 11 avril 2019, par une ordonnance en date du 12 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- les observations de Me B... pour la SCI Le Verdi et celles de Me A... pour la commune de Collonges-sous-Salève ;

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 3 juin 2010, le conseil municipal de Collonges-sous-Salève a approuvé le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune. Le 31 janvier 2011, la SCI Le Verdi a déposé une demande de permis de construire deux bâtiments de vingt-six logements sur les parcelles cadastrées AD 290 et 291. Le permis de construire lui a été délivré par arrêté en date du 2 mai 2011. Par jugement du 11 juillet 2013 devenu définitif, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération approuvant le PLU. Par un jugement du 18 décembre 2014, il a annulé le permis de construire en date du 2 mai 2011, après avoir relevé qu'il méconnaissait les dispositions du plan d'occupation des sols remis en vigueur. Par jugement du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune de Collonges-sous-Salève à verser à la SCI Le Verdi la somme de 5 086,30 euros, outre intérêts, en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de l'illégalité fautive de la délibération du 3 juin 2010 et de l'arrêté du 2 mai 2011. La SCI Le Verdi relève appel de ce jugement, en tant qu'il a limité à cette somme le montant de la condamnation prononcée.

Sur les responsabilités :

2. La commune de Collonges-sous-Salève ne conteste pas que, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Grenoble, sa responsabilité est engagée du fait de l'illégalité fautive de la délibération du 3 juin 2010 adoptant le PLU de la commune et de l'arrêté du 2 mai 2011 par lequel elle a délivré à la SCI Le Verdi un permis de construire.

3. Pour annuler la délibération approuvant le PLU de la commune de Collonges-sous-Salève, le tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur le fait que les règles de constructibilité de la zone U combinées aux nombreux espaces vierges de toute construction que cette zone comporte étaient de nature à amener à court terme une augmentation significative de la population de la commune, incompatible avec l'objectif de croissance démographique fixé par le schéma de cohérence territoriale du Genevois. Compte tenu du motif d'annulation retenu, qui est sans lien direct avec les caractéristiques du terrain d'assiette de la construction projetée, et à supposer même qu'elle ait été informée de la contestation du PLU avant la délivrance de son permis de construire, la SCI Le Verdi, nonobstant sa qualité de professionnelle de l'immobilier, n'a commis aucune faute en déposant une demande de permis de construire conforme aux dispositions du PLU alors applicable.

4. Compte tenu du motif d'illégalité affectant le permis de construire et de ce que la SCI Le Verdi a été induite en erreur sur les possibilités de construire sur les parcelles cadastrées AD 290 et 291 du fait de l'illégalité fautive du PLU, elle n'a commis ni faute ni imprudence en engageant des dépenses avant même la délivrance du permis de construire, en vue de la constitution du dossier de demande de permis. Si la commune de Collonges-sous-Salève fait valoir que deux recours gracieux ont été déposés contre le permis de construire les 30 août et 7 septembre 2011, il résulte en tout état de cause de l'instruction que les dépenses dont la SCI Le Verdi demande l'indemnisation ont été engagées avant ces recours gracieux.

5. Dans ces conditions, la SCI Le Verdi a droit à l'indemnisation du préjudice qu'elle a subi, imputable aux fautes commises par la commune de Collonges-sous-Salève, entre le 3 juin 2010, date de l'approbation du PLU illégal, et le 1er octobre 2013, date à laquelle elle a eu connaissance de l'annulation du PLU.

Sur le préjudice :

En ce qui concerne les frais exposés par la SCI Le Verdi :

6. La SCI Le Verdi a droit au remboursement des sommes inutilement exposées pour la réalisation du projet autorisé par permis de construire en date du 2 mai 2011, directement imputables à l'illégalité fautive de la délibération du 3 juin 2010 et de l'arrêté du 2 mai 2011.

7. La commune de Collonges-sous-Salève ne conteste pas le caractère indemnisable des sommes mises à sa charge par les premiers juges, soit 3 000 euros au titre d'une facture du BET VRD pour les espaces verts, 1 886,30 euros au titre de frais de publicité et 200 euros restant à la charge de la SCI Le Verdi pour la certification NF des logements.

8. Il résulte de l'instruction que, pour la constitution de la demande de permis de construire puis du dossier de consultation des entreprises, la SCI Le Verdi a engagé des frais de géotechnicien, d'un montant de 7 705 euros, de géomètre, d'un montant de 1 555 euros, d'architecte, pour un total de 71 534,96 euros, de bureau de contrôle, d'un montant de 2 467,19 euros, de BET Structures et Fluides, pour un total de 23 061,27 euros, de BET VRD, frais se montant à la somme de 14 220 euros incluant celle déjà indemnisée par le tribunal et d'économiste, pour une somme de 12 892,41 euros. Ces dépenses, engagées en pure perte, doivent être indemnisées. Il y a lieu également d'indemniser la SCI Le Verdi des frais, dont elle justifie, pour la réalisation d'un diagnostic amiante préalable à la démolition des bâtiments présents sur les parcelles, d'un montant de 776,59 euros, des frais de caution pour les taxes d'urbanisme, qui s'élèvent à 1 782,87 euros ainsi que des constats d'huissier pour l'affichage du permis de construire, d'un montant de 506,17 euros. En revanche, la SCI Le Verdi ne peut être indemnisée des dépenses qu'elle a engagées, antérieurement à la délivrance du permis de construire, en vue de la commercialisation du projet, dès lors qu'en sa qualité de professionnelle de l'immobilier, elle s'est montrée imprudente à engager de tels frais avant que son permis ne soit définitif. Enfin, il n'y a pas lieu d'indemniser les frais engagés pour l'enregistrement de la société auprès du greffe du tribunal de commerce et des frais d'avocat pour la constitution et le fonctionnement de la SCI, qui ne présentent pas un lien suffisamment direct avec les fautes de la commune.

9. Il y a lieu ainsi de condamner la commune de Collonges-sous-Salève à indemniser la SCI Le Verdi des frais qu'elle a inutilement exposés, à hauteur d'une somme de 138 587,76 euros HT.

En ce qui concerne le manque à gagner :

10. La SCI Le Verdi ne saurait être indemnisée de la perte de bénéfice qu'elle pouvait escompter de l'opération envisagée, qui était illégale. Par suite, et alors que ce préjudice est au demeurant, en l'état, purement éventuel, les conclusions qu'elle présente à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Le Verdi est seulement fondée à demander que l'indemnité qui lui a été allouée par le jugement attaqué soit portée à la somme de 138 587,76 euros.

Sur les frais d'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de la SCI Le Verdi, qui n'est pas partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Collonges-sous-Salève la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SCI Le Verdi.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que la commune de Collonges-sous-Salève a été condamnée à verser à la SCI Le Verdi par le jugement du 21 décembre 2017 du tribunal administratif de Grenoble est portée de la somme de 5 086,30 euros à la somme de 138 587,76 euros.

Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La commune de Collonges-sous-Salève versera à la SCI Le Verdi la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions des parties sont rejetées pour le surplus.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Le Verdi et à la commune de Collonges-sous-Salève.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

Mme E... F..., présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme D... C..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 28 janvier 2020.

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N° 18LY00872

md


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18LY00872
Date de la décision : 28/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-03-06 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Contentieux de la responsabilité (voir : Responsabilité de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : Mme MARGINEAN-FAURE
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SELARL ADAMAS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-01-28;18ly00872 ?
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