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15/01/2020 | FRANCE | N°19LY03276

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 15 janvier 2020, 19LY03276


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 18 février 2019 par laquelle le préfet du Rhône a décidé son transfert aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1901725 du 30 avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 16 août 2019, présentée pour M. A..., il est demandé à la co

ur :

1°) d'annuler ce jugement n° 1901725 du magistrat désigné par le président du tribunal administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 18 février 2019 par laquelle le préfet du Rhône a décidé son transfert aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1901725 du 30 avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 16 août 2019, présentée pour M. A..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1901725 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 30 avril 2019 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale et de lui délivrer une attestation de demande d'asile afférente, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors qu'il est intervenu en méconnaissance du principe du contradictoire, le premier juge ne lui ayant pas permis de répondre dans un délai raisonnable à la dernière production en défense du Préfet, qui contenait une pièce décisive, communiquée à peine quelques minutes avant l'audience, et alors que son conseil a développé oralement des observations qui n'ont d'ailleurs aucunement été prises en compte ;

- le préfet du Rhône était incompétent pour prendre la décision en litige, la circonstance que des arrêtés du 20 octobre 2015 et du 12 décembre 2018 lui avaient donné cette compétence sur le fondement des articles R. 741-2 et R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ayant pas d'incidence dès lors que cette base légale a été abrogée implicitement et nécessairement par le décret n° 2019-38 du 29 janvier 2019 ;

- dès lors qu'aucune pièce versée aux débats ne permet d'attester que les autorités italiennes ont reçu la requête en reprise en charge le 18 janvier 2019, date de point de départ allégué par le préfet du délai de quinze jours à l'issue duquel nait l'acceptation implicite, l'acceptation implicite n'était pas constituée à la date du transfert et ce dernier était dépourvu de base légale ; aucune pièce ne permet d'établir que l'Italie a bien été destinataire de la requête en reprise en charge dans le délai de deux mois de l'enregistrement de la demande d'asile, en violation de l'article 23 du règlement ;

- la décision méconnaît les dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013/UE et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 10 octobre 2019, le préfet du Rhône de conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juin 2019, du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Seillet, président assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen né le 2 mai 2000 à Dubreka (Guinée), déclare être entré irrégulièrement en France le 10 janvier 2019. Le 15 janvier 2019, il a demandé l'asile auprès des services de la préfecture du Puy-de-Dôme. Le 18 février 2019, le préfet du Rhône a décidé de le transférer vers l'Italie, État responsable, selon lui, de l'examen de sa demande d'asile. M. A... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert (...) peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". Selon l'article R. 777-3-5 du code de justice administrative, la présentation, l'instruction et le jugement des recours en annulation formés contre les décisions de transfert obéissent, lorsque l'intéressé n'est pas placé en rétention administrative ni ne fait l'objet d'une assignation à résidence, aux règles définies aux articles R. 776-7, R. 776-8, R. 776-15, R. 776-18, R. 776-20-1, R. 776-22 à 26 et aux trois premiers alinéas de l'article R. 776-27 du code de justice administrative. Les articles R. 776-24 à R. 776-26 du même code, ainsi applicables, disposent que l'instruction se poursuit à l'audience et qu'elle est close après que les parties ont formulé leurs observations orales soit, si ces parties sont absentes ou ne sont pas représentées, après appel de leur affaire à l'audience.

3. Il ressort des pièces du dossier que le mémoire du préfet du Rhône, en réponse à la demande de M. A..., qui était accompagné notamment des pièces sur la base desquelles a été prise la décision en litige, a été enregistré au greffe du tribunal administratif, le 16 avril 2019 à 11 heures 59, et mis à la disposition du conseil de l'intéressé par l'application télérecours, le même jour à 12 heures 20. Ce conseil en a pris connaissance à 13 heures 24, alors que l'audience a eu lieu le même jour à 14 heures. Il en ressort également que des pièces jointes au mémoire en défense du préfet du Rhône avaient auparavant déjà été enregistrées au greffe du tribunal, le 15 avril 2019 à 16 heures 59, et mises à la disposition du conseil de l'intéressé par l'application télérecours, le 16 avril 2019 à 9 heures 19, et que ce conseil, après en avoir pris connaissance à 12 heures 20, avait produit un mémoire enregistré au greffe du tribunal le même jour à 12 heures 33. Dès lors, M. A... ne peut se prévaloir de ce que le mémoire du préfet lui aurait été communiqué à peine quelques minutes avant l'audience sans qu'il ait été en mesure de répondre à ce nouvel élément ni, par suite, de ce que le jugement attaqué aurait été rendu en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure.

4. En second lieu, il ressort de la lecture du jugement attaqué, en particulier du point 8 de ce jugement, que le magistrat désigné a écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles 21 et 25 du règlement (UE) n° 604/2013 après avoir constaté que la demande de reprise en charge avait été formulée dans le délai de deux mois à compter de la demande du requérant en France. Dès lors, contrairement à ce que soutient le requérant, le premier juge n'a pas entaché son jugement d'une omission sur ce point.

Sur la légalité de la décision de transfert :

S'agissant de la compétence du préfet du Rhône :

5. Aux termes de l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-38 du 23 janvier 2019 : " Sans préjudice du second alinéa de l'article 11-1 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004, l'autorité compétente pour renouveler l'attestation de demande d'asile en application de l'article L. 742-1, procéder à la détermination de l'État responsable de l'examen d'une demande d'asile, assigner à résidence un demandeur d'asile en application du 1° bis du I de l'article L. 561-2 et prendre une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police. (...) ".

6. Aux termes de l'article 11-1 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements, dans sa rédaction résultant du décret du 23 janvier 2019 : " Le préfet de département est compétent en matière d'entrée et de séjour des étrangers ainsi qu'en matière de droit d'asile. En matière d'asile, un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'asile peut donner compétence à un préfet de département et, à Paris, au préfet de police pour exercer ces missions dans plusieurs départements. "

7. L'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction antérieure à celle résultant du décret du 23 janvier 2019 prévoyait que : " L'autorité compétente pour (...) prendre une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police. (...) / Un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'asile peut donner compétence à un préfet de département et, à Paris, au préfet de police pour exercer ces missions dans plusieurs départements. "

8. Aux termes l'article 2 de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 12 décembre 2018, pris sur le fondement de l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le préfet du département du Rhône est compétent (...) pour : (...) 3° prendre la décision de transfert en application de l'article L. 742-3 du code précité. " En l'absence, à la date de la décision de transfert en litige, de nouvel arrêté intervenu postérieurement au décret du 23 janvier 2019, les dispositions de cet arrêté du 12 décembre 2018 sont demeurées en vigueur. Par suite, le préfet du Rhône était compétent pour prendre la décision en litige.

En ce qui concerne la saisine des autorités italiennes :

9. Aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 : " 1. Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre États membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement. (...) 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ".

10. Il résulte de ce qui précède que le réseau de communication " DubliNet " permet des échanges d'informations fiables entre les autorités nationales qui traitent les demandes d'asile et que les accusés de réception émis par un point d'accès national sont réputés faire foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse.

11. L'article 19 du même règlement prévoit que : " 1. Chaque État membre dispose d'un unique point d'accès national identifié. 2. Les points d'accès nationaux sont responsables du traitement des données entrantes et de la transmission des données sortantes. 3. Les points d'accès nationaux sont responsables de l'émission d'un accusé de réception pour toute transmission entrante ".

12. Le préfet a produit devant le tribunal administratif le formulaire de demande de reprise en charge et les courriels attestant d'échanges entre la préfecture et le point d'accès national français le 18 janvier 2019, s'agissant de la requête à fins de reprise en charge de M. A... et, à nouveau, le 1er février 2019 s'agissant du constat d'un accord implicite des autorités italiennes. Le préfet a ainsi produit l'accusé de réception électronique daté du 18 janvier 2019 concernant la demande de reprise en charge de M. A..., comportant le numéro de référence FRDUB29930223431-690 de son dossier " Dublinet " ainsi que la désignation de l'Italie en tant qu'État requis. Aux termes des dispositions réglementaires précitées, cet accusé de réception, édité automatiquement par le réseau " Dublinet ", doit être regardé comme établissant, de façon authentique, la réalité et la date de la saisine des autorités italiennes, sans qu'y fasse obstacle la seule circonstance qu'il aurait été émis à partir de l'adresse électronique du point d'accès national français du réseau " Dublinet ", et non à partir de celle du point d'accès national italien de ce réseau. Dès lors, la réalité de la saisine des autorités italiennes est établie.

S'agissant de l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :

13. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".

14. La faculté laissée à chaque État membre, par le 1 de l'article 17 du règlement n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

15. Les allégations à caractère général M. A... ne permettent pas d'établir l'existence d'un risque sérieux que sa demande d'asile ne soit pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Italie est un État membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue au 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 qui permet à un État d'examiner la demande d'asile d'un demandeur même si cet examen ne lui incombe pas en application des critères fixés dans ce règlement.

16. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction.

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme au conseil de M. A... au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Rémy-Néris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 janvier 2020.

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N° 19LY03276


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03276
Date de la décision : 15/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

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Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : SCP COUDERC - ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-01-15;19ly03276 ?
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