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15/01/2020 | FRANCE | N°18LY04503

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 15 janvier 2020, 18LY04503


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par déféré, la préfète du Puy-de-Dôme a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la délibération du 22 juin 2013 par laquelle le comité syndical du syndicat intercommunal d'alimentation en eau (SIAEP) des communes de Sioule et Morge, d'une part, a accepté la transformation de la société d'économie mixte pour l'exploitation des réseaux d'eau potable et d'assainissement (SEMERAP) en société publique locale et, d'autre part, en a approuvé les statuts.

Par jugement n° 1301

729, 1301730, 1301731, 1301732 du 1er juillet 2014, le tribunal administratif de Clermo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par déféré, la préfète du Puy-de-Dôme a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la délibération du 22 juin 2013 par laquelle le comité syndical du syndicat intercommunal d'alimentation en eau (SIAEP) des communes de Sioule et Morge, d'une part, a accepté la transformation de la société d'économie mixte pour l'exploitation des réseaux d'eau potable et d'assainissement (SEMERAP) en société publique locale et, d'autre part, en a approuvé les statuts.

Par jugement n° 1301729, 1301730, 1301731, 1301732 du 1er juillet 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

La cour administrative d'appel de Lyon, après avoir admis l'intervention volontaire de la SEMERAP au soutien des conclusions du SIAEP des communes de Sioule et Morge, a, sur appel formé par la préfète du Puy-de-Dôme, annulé ce jugement et la délibération du 22 juin 2013 par un arrêt n° 14LY02729 du 4 octobre 2016, lui-même annulé sur pourvois du SIAEP des communes de Sioule et Morge et de la SEMERAP par ordonnance n° 405688, 405689 de la présidente de la 3ème chambre de la section du contentieux du Conseil d'État, prise le 12 décembre 2018.

La requête d'appel (outre mémoire complémentaire) de la préfète du Puy-de-Dôme, renvoyée à la cour, a été réenregistrée le 12 décembre 2018 sous le n° 18LY04503. La préfète du Puy-de-Dôme a présenté quatre nouveaux mémoires enregistrés le 21 janvier 2019, le 21 février 2019, le 6 mars 2019 et le 25 juillet 2019 dans la présente instance.

Dans le dernier état de ses écritures, elle demande d'annuler le jugement n° 1301729, 1301730, 1301731, 1301732 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand et d'annuler la délibération du 22 juin 2013 par laquelle le comité syndical du SIAEP des communes de Sioule et Morge a accepté la transformation de la SEMERAP et en a approuvé les statuts.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- le SIAEP des communes de Sioule et Morge, dont les compétences ne correspondent que partiellement aux missions de la SEMERAP, n'a pas vocation à en être actionnaire en vertu des dispositions de l'article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales ;

- la rédaction issue de l'article 1er de la loi n° 2019-463 du 17 mai 2019 ne doit pas se traduire par un détournement de la répartition des compétences entre collectivités.

Par mémoires enregistrés le 30 octobre 2014 (dans l'instance initiale n° 14LY02729) et le 18 février 2019 (dans la présente instance), le SIAEP des communes de Sioule et Morge conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le moyen invoqué par le préfet du Puy-de-Dôme n'est pas fondé.

Par mémoires enregistrés le 28 janvier 2015 (dans l'instance initiale n° 14LY02729), le 24 janvier 2019 et le 22 juillet 2019 (dans la présente instance), la SEMERAP intervient au soutien des conclusions du SIAEP des communes de Sioule et Morge et demande à la cour de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- les dispositions de l'article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales, telles qu'interprétées par le Conseil d'État, doivent être écartées au profit des dispositions de l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 ;

- la délibération litigieuse est conforme aux dispositions de l'article L. 1531-1 dans leur rédaction issue de l'article 1er de la loi n° 2019-463 du 17 mai 2019, en vigueur à la date du 29 mai 2013 en vertu de l'article 4 de la même loi.

Par mémoire distinct enregistré le 18 février 2019, le SIAEP des communes de Sioule et Morge demande, à l'appui de ses conclusions tendant au rejet de la requête, de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-463 du 17 mai 2019.

Il soutient que la disposition dont l'inconstitutionnalité est excipée est applicable au litige, que la question est nouvelle et qu'elle présente une difficulté sérieuse en ce que les conditions restrictives qui assortissent l'entrée au capital des sociétés publiques locales méconnaissent le principe de libre administration des collectivités territoriales garanties par l'article 72 de la Constitution, ainsi que les attributions reconnues au législateur par l'article 34 du même texte auxquelles il ne peut être pallier par une interprétation jurisprudentielle.

Par un mémoire enregistré le 6 mars 2019, la préfète du Puy-de-Dôme conclut au rejet de la question prioritaire de constitutionnalité au motif qu'elle est dépourvue de caractère sérieux.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la loi n° 2019-463 du 17 mai 2019 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Arbarétaz, président,

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,

- les observations de Me C... pour le SIAEP des communes de Sioule et Morge, et de Me A... B... pour la SEMERAP ;

Considérant ce qui suit :

Sur l'appel de la préfète du Puy de Dôme :

En ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité posée par le SIAEP des communes de Sioule et Morge :

1. Aux termes de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée, applicable aux demandes de transmission de questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil d'État : " (...) Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure (...) 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil Constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux (...) " ;

2. Eu égard à la date de constitution de la SEMERAP en société publique locale, sont désormais applicables au présent litige les dispositions de l'article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction issue de l'article 1er de la loi du 17 mai 2019 susvisée. Il suit de là que la question prioritaire de constitutionnalité, qui porte sur la rédaction antérieure de ce texte, est dépourvue d'utilité et ne répond pas à la condition énoncée par le 1° de l'article 23-2 précité de l'ordonnance du 7 novembre 1958. Les conclusions aux fins de transmission de la question au Conseil d'État doivent être rejetées.

En ce qui concerne le fond du litige :

3. Aux termes de l'article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction issue de l'article 1er de la loi du 17 mai 2019 susvisée : " Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent créer, dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi, des sociétés publiques locales dont ils détiennent la totalité du capital. / Ces sociétés sont compétentes pour réaliser des opérations d'aménagement (...), des opérations de construction ou pour exploiter des services publics à caractère industriel ou commercial ou toutes autres activités d'intérêt général Lorsque l'objet de ces sociétés inclut plusieurs activités, celles-ci doivent être complémentaires. La réalisation de cet objet concourt à l'exercice d'au moins une compétence de chacun des actionnaires (...) ", tandis qu'aux termes de l'article 4 de la même loi : " Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les dispositions de la présente loi s'appliquent aux sociétés mentionnées aux articles (...) L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales (...) constituées antérieurement à sa date de publication ".

4. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que la SEMERAP a été constituée en société publique locale par l'assemblée générale extraordinaire convoquée le 29 juin 2013, antérieurement à la publication de la loi du 17 mai 2019 et, d'autre part, que le jugement du 1er juillet 2014, frappé d'un appel recevable, n'a pas acquis force de chose jugée. En conséquence, la légalité de la délibération du 22 juin 2013 doit être examinée au regard des conditions énoncées par l'article L. 1531-1 précité du code général des collectivités territoriales.

5. Les statuts du SIAEP des communes de Sioule et Morge lui attribuent l'adduction d'eau et le contrôle de l'assainissement autonome sur le territoire des communes membres. Ces missions étant au nombre de celles qui, en vertu de l'article 2 des statuts de la SEMERAP, pourront être confiées à la nouvelle société publique locale, le SIAEP des communes de Sioule et Morge partage avec celle-ci au moins une compétence commune et a pu légalement en devenir actionnaire en vue de lui confier la réalisation de cet objet au sens des dispositions précitées.

6. Il suit de là que la préfète du Puy-de-Dôme n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté le déféré qu'elle a présenté contre la délibération du 22 juin 2013 par laquelle le comité syndical du SIAEP des communes de Sioule et Morge a accepté la transformation de la SEMERAP et en a approuvé les statuts. Sa requête doit, en conséquence, être rejetée.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le SIAEP des communes de Sioule et Morge contre l'État. La SEMERAP, intervenante volontaire, n'ayant pas la qualité de partie au litige, les conclusions qu'elle présente contre l'État doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les conclusions du SIAEP des communes de Sioule et Morge aux fins de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité sont rejetées.

Article 2 : La requête de la préfète du Puy-de-Dôme est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par le SIAEP des communes de Sioule et Morge et la SEMERAP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la préfète du Puy-de-Dôme, au syndicat intercommunal d'alimentation en eau des communes de Sioule et Morge et à la société d'exploitation mutualisée pour l'eau, l'environnement, les réseaux, l'assainissement dans l'intérêt du public.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 janvier 2020.

N° 18LY04503 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY04503
Date de la décision : 15/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Dispositions générales - Contrôle de la légalité des actes des autorités locales - Déféré préfectoral.

Collectivités territoriales - Dispositions générales - Dispositions économiques.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe ARBARETAZ
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : SELARL AUVERJURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-01-15;18ly04503 ?
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