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15/01/2020 | FRANCE | N°18LY01241

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 15 janvier 2020, 18LY01241


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) SRPL a demandé au tribunal administratif de Lyon de lui accorder la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée dont elle a été déclarée redevable au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 juillet 2012, des pénalités correspondantes et de l'amende de 5 % qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1788 A du code général des impôts ;

Par un jugement n°1509592-1509595 du 6 février 2018, le tribunal administratif de Lyon a r

ejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 avril 2018,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) SRPL a demandé au tribunal administratif de Lyon de lui accorder la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée dont elle a été déclarée redevable au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 juillet 2012, des pénalités correspondantes et de l'amende de 5 % qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1788 A du code général des impôts ;

Par un jugement n°1509592-1509595 du 6 février 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 avril 2018, M. F..., déclaré débiteur solidaire des impositions en litige par jugement du tribunal correctionnel de Lyon du 2 mars 2008 en application de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 février 2018 ;

2°) de lui accorder la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la vérification de comptabilité a excédé le délai de trois mois prévu par l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ;

- l'administration ne rapporte pas la preuve que les mentions figurant sur les factures, relatives au système de la marge sont erronées ;

- il n'est pas davantage établi que la SARL SRPL ne pouvait ignorer que le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge était erroné ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que M. F..., qui n'a été reconnu débiteur solidaire

que le 2 mars 2018, n'était pas partie à l'instance devant le tribunal administratif ;

- aucun des moyens invoqués par M. F... n'est fondé.

Les parties ont été informées que la cour était susceptible de relever d'office un moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, en tant qu'il n'a pas prononcé un non-lieu consécutivement aux dégrèvements intervenus en cours d'instance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Savouré, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL SRPL, dont la clôture de la liquidation judiciaire a été prononcée par jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 6 septembre 2017, avait pour activité la réparation de poids lourds et l'achat-revente de véhicules d'occasion. Cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2009 au 31 juillet 2012, à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause le régime de la marge appliqué lors de la revente de véhicules d'occasion. Elle a en conséquence fait l'objet de rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis de majoration pour manquement délibéré et d'intérêts de retard. L'administration lui a aussi infligé l'amende de 5 % prévue par l'article 1788 A du code général des impôts, au titre des véhicules qui auraient dû être acquis sous le régime des livraisons intracommunautaires et dont elle a omis de procéder à l'autoliquidation. Par un jugement du 6 février 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de la SARL SRPL, tendant à la décharge de ces impositions. M. F..., déclaré débiteur solidaire de la SARL SRPL par un jugement du tribunal correctionnel de Lyon du 8 mars 2018 en application de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, interjette appel de ce jugement.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Le gérant d'une société, condamné par le juge judiciaire au paiement solidaire des impositions et pénalités mises à la charge de cette dernière est, en sa qualité de débiteur solidaire, recevable à interjeter appel du jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté la demande de cette société tendant à la décharge desdites impositions et pénalités.

3. Par suite, quand bien-même M. F..., gérant de la SARL SRPL, n'a acquis la qualité de codébiteur solidaire de cette dernière que le 8 mars 2018, soit postérieurement à la lecture du jugement attaqué le 6 février 2018, la fin de non-recevoir tirée de ce que celui-ci n'aurait pas qualité pour faire appel doit être écartée.

Sur la régularité du jugement et l'étendue du litige :

4. Par une décision du 21 février 2017, postérieure à l'introduction de la demande devant le tribunal administratif et antérieure à la lecture du jugement, l'administration a prononcé le dégrèvement de l'intégralité des intérêts de retard. Bien que cette décision n'ait été produite pour la première fois que devant la cour, il n'en demeure pas moins que les conclusions de la demande de M. F... sont devenues sans objet dès l'instance devant le tribunal administratif, en tant qu'elles portent sur l'intérêt de retard. Par suite, le jugement attaqué, qui n'a pas prononcé de non-lieu à statuer consécutivement à ce dégrèvement doit, dans cette mesure, être annulé.

5. Il y a lieu d'évoquer les conclusions de la demande ainsi devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de constater qu'il n'y a pas lieu d'y statuer. Il y a lieu d'examiner, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, le surplus des conclusions de M. F....

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

6. Aux termes du I de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales : " Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : / 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts (...) ". L'article 302 septies A du code général des impôts institue, en ce qui concerne les entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées ou de fournir un logement, un régime simplifié de liquidation des taxes sur le chiffre d'affaires dues par les personnes dont le chiffre d'affaires, ajusté s'il y a lieu au prorata du temps d'exploitation au titre de l'année civile précédente, n'excède pas un certain seuil, qui a été fixé à 763 000 euros s'agissant de l'année 2009, 766 000 euros s'agissant de l'année 2010 et 777 000 euros s'agissant de l'année 2011. En ce qui concerne les autres entreprises, le seuil est fixé à 230 000 euros en ce qui concerne l'année 2009, 231 000 euros en ce qui concerne l'année 2010 et 234 000 euros en ce qui concerne l'année 2011.

7. Lorsque l'activité d'une entreprise ressortit à la fois aux deux catégories ci-dessus, la limitation à trois mois de la durée de la vérification ne s'applique qu'à la double condition que le chiffre d'affaires global n'excède pas le seuil prévu pour l'activité de vente de marchandise et que le chiffre d'affaires afférent aux opérations autres ne dépasse pas lui-même le seuil correspondant.

8. Il résulte de l'instruction que la SARL SRPL exerçait une activité d'achat revente de véhicules et de pièces que son chiffre d'affaires global s'est élevé à 2 057 935,08 euros au titre de l'année 2009, 966 898,24 euros au titre de l'année 2010 et 932 928,54 euros au titre de l'année 2011. La marge réalisée chaque année par la société est sans incidence sur l'application de ces seuils. Dès lors, et quand bien même le chiffre d'affaires de son activité de travaux sur véhicules n'excède pas le seuil fixé pour les autres entreprises, le délai de trois mois prévu par l'article L. 52 du livre des procédures fiscales n'était pas applicable en l'espèce. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit donc être écarté.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

9. Aux termes du I de l'article 256 bis du code général des impôts : " 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises (...) / 2° bis Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti (...) ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 (...) ". Aux termes du I de l'article 297 A du même code : " 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat (...) ". Aux termes de l'article 297 E du même code : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures ".

10. Il résulte des dispositions précitées qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur marge prévu par l'article 259 A du code général des impôts lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions de l'article 297 E dudit code, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. L'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge prévue par l'article 26 bis de la directive du 17 mai 1977 repris à l'article 113 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, en vigueur depuis le 1er janvier 2007.

11. Lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs qui mentionnent que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge mentionnée ci-dessus, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées et, d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients, sans que pèse sur le contribuable l'obligation de vérifier la qualité d'assujetti revendeur de ses fournisseurs.

En ce qui concerne l'application du régime de la marge :

12. En l'espèce, la SARL SRPL a acquis des véhicules auprès de fournisseurs établis en Espagne, en Roumanie et en République tchèque, sous le régime de la marge. La SARL SRPL les a ainsi revendus sous le même régime, en application du I de l'article 297 précité du code général des impôts. Toutefois, suivant indication des autorités fiscales allemandes, saisies dans le cadre de l'assistance administrative internationale, l'administration a considéré que treize de ces véhicules avaient été acquis par les fournisseurs de l'intéressée auprès de professionnels qui étaient en mesure de déduire la taxe sur la valeur ajoutée, sous le régime de taxe sur la valeur ajoutée de droit commun ou sous le régime de l'exonération prévu pour les livraisons intracommunautaires et que leur revente ne pouvait donc être effectuée sous le régime de la marge.

13. A ce titre, les factures adressées aux fournisseurs de la SARL SRPL mentionnent soit " Steuerfrei innergemeinschaftliche lieferung ", ce qui signifie " livraison intracommunautaire exonérée d'impôt ", soit " EU-lieferung 0 % ", ce qui signifie " livraison Union européenne 0 % ", soit " innergemeinschaftliche Exerb Umsatzteuerfrei (...) ", ce qui signifie " acquisition intracommunautaire exemption de taxe sur la valeur ajoutée ", ou enfin " Nom imp IVA ", ce qui correspond à la mention de taxe intracommunautaire italienne. Au surplus, l'administration fait valoir qu'une simple analyse des certificats d'immatriculation permettait de constater que leur titulaire était un assujetti, professionnel de l'automobile, qui n'avait pas pu appliquer le régime de la marge lors de leur vente aux fournisseurs de la SARL SRPL. Contrairement à ce que soutient M. F..., le véhicule Maseratti vendu le 23 février 2012 n'a pas été acquis par son fournisseur auprès d'un particulier. Dès lors, quand bien-même les réponses des autorités fiscales tchèques et roumaines, également saisies, ne donnent pas d'indication permettant de tenir pour établie l'existence d'une fraude, les éléments obtenus auprès des autorités allemandes suffisent à rapporter la preuve que le régime de la marge ne pouvait être appliqué au titre des véhicules litigieux.

En ce qui concerne la connaissance par le requérant de l'existence d'une fraude :

14. Il résulte de l'instruction que la totalité des véhicules litigieux disposait de certificats d'immatriculation mentionnant comme propriétaires des sociétés professionnelles de l'automobile. En sa qualité de professionnel de l'automobile, la SARL SRPL ne pouvait ignorer que ces sociétés étaient en mesure de déduire la taxe sur la valeur ajoutée sur ces véhicules, faisant ultérieurement obstacle à l'application du régime de la marge. En outre, alors qu'en tant que professionnel de l'automobile, la SARL SPRPL ne pouvait ignorer ni les circuits de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée qui sont largement connus et ont fait l'objet de nombreux articles dans la presse spécialisée, ni les prix du marché de véhicules d'occasion en provenance d'Allemagne, lesquels sont facilement accessibles à partir de sites internet tels que " Mobil.de ", celle-ci ne pouvait qu'être alertée par l'interposition de sociétés espagnoles, tchèques et roumaines, compte tenu de ce que les véhicules litigieux étaient acheminés directement depuis l'Allemagne, notamment par M. D... et M. C.... Dans ces conditions, l'administration rapporte la preuve de ce que la SARL SRPL avait connaissance de la fraude à laquelle elle participait.

15. Il résulte de ce qui précède, sous réserve de ce qui a été dit aux points 4 et 5, que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de la SARL SRPL.

16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. F..., tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 février 2018 est annulé en tant qu'il n'a pas prononcé de non-lieu à statuer sur les intérêts de retard mis à la charge de la SARL SPRL.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions mentionnées à l'article 1er.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. F... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 9 décembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme B..., présidente-assesseure,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 janvier 2020

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N° 18LY01241


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01241
Date de la décision : 15/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Requêtes d'appel.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Fraude.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. Bertrand SAVOURE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : DELAMBRE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-01-15;18ly01241 ?
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