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15/01/2020 | FRANCE | N°18LY01001

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 15 janvier 2020, 18LY01001


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler la décision du 25 juin 2015 par laquelle la présidente du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône l'a licenciée pour insuffisance professionnelle ;

2°) subsidiairement, de l'annuler en tant qu'elle n'évoque pas l'indemnité de licenciement ;

3°) de mettre à la charge du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon une somme de 1 500 euros au t

itre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1506702 du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler la décision du 25 juin 2015 par laquelle la présidente du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône l'a licenciée pour insuffisance professionnelle ;

2°) subsidiairement, de l'annuler en tant qu'elle n'évoque pas l'indemnité de licenciement ;

3°) de mettre à la charge du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1506702 du 17 janvier 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 mars 2018 et un mémoire enregistré le 27 mai 2019, Mme A..., représentée par Me Dumoulin, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 janvier 2018 ;

2°) d'annuler la décision de la présidente du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône du 25 juin 2015 ;

3°) de mettre à la charge du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision litigieuse a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière, à défaut d'avoir été précédée de la consultation prévue par l'article 11-2 du décret du 10 juin 1985 ;

- la décision litigieuse a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière, le principe du contradictoire, résultant de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, n'ayant pas été respecté ;

- pour ces mêmes motifs, la décision litigieuse a été adoptée au terme d'une procédure contraire à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'insuffisance professionnelle sur laquelle se fonde cette décision n'est pas établie ;

- les faits retenus, de nature disciplinaire, ne peuvent fonder un licenciement pour insuffisance professionnelle ;

- une telle sanction serait, en tout état de cause, disproportionnée.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 7 mai 2019 et le 11 juin 2019, le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon, représenté par Me E... (F... et E... avocats associés), avocat, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il expose que les moyens soulevés, qui sont soit inopérants, soit infondés, doivent être écartés.

Par ordonnance du 12 juin 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 juin 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., première conseillère,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Dumoulin, avocat, représentant Mme A..., et celles de Me E..., avocat, représentant le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a été recrutée en qualité de médecin de prévention par le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône, depuis devenu le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon, par contrat à durée déterminée dont le terme était initialement fixé au 31 août 2016. Par décision du 25 juin 2015, le directeur du centre de gestion a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle. Le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de cette décision par un jugement du 17 janvier 2018, dont elle relève appel.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 11 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale : " I. - Les missions du service de médecine préventive sont assurées par un ou plusieurs médecins appartenant : - soit au service créé par la collectivité ou l'établissement ; (...) - soit au service créé par le centre de gestion de la fonction publique territoriale (...) ". L'article 11-2 de ce même décret prévoit, en son premier alinéa, que : " Le médecin du service de médecine préventive exerce son activité médicale, en toute indépendance et dans le respect des dispositions du code de déontologie médicale et du code de la santé publique. Le médecin de prévention agit dans l'intérêt exclusif de la santé et de la sécurité des agents dont il assure la surveillance médicale ". Le cinquième alinéa de ce même article dispose que : " En cas de rupture du lien contractuel pour un motif disciplinaire ou lié à la personne du médecin, cette rupture ne peut intervenir qu'après avis du comité mentionné à l'article 37. L'autorité territoriale met en outre l'intéressé en mesure de consulter son dossier. Le médecin doit faire l'objet d'une convocation écrite lui indiquant l'objet de celle-ci. Au cours de l'entretien, l'autorité territoriale est tenue d'indiquer le ou les motifs de la décision envisagée et de recueillir les observations de l'intéressé. L'avis émis par le comité est communiqué sans délai au médecin ainsi qu'à l'autorité territoriale, qui statue par décision motivée. L'autorité territoriale informe le comité de sa décision ". L'article 37 de ce décret vise " le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou le comité technique lorsqu'il exerce les missions du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ".

3. Il résulte de ces dispositions que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou le comité technique lorsqu'il exerce les missions de ce comité doit être consulté lorsque l'autorité territoriale envisage de rompre le contrat qui la lie à un médecin du service de médecine préventive, pour un motif disciplinaire ou lié à la personne du médecin. En visant seulement l'hypothèse dans laquelle la rupture du contrat est décidée par l'" autorité territoriale ", le cinquième alinéa de l'article L. 11-2 précité ne s'applique pas au licenciement résultant d'une décision de l'autorité du centre gestion à l'égard d'un médecin du service de médecine préventive employé pour les besoins des agents de collectivités affiliées ou conventionnées, ainsi que l'a été Mme A.... Dans ces conditions, et ainsi que l'ont estimé à juste titre les premiers juges, le moyen tiré de la méconnaissance de la procédure consultative prévue par l'article 11-2 du décret du 10 juin 1985 doit être écarté comme inopérant.

4. En deuxième lieu, en vertu de l'article 10 de l'ordonnance du 23 octobre 2015 relative aux dispositions législatives du code des relations entre le public et l'administration, les dispositions de l'article L. 121-1 de ce code ne sont entrées en vigueur qu'à compter du 1er janvier 2016 et n'étaient ainsi pas applicables à la date de la décision contestée. Par suite, Mme A... ne saurait utilement s'en prévaloir. Au demeurant, si ces dispositions ont seulement procédé à la codification des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, jusqu'alors en vigueur, il résulte de l'article 18 de cette même loi que celles-ci n'étaient pas applicables " aux relations entre les autorités administratives et ses agents ". Le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire issu de ces dispositions ne peut dès lors qu'être écarté.

5. En troisième lieu, les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, ne sont applicables qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale et ne peuvent être invoquées pour critiquer une procédure administrative, alors même qu'elle conduirait au prononcé d'un licenciement d'un agent contractuel de droit public, comme en l'espèce. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations est inopérant et doit être écarté.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 10 du décret du 10 juin 1985 visé ci-dessus : " Les collectivités et établissements visés à l'article 1er disposent d'un service de médecine préventive dans les conditions définies à l'article 108-2 de la loi du 26 janvier 1984 précitée ". Cet article 108-2 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dispose que : " (...) Le service [de médecine préventive] est consulté par l'employeur public sur les mesures de nature à améliorer l'hygiène générale des locaux, la prévention des accidents et des maladies professionnelles et l'éducation sanitaire. Le service de médecine préventive a pour mission d'éviter toute altération de l'état de santé des agents du fait de leur travail, notamment en surveillant les conditions d'hygiène du travail, les risques de contagion et l'état de santé des agents. A cet effet, les agents font l'objet d'une surveillance médicale et sont soumis à un examen médical au moment de l'embauche ainsi qu'à un examen médical périodique dont la fréquence est fixée par décret en Conseil d'Etat ".

7. D'une part, le licenciement pour insuffisance professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments manifestant son inaptitude à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé ou correspondant à son grade et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions. Une évaluation portant sur la manière dont l'agent a exercé ses fonctions durant une période suffisante et révélant son inaptitude à un exercice normal de ses fonctions est de nature à justifier légalement son licenciement. Dès lors, la circonstance que certains des faits retenus pour justifier le licenciement pour insuffisance professionnelle de Mme A... seraient susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire n'est pas, par elle-même, de nature à entacher ce licenciement d'illégalité, dès lors que l'administration s'est fondée sur des éléments révélant son inaptitude à exercer normalement les fonctions pour lesquelles elle a été engagée ou correspondant à son grade. De même, le centre de gestion a pu retenir des faits tenant à son comportement général, indépendamment de ses compétences médicales. Les moyens tirés des erreurs de " qualification juridique " des faits à l'origine du licenciement litigieux doivent donc être écartés.

8. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que Mme A... a été recrutée par le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône au mois de septembre 2013 en qualité de médecin de prévention pour répondre aux besoins des agents des collectivités et des établissements adhérents au service de médecine de prévention géré par le centre. Quelques mois après son recrutement, une première collectivité s'est plainte auprès du centre de gestion, par courrier du 10 avril 2014, de l'insuffisance des examens médicaux pratiqués auprès de plusieurs de ses agents par Mme A.... Des manquements similaires ont été spontanément portés à la connaissance du centre par deux autres collectivités, par courriers datés respectivement du 28 et du 29 mai 2015, faisant état en outre de nombreuses autres insuffisances telles que des initiatives outrepassant ses missions et manifestant une méconnaissance de son environnement professionnel, ainsi que des difficultés relationnelles récurrentes avec les services en charge des ressources humaines au sein de ces collectivités, liées notamment au défaut d'exécution de tâches relevant de ses attributions. Ces témoignages, concordants et faisant état de difficultés persistantes, y compris au cours de l'année qui a séparé le premier de ces courriers des deux suivants, ne sont pas utilement contredits par l'intéressée. Par ailleurs, et contrairement à ce qu'elle prétend, le constat d'une insuffisance professionnelle n'est pas subordonné à l'exigence que l'agent ait été préalablement " mis à même " de remédier aux insuffisances constatées, ni à une appréciation médicale de son état. Dans ces conditions, et ainsi que l'ont estimé à juste titre les premiers juges, ces faits, qui révèlent l'inaptitude de Mme A... à exercer normalement les fonctions pour lesquelles elle a été engagée, et non une simple carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions, sont de nature à justifier son licenciement pour insuffisance professionnelle.

9. Enfin, le licenciement litigieux, justifié par l'insuffisance professionnelle de l'intéressée, n'ayant pas la nature d'une sanction disciplinaire, le moyen tiré du caractère disproportionné d'une telle sanction doit être écarté comme inopérant.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme A.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le paiement des frais exposés par le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., au centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et à la métropole de Lyon.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

Mme G..., présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

M. Pierre Thierry, premier conseiller,

Mme B... D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 15 janvier 2020.

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N° 18LY01001


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01001
Date de la décision : 15/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Comités d'hygiène et de sécurité.

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Licenciement - Insuffisance professionnelle.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL JEAN-PIERRE et WALGENWITZ

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-01-15;18ly01001 ?
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