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15/01/2020 | FRANCE | N°18LY00359

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 15 janvier 2020, 18LY00359


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler les décisions du centre hospitalier spécialisé de l'Yonne du 26 août 2016 fixant la date de consolidation de sa maladie professionnelle au 14 juin 2016 et la plaçant en congé maladie ordinaire à compter du 15 juin 2016, ensemble la décision du 22 septembre 2016 de rejet de son recours gracieux ;

2°) d'enjoindre au centre hospitalier spécialisé de l'Yonne de réexaminer sa situation sous astreinte.

Par un juge

ment n° 1603225 du 1er décembre 2017, le tribunal administratif de Dijon a annulé les décision...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Dijon :

1°) d'annuler les décisions du centre hospitalier spécialisé de l'Yonne du 26 août 2016 fixant la date de consolidation de sa maladie professionnelle au 14 juin 2016 et la plaçant en congé maladie ordinaire à compter du 15 juin 2016, ensemble la décision du 22 septembre 2016 de rejet de son recours gracieux ;

2°) d'enjoindre au centre hospitalier spécialisé de l'Yonne de réexaminer sa situation sous astreinte.

Par un jugement n° 1603225 du 1er décembre 2017, le tribunal administratif de Dijon a annulé les décisions du centre hospitalier spécialisé de l'Yonne du 26 août 2016 et du 22 septembre 2016 et a enjoint au centre hospitalier spécialisé de l'Yonne de procéder au réexamen de la situation de Mme E... afin de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 29 janvier 2018, régularisée le 1er février 2018 et des mémoires, enregistrés les 27 juin 2018 et le 23 juillet 2019, le centre hospitalier spécialisé de l'Yonne, représenté par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 1er décembre 2017 ;

2°) de mettre à la charge de Mme E... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur le bien-fondé du jugement :

* le tribunal administratif de Dijon a méconnu les règles relatives à la charge de la preuve en faisant peser sur lui celle de la date de consolidation ;

* le tribunal administratif de Dijon a commis une erreur manifeste d'appréciation sur la date de consolidation ;

* il n'a lui-même pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que la date de la consolidation de l'état de santé de Mme E... devait être fixé au 14 juin 2014.

Sur les autres moyens soulevés en première instance par Mme E... :

* les décisions litigieuses ont été prises par une autorité compétente ;

* elles ne méconnaissent pas l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ;

* elles sont suffisamment motivées ;

* elles ne méconnaissent pas l'obligation d'information du médecin du travail ;

* le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 26 du décret n° 86-442 est inopérant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2018, Mme E..., représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge du centre hospitalier spécialisé de l'Yonne la somme de 2 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Elle soutient que :

* les moyens soulevés par le centre hospitalier spécialisé de l'Yonne ne sont pas fondés ;

* les décisions litigieuses sont entachées d'un défaut de motivation ;

* le médecin du service de médecine professionnelle et préventive n'a pas été informé ;

* ce dernier n'a pas produit de rapport écrit ;

* la commission de réforme était irrégulièrement composée en l'absence de représentants du personnel.

Par ordonnance du 9 juillet 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 30 août 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

* la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

* la loi no 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

* le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;

* l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

* le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

* le rapport de M. Thierry, premier conseiller,

* les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

* et les observations de Me C..., représentant le centre hospitalier spécialisé de l'Yonne ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... E... est agente des services hospitaliers qualifiée, affectée au centre hospitalier spécialisé de l'Yonne où elle effectue des tâches d'entretien. Elle souffre d'une tendinopathie de l'épaule droite, reconnue comme maladie professionnelle (57 A) et a été placée à ce titre en congé maladie le 22 juin 2015. Par deux décisions du 26 août 2016, le centre hospitalier spécialisé de l'Yonne, par l'une, a fixé la date de consolidation de sa maladie professionnelle à compter du 14 juin 2016 et, par l'autre, l'a placée en congé maladie ordinaire à compter du 15 juin 2016. Le centre hospitalier spécialisé de l'Yonne a rejeté le recours gracieux formé par Mme E... contre ces décisions le 22 septembre 2016. Le centre hospitalier spécialisé de l'Yonne relève appel du jugement du tribunal administratif de Dijon du 1er décembre 2017 annulant ces deux décisions des 26 août 2016 et 22 septembre 2016.

2. En premier lieu, en indiquant que le centre hospitalier spécialisé de l'Yonne n'apportait aucun élément de nature à expliquer pour quelle raison il s'était écarté de l'expertise du Dr Putiaux sur l'état de santé de Mme E..., pour en fixer la date de consolidation et ne plus la reconnaître comme une maladie professionnelle, le tribunal administratif de Dijon n'a pas fait peser sur lui, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, la charge de prouver la date exacte de cette consolidation.

3. En second lieu, en vertu du 2ème alinéa du 2° de l'article 41 de la loi no 86-33 du 9 janvier 1986, lors des congés de maladie auxquels le fonctionnaire en activité a droit en cas de maladie dûment constatée le mettant dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions et lorsque " cette maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ", il conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite et a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La reconnaissance de la pathologie de Mme E... comme maladie professionnelle A 57 lui ouvre droit au bénéfice de ces dispositions jusqu'à sa guérison ou sa mise à la retraite.

4. Le rapport d'expertise établi par le Dr Putiaux le 16 juin 2016, à la demande de la commission de réforme, indique d'abord : " la tendinopathie du supra-épineux de l'épaule Dte peut être considérée comme guérie. Toutefois, la patiente n'étant pas en activité actuellement, il est difficile de dire si cette guérison est définitive ou non lorsqu'elle aura repris son travail ", puis, dans sa conclusion : " - l'état de santé de la patiente n'est ni guéri, ni consolidé. /- La patiente est apte à reprendre son travail sur son poste à l'issue de son arrêt actuel./- (...) un nouvel examen dans 6 mois permettra de prononcer la guérison ou l'inaptitude.". Mme E... produit pour la première fois en appel le rapport établi le 10 janvier 2018 par le docteur Morrone, à la demande du centre hospitalier spécialisé de l'Yonne, qui indique, au sujet de la maladie professionnelle de Mme E... : " A la date du 14.06.2016 Madame E... n'était pas guérie avec possibilité de rechute mais continuait de présenter des doléances de l'épaule en particulier aux mouvements répétitifs et aux efforts qui ont motivé l'ensemble des arrêts de travail prescrit pas son médecin traitant ". Le centre hospitalier spécialisé de l'Yonne ne produit aucun élément permettant d'établir qu'à la date du 26 août 2016, et contrairement à ce qu'ont indiqué ces deux médecins, la maladie professionnelle de Mme E... était guérie et que les arrêts de travail dont elle a bénéficié à compter du 15 juin 2016 étaient sans lien avec cette maladie. Le centre hospitalier spécialisé de l'Yonne ne pouvait dès lors, sans méconnaître les dispositions mentionnées au point précédent, lui en faire perdre le bénéfice en la plaçant, à cette date, en congé maladie ordinaire. Par suite, le centre hospitalier spécialisé de l'Yonne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon a fait droit aux conclusions en annulation de Mme E... contre la décision du 26 août 2016 la plaçant en congé maladie ordinaire.

5. En troisième lieu, la consolidation de l'état de santé d'un agent victime d'une affection en lien avec un accident de service ou l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, correspond au moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent et qu'il est possible d'apprécier un certain degré d'incapacité permanente réalisant un préjudice définitif. La consolidation de cet état de santé n'établit pas par elle-même la guérison de l'agent.

6. Il ressort des pièces du dossier que si le Dr Putiaux a estimé en 2016, que l'état de santé de Mme E... n'était pas consolidé, le Dr Morrone a considéré dans son rapport du 10 janvier 2018 que les symptômes n'ayant pas évolué, la date de consolidation pouvait être fixée au 14 juin 2016. Dans un rapport établi le 20 février 2019, suite à une mission d'expertise diligentée par ordonnance de la cour administrative d'appel de Lyon, le Dr Rigal a considéré que la consolidation de la maladie 57 A de Mme E... pouvait être regardée comme acquise à compter du 31 mai 2016. Mme E... a également produit un rapport du Dr Bourdin du 16 février 2019 qui conclut à une absence de consolidation. Ce rapport concerne toutefois une seconde pathologie développée par Mme E... à partir de juillet 2017 et reconnue en maladie professionnelle 57 C. Le Dr Bourdin déclare au sujet de la maladie 57 A, seule en cause dans les décisions litigieuses, qu'elle est " consolidée le 14 juin 2016 ". S'il est vrai, enfin, que par un avis du 15 février 2018, la commission de réforme a proposé comme date de consolidation le 15 février 2018, cette conclusion qui contredit le rapport du Dr Morrone, établi quelques semaines auparavant, est livrée sans explication et sans qu'il soit fait état d'un autre rapport médical ou d'informations particulières. Mme E... ne produit pas d'autres éléments permettant d'établir que, contrairement aux conclusions des docteurs Morrone, Rigal et Bourdin, sa maladie 57 A, dont elle n'était certes pas guérie à la date de la décision attaquée, a continué d'évoluer après le 14 juin 2016. Dans ces conditions, le centre hospitalier spécialisé de l'Yonne est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon a retenu le moyen tiré de l'erreur d'appréciation pour annuler sa décision du 26 août 2016 fixant la date de consolidation de la maladie 57 A au 14 juin 2016.

7. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les parties tant devant le tribunal administratif de Dijon que devant la cour.

8. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent.

A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; ". L'article L. 211-5 du même code dispose : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " Il ressort de la décision litigieuse que celle-ci ne comporte aucune considération de fait. Si elle vise l'avis de la commission de réforme du 25 août 2016, elle n'en mentionne pas le sens, ni ne déclare s'en approprier les motifs et il ne ressort pas des pièces du dossier que cet avis ait été transmis avec la décision. Par suite, Mme E... est fondée à soutenir que la décision litigieuse est entachée d'un défaut de motivation et à en demander, pour ce motif, l'annulation.

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'ensemble des autres moyens de la demande de première instance, que le centre hospitalier spécialisé de l'Yonne n'est pas fondé à se plaindre de l'annulation de la décision du 26 août 2016 par laquelle il a fixé la date de consolidation de l'état de santé de Mme E... au 14 juin 2016.

Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative faisant obstacle à ce que soit mise à charge de Mme E..., qui n'est pas la partie perdante, une somme à ce titre, les conclusions du centre hospitalier spécialisé de l'Yonne en ce sens doivent être rejetées.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge du centre hospitalier spécialisé de l'Yonne une somme de 1 500 euros qu'il paiera à Mme E..., au titre des frais non compris dans les dépens que cette dernière a exposés.

DECIDE :

Article 1er : La requête du centre hospitalier spécialisé de l'Yonne est rejetée.

Article 2 : Le centre hospitalier spécialisé de l'Yonne versera une somme de 1 500 euros à Mme E... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier spécialisé de l'Yonne et à Mme B... E....

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme D... A..., présidente de chambre,

Mme H..., présidente-assesseure,

M. Pierre Thierry, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 janvier 2020.

No 18LY003592


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY00359
Date de la décision : 15/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-10 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Garanties et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Pierre THIERRY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : DSC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-01-15;18ly00359 ?
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