Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. E... F... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 4 juin 2018 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination.
Par un jugement n° 1804906 du 20 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 février et le 5 décembre 2019, M. F..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 novembre 2018 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler les décisions du 4 juin 2018 du préfet du Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour pluriannuelle " membre de la famille d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire ", à titre subsidiaire, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte journalière de 100 euros ou, à titre infiniment subsidiaire, de réexaminer, sous les mêmes conditions d'astreinte, sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'ancienneté et la stabilité de la communauté de vie n'était pas établie ;
Sur la décision de refus de titre de séjour :
- cette décision est insuffisamment motivée et révèle un défaut d'examen particulier de sa situation au regard de sa vie privée et familiale ;
- le préfet a méconnu le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale ;
- le préfet a méconnu les stipulations l'article 3-1 et de l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet a méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu l'article 24 de la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 qui prévoit la délivrance d'un titre de séjour aux membres de la famille des bénéficiaires de la protection subsidiaire et qui, n'étant pas transposé en droit interne, est directement applicable ;
- les dispositions nationales des articles L. 313-13 2° et L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont entachées d'inconventionnalité au regard des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision d'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle révèle un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3-1 et de l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle révèle un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision faisant obligation de quitter le territoire français ;
- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3-1 et de l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée le 6 mars 2019 au préfet du Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
Par une décision du 9 janvier 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon a constaté la caducité de la demande présentée par M. F....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme H..., présidente-assesseure,
- et les observations de Me B..., représentant M. F... ;
Une note en délibéré présentée pour M. F... a été enregistrée le 17 décembre 2019 ;
Considérant ce qui suit :
1. M. F..., ressortissant kosovar, qui déclare être entré en France le 2 décembre 2011, relève appel du jugement du 20 novembre 2018 du tribunal administratif de Lyon qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 4 juin 2018 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs, mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. F... et Mme D..., sa compagne, ressortissante kosovar titulaire d'une carte temporaire de séjour vie privée et familiale, sont parents d'un enfant né le 1er avril 2016 et attendaient un deuxième enfant à naître à la date de l'arrêté litigieux. La vie commune en France de M. F... et Mme D... est attestée, depuis octobre 2014, par les nouvelles pièces produites en appel. Dans les circonstances particulières de l'espèce, l'exécution de l'arrêté litigieux aurait pour effet de priver durablement l'enfant de M. F... de la présence de son père, en l'absence de possibilité de poursuite de la vie familiale dans le pays d'origine du couple, au Kosovo, Mme D... bénéficiant, à la date de l'arrêté litigieux, de la protection subsidiaire depuis la décision de la cour nationale du droit d'asile du 5 juillet 2016. Par suite, M. F... est fondé à soutenir que l'arrêté litigieux méconnaît les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
4. Il résulte de ce qui précède que M. F... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation les décisions du 4 juin 2018 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.
Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
6. Aux termes de l'article L. 313-25 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " Une carte de séjour pluriannuelle d'une durée maximale de quatre ans est délivrée, dès sa première admission au séjour : 1° A l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire en application de l'article L. 712-1 ; 2° A son conjoint, son partenaire avec lequel il est lié par une union civile ou son concubin, s'il a été autorisé à séjourner en France au titre de la réunification familiale dans les conditions prévues à l'article L. 752-1 ; 3° A son conjoint ou au partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est postérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile, à condition que le mariage ou l'union civile ait été célébré depuis au moins un an et sous réserve d'une communauté de vie effective entre époux ou partenaires ".
7. Le juge de l'exécution par voie d'injonction est un juge de plein contentieux qui prend en considération les circonstances de fait existant à la date à laquelle il statue. Si à la date du présent arrêt, M. F... est le conjoint de Mme D... depuis le 1er juin 2019, il ne ressort pas de l'instruction, ni n'est soutenu que les époux étaient liés auparavant par une union civile ancienne de plus d'un an. Dans ces circonstances, le mariage ayant été célébré depuis moins d'un an, M. F... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-25 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il ne remplit pas les conditions, pour obtenir la délivrance d'une carte pluriannuelle. Le présent arrêt implique cependant que le préfet du Rhône délivre à M. F..., une carte de séjour mention " vie privée et familiale ". Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de prescrire au préfet l'exécution de cette mesure dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à M. F... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1804906 du tribunal administratif de Lyon du 20 novembre 2018 et l'arrêté du préfet du Rhône du 4 juin 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à M. F..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Article 3 : L'Etat versera à M. F... une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... F..., au préfet du Rhône et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2019, à laquelle siégeaient :
Mme I..., présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
M. Pierre Thierry, premier conseiller,
Mme C... G..., première conseillère.
Lu en audience publique le 9 janvier 2020.
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N° 19LY00562