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19/12/2019 | FRANCE | N°18LY01750

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 19 décembre 2019, 18LY01750


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... D..., a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 29 avril 2016 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par l'association Le Bon Repos, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 23 septembre 2015 refusant son licenciement, et a autorisé ce dernier.

Par jugement n° 1605131 du 20 mars 2018, le tribunal administratif de Lyon a r

ejeté la requête de Mme D....

Procédure devant la cour

Par une requête enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... D..., a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 29 avril 2016 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par l'association Le Bon Repos, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 23 septembre 2015 refusant son licenciement, et a autorisé ce dernier.

Par jugement n° 1605131 du 20 mars 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la requête de Mme D....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 15 mai 2018, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 mars 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 29 avril 2016 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspecteur du travail refusant son licenciement et a autorisé ce dernier ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation quant à la matérialité et à la gravité des fautes reprochées et quant à l'absence de lien entre l'autorisation de licenciement en litige et son mandat ;

- la décision de retrait du ministre du travail ne respecte par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 en l'absence de communication des éléments sur lesquels le ministre entendait prendre sa décision.

Par un mémoire enregistré le 5 février 2019, l'association Le Bon Repos, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête de Mme D... et demande que soit mise à la charge de la requérante une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 17 octobre 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête de Mme D... en soutenant que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,

- les observations de Me A..., pour Mme D... ;

Considérant ce qui suit :

1. L'association Le Bon Repos, qui gère l'établissement d'hébergement pour personnes âgée dépendantes (EHPAD) Seillon Repos situé à Péronnas (Ain) a saisi l'inspecteur du travail le 24 juillet 2015 d'une demande d'autorisation de licencier pour faute Mme D... employée en qualité d'aide-soignante et investie du mandat de délégué du personnel. Par décision du 23 septembre 2015, l'inspecteur du travail a refusé de faire droit à cette demande. La ministre du travail, saisie d'un recours hiérarchique de l'employeur, a, par décision du 29 avril 2016, d'une part, retiré la décision implicite de rejet de ce recours hiérarchique, d'autre part, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 23 septembre 2015 et, enfin, autorisé le licenciement de Mme D.... Cette dernière relève appel du jugement du 20 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de la décision précitée du 29 avril 2016.

2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, aujourd'hui codifiées aux articles L. 121-1, L. 122-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 (...) n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative compétente pour adopter une décision individuelle entrant dans leur champ de mettre elle-même la personne intéressée en mesure de présenter des observations. Il en va de même, à l'égard du bénéficiaire d'une décision, lorsque l'administration est saisie par un tiers d'un recours gracieux ou hiérarchique contre cette décision. Ainsi, le ministre chargé du travail, saisi sur le fondement des dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail, d'un recours contre une décision autorisant ou refusant d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé, doit mettre le tiers au profit duquel la décision contestée a créé des droits - à savoir, respectivement, l'employeur ou le salarié protégé - à même de présenter ses observations, notamment par la communication de l'ensemble des éléments sur lesquels le ministre entend fonder sa décision.

3. Il ressort des pièces du dossier notamment du courrier du 7 avril 2016, par lequel le ministre du travail a informé Mme D... de ce qu'il n'excluait pas de procéder au retrait de sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique présenté par son employeur, que la copie du recours hiérarchique précité a été communiquée à l'intéressée. Par ailleurs, le rapport établi le 3 mars 2016 dans le cadre de l'instruction de ce recours hiérarchique précise que l'agent qui a organisé la contre-enquête le 19 février 2016 a communiqué à Mme D... " préalablement copie du recours hiérarchique introduite par Mme F... B..., présidente de l'association Le Bon Repos, avec toutes les pièces jointes " avant d'indiquer que le fait d'avoir mis des doubles protections à certains résidents est fautif dès lors qu'" il est établi que la mise en place de doubles protections nuit à l'efficacité des matelas à réduction de pression (matelas à air) dont sont équipés les résidents le nécessitant, ainsi qu'en atteste le médecin coordinateur de la résidence dans son courrier du 15 octobre 2015 ". Dans ces circonstances, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire au motif que Mme D... n'aurait pas eu connaissance du courrier du médecin coordinateur précité joint au recours hiérarchique de son employeur ne peut être accueilli.

4. En deuxième lieu, en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

5. Il ressort des pièces du dossier, que suite à des difficultés rencontrées par Mme D... avec ses collègues lors de l'exercice de ses fonctions, le directeur de l'établissement et la cadre de santé ont procédé, la nuit du 12 au 13 juillet 2015 à 3 h 30 à une visite de contrôle, au cours de laquelle, selon le compte rendu de visite produit dans le cadre de la procédure de licenciement, Mme D..., qui n'a pas entendu l'appel du directeur et les visites effectuées par les membres de l'équipe encadrante auprès de plusieurs résidents de l'établissement, a été découverte endormie lors de son service. En se bornant à soutenir qu'elle n'était pas profondément endormie, Mme D..., qui n'apporte aucun élément tendant à remettre en cause le compte rendu de visite précité ni l'attestation de sa collègue présente sur les lieux, n'est pas fondée à soutenir que le manquement ainsi reproché à ses obligations professionnelles n'est pas démontré. Par ailleurs, ce même compte rendu de visite, rédigé par la cadre de santé, ainsi que l'attestation circonstanciée de sa collègue, démontrent que la même nuit du 12 au 13 juillet 2015, Mme D... a débranché les sonnettes de plusieurs résidents afin d'empêcher leur fonctionnement et a procédé à la mise en place sur neuf résidents d'une double protection afin de s'épargner des soins au cours de son service. Mme D..., qui n'apporte aucune justification à cette pratique constatée par la cadre de santé lors de la visite du 13 juillet 2015, ne peut utilement invoquer les usages de l'établissement alors que le médecin coordinateur atteste l'avoir contrindiqué.

6. Eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce et plus particulièrement à la nature des faits reprochés à Mme D... et aux fonctions qu'elle exerçait, les faits précités sont d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement.

7. En dernier lieu, le lien avec le mandat n'est pas établi.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué du 20 mars 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Les conclusions de sa requête tendant aux mêmes fins doivent être rejetées.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'association Le Bon Repos sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'association Le Bon Repos tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D..., à l'association Le Bon Repos et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 décembre 2019.

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Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Licenciement pour faute.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Licenciement pour faute - Existence d'une faute d'une gravité suffisante.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : JOURDA

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 19/12/2019
Date de l'import : 07/01/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18LY01750
Numéro NOR : CETATEXT000039666476 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-12-19;18ly01750 ?
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