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19/12/2019 | FRANCE | N°18LY01489

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 19 décembre 2019, 18LY01489


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 1er octobre 2015 par laquelle la ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 3 février 2015 portant refus d'autorisation de licenciement pour motif disciplinaire et a estimé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande d'autorisation de licenciement de la SAS Toupargel.

Par jugement n° 1607178 du 20 mars 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision de la ministre du trava

il du 1er octobre 2015.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 1er octobre 2015 par laquelle la ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 3 février 2015 portant refus d'autorisation de licenciement pour motif disciplinaire et a estimé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande d'autorisation de licenciement de la SAS Toupargel.

Par jugement n° 1607178 du 20 mars 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision de la ministre du travail du 1er octobre 2015.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 19 avril 2018 et des mémoires enregistrés les 30 août 2018 et 22 octobre 2019, les administrateurs et mandataires judiciaires de la SAS Toupargel, elle-même représentée par Me E..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 mars 2018 ;

2°) de rejeter la requête de M. F... dirigée contre la décision du ministre en date du 1er octobre 2015 ;

3°) de mettre à la charge de M. F... le versement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et aux dépens.

Elle soutient que :

- M. F... ne bénéficiait plus d'aucune protection liée à un mandat du personnel lorsque le ministre a rendu sa décision ; compte tenu de l'absence de protection, la ministre était devenue incompétente dans le temps de la procédure, à statuer sur l'autorisation de licenciement de M. F... ;

- les faits reprochés à M. F... sont établis et suffisants pour justifier un licenciement ; les clés du véhicule de service attribuées au chef de groupe ne sont pas accessibles aux autres salariés ;

- M. F... ne respecte pas de manière récurrente les procédures internes et n'a fourni au cours du mois de septembre 2014 aucune activité commerciale alors qu'il était personnellement chargé de prospecter.

Par un mémoire enregistré le 1er août 2018, M. D... F..., représenté par Me G..., conclut au rejet de la requête de la SAS Toupargel et à ce que soit mise à la charge de cette dernière le versement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la perte de la qualité de salarié protégé est postérieure à l'engagement de la procédure de demande d'autorisation de licenciement et pour laquelle l'inspecteur du travail a refusé de donner son autorisation par décision du 3 février 2015 ;

- si l'utilisation d'un véhicule de la société entre le vendredi 12 septembre 2014 et le lundi 15 septembre 2015 au matin est démontrée, la société ne démontre pas que les faits reprochés ont été réalisés par M. F....

Par un mémoire enregistré le 10 octobre 2019, la ministre du travail conclut à l'annulation du jugement attaqué.

Il soutient que la décision du 1er octobre 2015 n'est pas entachée d'erreur d'appréciation dès lors que les faits d'utilisation d'un véhicule de la SAS Toupargel sont établis et que l'utilisation de ce véhicule par M. F... est démontrée.

Par ordonnance du 14 octobre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,

- les observations de Me A..., substituant Me E... pour la SAS Toupargel, ainsi que celles de Me C... substituant Me G..., pour M. F... ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Toupargel, société spécialisée dans la vente à distance de produits alimentaires surgelés, a saisi l'inspecteur du travail le 1er décembre 2014 d'une demande d'autorisation de licenciement, pour motif disciplinaire, de M. F..., recruté en 2008 en qualité de " chef de groupe prospecteur " et titulaire d'un mandat de délégué du personnel suppléant jusqu'en mars 2015. Par une décision du 3 février 2015, l'inspecteur du travail a refusé d'accorder cette autorisation. La ministre du travail, saisie d'un recours hiérarchique de l'employeur, a, par décision du 1er octobre 2015, retiré sa décision implicite de rejet de ce recours hiérarchique née le 8 août 2015, annulé la décision du 3 février 2015 de l'inspecteur du travail portant refus d'autorisation de licenciement et a enfin estimé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur cette demande d'autorisation au motif que M. F... avait perdu toute protection. La SAS Toupargel relève appel du jugement du 20 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du ministre du travail du 1er octobre 2015.

2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. Enfin, aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail : " En cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier (...) le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié ".

3. Lorsqu'il est saisi d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, le ministre compétent doit, soit confirmer cette décision, soit, si celle-ci est illégale, l'annuler, puis se prononcer de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il prend sa propre décision. Or, pour annuler la décision de l'inspecteur du travail portant refus d'autorisation de licenciement, la ministre du travail a estimé que l'utilisation par M. F... du véhicule de la SAS Toupargel du vendredi 12 septembre 2014 au soir au lundi 15 septembre suivant à des fins personnelles était matériellement établie et que ce seul grief était d'une gravité suffisante pour justifier une mesure de licenciement.

4. Il ressort des pièces du dossier et notamment du suivi des déplacements via la " page de garde de l'envoi journalier ", qui permet de déterminer le kilométrage réalisé sur ce véhicule, que du vendredi soir 12 septembre 2014 au lundi 15 septembre un écart évalué à 824 kilomètres par rapport à l'utilisation de ce véhicule dans le cadre de la prospection de clients a été relevé, démontrant ainsi une utilisation personnelle par un salarié durant le week-end, laquelle est également établie par l'acquisition de carburant les vendredi et lundi précités.

5. Toutefois, la circonstance que M. F... a été sanctionné en 2012 pour des faits similaires, qu'il avait reconnus, ainsi que la seule attestation du responsable de l'agence livraison indiquant avoir reconnu en fin d'après-midi, le 12 septembre et le lundi 15 septembre à 4h 15 du matin, la présence sur le parking de la société du véhicule personnel de M. F... ne permet pas de considérer que les faits d'utilisation personnelle d'un véhicule de la société lui est imputable, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'un autre salarié a utilisé, ce même véhicule le week-end du 20 et 21 septembre 2014. Eu égard à ces circonstances, un doute subsiste sur l'exactitude matérielle des faits reprochés à M. F.... Il résulte des dispositions précitées que ce doute doit profiter au salarié. Par suite, la ministre a méconnu les dispositions précitées en prononçant l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 3 février 2015.

6. Enfin, la SAS Toupargel ne peut invoquer d'autres motifs pour justifier l'autorisation de licenciement contestée dès lors qu'une substitution de motifs ne peut être demandée au juge de l'excès de pouvoir que par l'auteur de la décision attaquée.

7. Il résulte de ce qui précède que la SAS Tourpagel n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision de la ministre du travail du 1er octobre 2015, alors, au surplus que la ministre en charge du travail ne pouvait se déclarer incompétente pour se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement de M. F... dont il était saisi dès lors que l'intéressé, s'il n'a pas été réélu aux élections de délégués du personnel qui se sont déroulées au mois de mars 2015, bénéficiait au 21 octobre 2014, date de l'envoi de sa convocation à l'entretien préalable au licenciement, de la protection attachée à son mandat.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. F..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées par M. F... sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Toupargel est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. F... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Toupargel, à la SELARL AJ UP et Me B... en qualité d'administrateurs judiciaires et la SELARL Alliance MJ et la SELARL MJ Synergie en qualité de mandataires judiciaires, à M. D... F... et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 décembre 2019.

N° 18LY01489

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01489
Date de la décision : 19/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : SCP REVEL et MAHUSSIER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-12-19;18ly01489 ?
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