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17/12/2019 | FRANCE | N°19LY02924

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 17 décembre 2019, 19LY02924


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... G... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 10 avril 2019 par lequel le préfet de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1903130 du 8 juillet 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du 10 avril 2019 par lesquelles le préfet de l'Ain a fait obligation à M.

G... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... G... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 10 avril 2019 par lequel le préfet de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1903130 du 8 juillet 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du 10 avril 2019 par lesquelles le préfet de l'Ain a fait obligation à M. G... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Procédure devant la cour

I. Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2019, sous le n° 19LY02924, et un mémoire enregistré le 18 octobre 2019, le préfet de l'Ain demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble du 8 juillet 2019 ;

2°) de rejeter la requête de M. G....

Le préfet de l'Ain soutient que :

- le jugement du tribunal administratif de Lyon est irrégulier, dès lors que le tribunal a fait droit à une requête manifestement irrecevable, puisqu'elle méconnaît les obligations prévues par l'article R. 414-3 du code de justice administrative, qu'elle est dirigée contre une décision inexistante et que le tribunal a méconnu l'autorité de la chose jugée résultant du jugement du même tribunal du 2 avril 2019 ;

- c'est à tort que le premier juge s'est fondé sur le motif tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entaché l'arrêté attaqué au regard de la situation personnelle de l'intéressé ;

- les autres moyens soulevés en première instance doivent être écartés.

Par un mémoire, enregistré le 14 octobre 2019, M. C... G..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête, à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Ain du 10 avril 2019 en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français, à ce qu'il soit enjoint au préfet de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. G... soutient que :

- les moyens soulevés par le préfet de l'Ain ne sont pas fondés ;

- la demande de première instance était recevable ;

- il reprend les moyens qu'il a développés en première instance.

II. Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2019 sous le n° 19LY02925, le préfet de l'Ain demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 1903130 du 8 juillet 2019 du tribunal administratif de Lyon.

Le préfet de l'Ain soutient que la requête de première instance était irrecevable et qu'il a développé des moyens sérieux au soutien de sa requête d'appel.

Par un mémoire, enregistré le 14 octobre 2019, M. C... G..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête.

M. G... soutient que :

- les moyens soulevés par le préfet de l'Ain ne sont pas fondés ;

- la demande de première instance était recevable.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... D..., présidente-assesseure,

- et les observations de Me A..., représentant M. G... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. G..., ressortissant togolais né le 10 mai 1982, est entré en France en dernier lieu à la fin de l'année 2017, selon ses déclarations. Il a été placé en garde à vue le 26 mars 2019 après avoir présenté, pour justifier son identité, un titre de séjour établi au nom de M. H.... Par un premier arrêté du 27 mars 2019, le préfet de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a assorti la mesure d'éloignement d'une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de six mois. Par un jugement du 2 avril 2019, devenu définitif, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté en tant qu'il prive l'intéressé du délai de départ volontaire et qu'il prononce une interdiction de retour sur le territoire français de six mois et a rejeté le surplus de ses conclusions. Par un second arrêté du 10 avril 2019, le préfet de l'Ain a fait obligation à M. G... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 8 juillet 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions contenues dans cet arrêté par lesquelles le préfet a fait obligation à M. G... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, au motif que ces décisions étaient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur la situation personnelle de M. G..., ce dernier s'étant marié le 8 juin 2019 avec une ressortissante française et a enjoint au préfet de l'Ain de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois. Par les requêtes susvisées, le préfet de l'Ain relève appel de ce jugement et demande qu'il soit sursis à son exécution.

2. Les requêtes présentées par le préfet de l'Ain enregistrées respectivement sous le n° 19LY02924 et le n° 19LY02925 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

3. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, le 10 avril 2019, la communauté de vie entre M. G... et Mme E..., établie, selon les pièces produites, et, notamment, l'attestation de Mme E... elle-même, à compter du mois de mai 2018, et qui a donné lieu à la conclusion d'un pacte civil de solidarité conclu entre les intéressés à cette même date, présentait un caractère récent. Par ailleurs, M. G..., qui ne démontre pas l'existence de liens intenses, stables et anciens en France, ne conteste pas disposer d'attaches privées et familiales au Togo, son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-trois ans et où résident plusieurs de ses frères et soeurs. Enfin, si M. G... se prévaut de l'exercice d'une activité professionnelle en France, il ressort des pièces du dossier que cette activité, en qualité de plongeur dans un restaurant, a présenté un caractère très bref et a d'ailleurs été effectuée de façon frauduleuse, sous couvert d'un titre de séjour délivré à un tiers. Dans ces conditions, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'était entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé. Par suite, c'est à tort que le tribunal a retenu ce motif pour annuler cette décision, et par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. G... tant devant le tribunal administratif de Lyon que devant la cour.

5. En premier lieu, l'arrêté attaqué, qui comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, est, par suite, suffisamment motivé, alors même qu'il ne fait pas état du rendez-vous en préfecture, obtenu par M. G... le 8 avril 2019, en vue de déposer un dossier de demande de titre de séjour le 10 mai suivant.

6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Ainsi qu'il a été dit au point 3, M. G... n'établit pas le caractère intense et stable de la communauté de vie établie avec Mme E.... Il ne réside en France que depuis la fin de l'année 2017. Il n'est pas dépourvu de toute attache privée et familiale au Togo, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-trois ans et où résident plusieurs de ses frères et soeurs. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la brève durée et aux conditions de séjour de l'intéressé en France, le préfet, en adoptant la décision attaquée, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel cette décision a été prise. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que le préfet de l'Ain est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du 10 avril 2019 par lesquelles il a fait obligation à M. G... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

9. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête du préfet de l'Ain tendant à l'annulation du jugement du 8 juillet 2019, les conclusions de sa requête n° 19LY02925 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1903130 du tribunal administratif de Lyon du 8 juillet 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. G... devant le tribunal administratif de Lyon et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 19LY02925.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... G.... Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme D..., présidente-assesseure,

Mme F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 17 décembre 2019.

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Nos 19LY02924 - 19LY02925

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02924
Date de la décision : 17/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : ILIC

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-12-17;19ly02924 ?
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