Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. H... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :
1°) de condamner la commune de Grenoble à l'indemniser de l'ensemble des préjudices causés par son éviction illégale en lui versant la somme de 111 133 euros ;
2°) d'enjoindre au maire de Grenoble de reconstituer l'intégralité de ses droits à retraite pour la période litigieuse à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1502350 du 10 octobre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune de Grenoble à verser à M. H... la somme de 8 037 euros, outre 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 11 décembre 2017, M. H..., représenté par Me Germain-Phion (SCP Laure Germain-Phion), avocat, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 octobre 2017 ;
2°) de condamner la commune de Grenoble à lui verser la somme de 90 402,71 euros en réparation des préjudices causés par son éviction illégale ;
3°) de condamner la commune de Grenoble à régulariser ses droits à pension de retraite, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Grenoble une somme de 16 223,60 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'indemnité octroyée au titre du préjudice financier doit être réévaluée à 60 402,71 euros ;
- l'indemnité correspondant au montant des traitements non perçus doit s'étendre jusqu'à l'âge limite d'activité ;
- 357,43 euros doivent être réintégrés à sa rémunération nette mensuelle au titre des cotisations versées à des complémentaires santé, au lieu des 347 euros retenus à tort par le tribunal ;
- les périodes de congés pour maladie ordinaire ne doivent pas être exclues de l'évaluation de ce préjudice, dès lors que ces arrêts étaient en lien avec son licenciement ;
- les indemnités journalières et l'aide au retour à l'emploi reçues doivent être déduites à hauteur de leur monteur net, après déduction de la CSG et de la CRDS, soit 48 070,35 euros, et non à 63 455,28 euros comme retenu à tort par le tribunal ;
- sa demande de régularisation de ses droits à pension de retraite n'est pas sans lien avec ses conclusions principales, en participant à la reconstitution de sa carrière et à l'indemnisation du préjudice financier subi ;
- le préjudice moral qu'il a subi doit être réévalué à 30 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 juillet 2018, la commune de Grenoble, représentée par Me E... (B... conseil affaires publiques), avocat, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. H... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 10 octobre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 3 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G..., première conseillère ;
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;
- les observations de Me Millet, avocat, représentant la commune de Grenoble ;
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 30 mai 2013, le tribunal administratif de Grenoble a annulé le licenciement pour insuffisance professionnelle prononcé par la commune de Grenoble le 10 janvier 2011 à l'encontre de M. H..., jusqu'alors agent en contrat à durée indéterminée depuis 2005. M. H... a demandé réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis en conséquence de cette éviction illégale. Le tribunal administratif de Grenoble a partiellement fait droit à sa demande, à hauteur de 8 037 euros, par un jugement du 10 octobre 2017, dont M. H... relève appel.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les demandes indemnitaires :
2. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte des rémunérations ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations nettes et les revenus de remplacement, telles que les allocations pour perte d'emploi ou les indemnités journalières, qu'il a perçues au cours de la période d'éviction.
3. Lorsqu'un agent public irrégulièrement évincé a été admis à la retraite, l'obligation de reconstitution juridique de sa carrière qui découle de l'annulation par le juge administratif de la décision de licenciement prend nécessairement fin à compter de la date de son départ en retraite. De même, l'admission à la retraite, quelles que soient les circonstances dans lesquelles elle est intervenue, fait obstacle à ce que l'exécution de la décision juridictionnelle implique la réintégration effective de l'intéressé dans son emploi ou dans un emploi équivalent. Il appartient seulement à l'agent irrégulièrement évincé de demander, le cas échéant, la réparation du préjudice qu'ont pu entrainer sa mise à la retraite et la liquidation anticipée de sa pension, lorsque celle-ci est la conséquence du licenciement illégal.
4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. H... a été admis à la retraite à compter du 1er juillet 2013, à l'âge de soixante-quatre ans. S'il expose qu'il avait pour projet de poursuivre son activité professionnelle jusqu'à l'âge de soixante-cinq ans afin de bénéficier d'une pension à taux plein, il n'établit nullement, en se bornant à invoquer son attachement à son métier et en l'absence notamment de tout élément tendant à démontrer qu'il aurait entrepris des recherches d'emploi demeurées infructueuses, qu'il n'aurait pu poursuivre son activité auprès d'un autre employeur ni, par suite, que son départ anticipé à la retraite aurait été la conséquence directe du licenciement dont il a fait l'objet en 2011. Dans ces conditions, les premiers juges ont, à juste titre, limité l'indemnité octroyée au titre de la perte de traitements à la période courant du 1er mai 2011 au 30 juin 2013.
5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que M. H... s'acquittait, au titre de régimes complémentaires santé et prévoyance, de cotisations mensuelles s'élevant à 223,44 euros s'agissant du contrat Prefon et à 85,14 euros s'agissant de la complémentaire santé Matgi. En revanche, il ressort des fiches de paie produites, en particulier de celles de février à avril 2011 que les cotisations versées au titre du contrat prévoyance Matgi pouvaient être d'un montant mensuel inférieur aux 48,58 euros invoqués par l'appelant. Dans ces conditions, il n'est pas établi que les premiers juges auraient sous-évalué ces cotisations en les réintégrant au traitement net mensuel que percevait M. H... avant son licenciement pour un montant de 347 euros.
6. En troisième lieu, il est constant que M. H... a, postérieurement à son licenciement, été placé en congés pour maladie ordinaire, du 1er mai 2011 au 29 janvier 2012. Il ne résulte pas de l'instruction, notamment des certificats médicaux produits, peu circonstanciés et pour beaucoup étrangers à cet arrêt, que celui-ci, qui n'a pas été requalifié en maladie professionnelle, était directement lié au licenciement intervenu six mois auparavant. En conséquence, M. H... n'est pas fondé à soutenir que, liée à son licenciement, cette période d'arrêt aurait dû être retenue, dans sa totalité, au titre de la perte de traitements.
7. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été indiqué au point 2, l'indemnité allouée à M. H... au titre de la perte de traitements est égale à la différence entre, d'une part, ce traitement reconstitué net des contributions sociales calculées à la date du versement de l'indemnité et, d'autre part, les indemnités journalières et les allocations d'aide au retour à l'emploi perçues pendant la même période, prises après déduction des contributions sociales auxquelles elles ont été soumises. Il résulte de l'instruction, en particulier des attestations de paiement établies par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère, qu'au titre de la CSG et de la CRDS, les indemnités journalières perçues ont été soumises, ainsi que le soutient l'appelant, à un taux de prélèvement de 6,7 %. Dès lors, M. H... est fondé à soutenir que seuls 12 122,54 euros devaient être déduits de son traitement reconstitué au titre des indemnités journalières perçues. S'agissant des allocations de retour à l'emploi, il résulte des attestations établies par Pôle emploi que M. H... a perçu, du 7 février 2012 au 30 juin 2013, 145 indemnités journalières d'un montant brut de 99,60 euros, soit 88,18 euros net, puis 365 indemnités journalières d'un montant brut de 101,59 euros, soit 89,94 euros net. Les indemnités ainsi perçues s'élèvent dès lors à 45 614,87 euros net. Toutefois, M. H... demande seulement le retranchement de la CSG et de la CRDS des indemnités ainsi perçues, qu'il chiffre à 48 070,35 euros. Ainsi, M. H... est fondé à soutenir que seuls 60 192,89 euros devaient être retranchés de son traitement reconstitué au titre des indemnités qu'il a perçues.
8. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que les juges de première instance auraient sous-estimé le préjudice moral subi par M. H... en lui accordant à ce titre la somme de 6 000 euros.
En ce qui concerne la demande de régularisation, sous astreinte, de ses droits à pension de retraite :
9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ". Son article L. 911-2 prévoit également : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. (...) ". En sollicitant la condamnation de la commune de Grenoble à régulariser ses droits à pension de retraite, sous astreinte, M. H... doit être regardé comme ayant entendu demander à la cour d'enjoindre à l'administration de procéder à cette régularisation. Toutefois, le présent arrêt, qui statue seulement sur la réalité et le montant des chefs de préjudice invoqués par l'intéressé, n'implique aucune mesure d'exécution, au sens des article L. 911-1 et L. 911 2 du code de justice administrative. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. H... est seulement fondé à demander que l'indemnité, que le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune de Grenoble à lui verser, soit portée à la somme de 11 299,39 euros.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. H..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Grenoble demande au titre des frais non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 200 euros à verser à M. H... en application de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 8 037 euros que la commune de Grenoble a été condamnée à verser à M. H... par le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 octobre 2017 est portée à 11 299,39 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 octobre 2017 est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 3 : La commune de Grenoble versera à M. H... la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. H... est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la commune de Grenoble tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... H... et à la commune de Grenoble.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2019 , à laquelle siégeaient :
Mme D... A..., présidente de chambre,
Mme I..., présidente-assesseure,
Mme C... G..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 17 décembre 2019.
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N° 17LY04205