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05/12/2019 | FRANCE | N°19LY01046

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 05 décembre 2019, 19LY01046


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler la décision du 2 août 2017 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a suspendu le bénéfice de ses conditions matérielles d'accueil ;

- d'enjoindre au directeur général de l'OFII de reprendre le versement de l'allocation pour demandeur d'asile dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de l

ui verser l'allocation pour demandeur d'asile non perçue depuis le 26 septembre 2016 jusq...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler la décision du 2 août 2017 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a suspendu le bénéfice de ses conditions matérielles d'accueil ;

- d'enjoindre au directeur général de l'OFII de reprendre le versement de l'allocation pour demandeur d'asile dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de lui verser l'allocation pour demandeur d'asile non perçue depuis le 26 septembre 2016 jusqu'à l'intervention du jugement, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte.

Par un jugement n° 1709112 du 4 décembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 mars 2019, M. A..., représenté par Me B..., avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 4 décembre 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;

3°) de prononcer l'injonction demandée ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a relevé à tort qu'il avait eu un comportement de fuite à compter du 24 mars 2017, alors qu'il n'a reçu aucune convocation ni aucun courrier de la préfecture ;

- l'OFII n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ;

- si l'OFII relève qu'il aurait été absent aux rendez-vous des 7 et 24 mars 2017, la préfecture ne l'a pas considéré comme étant en fuite ; à ces dates, la décision n'était ni définitive ni exécutoire, et le délai de transfert de six mois n'avait pas encore commencé à courir ; il avait bien informé la préfecture de ces deux absences par courrier du 7 mars 2017 et courrier recommandé du 29 mars 2017 ; l'OFII était informé de ce qu'il n'était pas été considéré comme en fuite puisqu'était jointe aux pièces de l'OFII l'attestation de demande d'asile en procédure normale enregistrée par la préfecture le 9 février 2018 et que l'allocation de demandeur d'asile a recommencé à lui être versée à compter du 23 mars 2018.

Par un mémoire enregistré le 4 novembre 2019, l'OFII, représenté par Me De Froment, avocat, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur,

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,

- les observations de Me B..., avocate de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant soudanais né 1er janvier 1990, a sollicité l'asile auprès de la préfecture du Rhône qui l'a placé en procédure " Dublin " à compter du 27 septembre 2016. Les services préfectoraux ont saisi les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge le 18 novembre 2016. Un accord implicite est intervenu le 18 janvier 2017 et, par une décision du 24 février 2017, le préfet de l'Ardèche a ordonné son transfert aux autorités italiennes. Le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision par un jugement du 31 mars 2017. Le 2 août 2017, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a suspendu le bénéfice de ses conditions matérielles d'accueil au motif que l'intéressé n'avait pas respecté l'obligation de se présenter à l'autorité préfectorale. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 2 août 2017.

2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Le transfert du demandeur (...) de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue (...) au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée (...) 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant (...) ". Et aux termes de l'article L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les articles L. 551-1 et L. 561-2 sont applicables à l'étranger faisant l'objet d'une décision de transfert dès la notification de cette décision. La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi. "

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 744-1 du même code : " Les conditions matérielles d'accueil du demandeur d'asile (...) sont proposées à chaque demandeur d'asile par l'Office français de l'immigration et de l'intégration après l'enregistrement de la demande d'asile (...) Les conditions matérielles d'accueil comprennent les prestations et l'allocation prévues au présent chapitre (...) ". Aux termes de l'article L. 744-8 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être : 1° Suspendu si, sans motif légitime, le demandeur d'asile a abandonné son lieu d'hébergement (...), n'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités, n'a pas répondu aux demandes d'information ou ne s'est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile (...) ". Et aux termes de l'article D. 744-35 de ce code : " Le versement de l'allocation peut être suspendu lorsqu'un bénéficiaire : (...) 2° Sans motif légitime, n'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités, n'a pas répondu aux demandes d'information ou ne s'est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile (...) ".

4. Enfin, aux termes de l'article L. 744-9 dudit code : " Le demandeur d'asile qui a accepté les conditions matérielles d'accueil proposées en application de l'article L. 744-1 bénéficie d'une allocation pour demandeur d'asile (...), dont le versement est ordonné par l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Le versement de l'allocation prend fin au terme du mois au cours duquel le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français dans les conditions prévues aux articles L. 743-1 et L. 743-2 a pris fin ou à la date du transfert effectif vers un autre État si sa demande relève de la compétence de cet État (...) ".

5. Les autorités italiennes ayant donné, le 18 janvier 2017, leur accord tacite à la reprise en charge de M. A..., le délai imparti au préfet pour exécuter son arrêté de transfert expirait, en principe, le 18 juillet 2017. Ce délai a été interrompu, en application des dispositions combinées des articles 29 du règlement du 26 juin 2013 et L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par le recours devant le tribunal administratif de Lyon tendant à l'annulation de cette décision de transfert, pour recommencer à courir à compter de la notification à l'autorité administrative du jugement du tribunal administratif du 31 mars 2017 statuant sur ce recours.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été convoqué par le préfet de l'Ardèche à deux entretiens, le 7 mars 2017 et le 24 mars 2017. Si, à ces dates, son droit aux conditions matérielles d'accueil n'avait pas pris fin, le bénéfice des conditions matérielles d'accueil pouvait toutefois être suspendu, dans les conditions prévues par les dispositions précitées des articles L. 744-8 et D. 744-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. S'agissant de sa convocation par le préfet à un entretien le 7 mars 2017, M. A... produit, pour la première fois en appel, un certificat médical du même jour indiquant que son état de santé ne lui permet pas de se rendre à ce rendez-vous. S'agissant de l'entretien du 24 mars 2017, dans une lettre recommandée du 29 mars 2017, également produite pour la première fois en appel, l'intéressé a indiqué n'avoir reçu la convocation que le 24 mars 2017 en fin de matinée, ce que l'OFII ne conteste pas. Le 2 août 2017, date de la décision par laquelle le directeur général de l'OFII a suspendu le bénéfice de ses conditions matérielles d'accueil, le transfert M. A... aux autorités italiennes n'était pas intervenu. Dès lors, le directeur général de l'OFII ne pouvait pas légalement décider de suspendre le bénéfice des conditions matérielles d'accueil.

8. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. En conséquence, la décision du 2 août 2017 portant suspension du bénéfice des conditions matérielles d'accueil doit être annulée, ensemble le jugement attaqué.

9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. "

10. L'annulation prononcée par le présent arrêt implique nécessairement, compte tenu du motif sur lequel elle repose, que l'OFII verse à M. A... l'allocation pour demandeur d'asile. Il résulte de l'instruction que cette allocation a, en réalité, cessé de lui être versée dès le mois de mai 2017 et ne lui a été de nouveau payée qu'à compter du mois de mars 2018. En conséquence, il y a lieu d'enjoindre à l'OFII de procéder au versement de cette allocation au titre de la période de mai 2017 à février 2018, dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de prononcer d'astreinte.

11. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros au profit de cet avocat au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 4 décembre 2018 et la décision du directeur général de l'OFII du 2 août 2017 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au directeur général de l'OFII de verser à M. A... l'allocation pour demandeur d'asile au titre de la période de mai 2017 à février 2018 dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'OFII versera à Me B... la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette avocate renonce à la part contributive de l'État.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Rémy-Néris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 décembre 2019.

Le rapporteur,

Ph. SeilletLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

S. Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 19LY01046 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01046
Date de la décision : 05/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-06-02


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : PAQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-12-05;19ly01046 ?
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