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05/12/2019 | FRANCE | N°19LY00511

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 05 décembre 2019, 19LY00511


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 27 septembre 2018 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par jugement n° 1806346 du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demand

e.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 février...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 27 septembre 2018 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par jugement n° 1806346 du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 février et 8 mars 2019, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal ainsi que les décisions prises par le préfet de la Drôme le 27 septembre 2018 ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de lui délivrer un titre de séjour et d'effacer son signalement aux fins de non admission du système d'information Schengen, dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt et sous astreinte de 50 euros par jours de retard, subsidiairement, de réexaminer sa situation ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des frais liés au litige.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance du II de l'article L. 511-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile articulé contre le refus de délai de départ volontaire ; le jugement est également entaché d'une insuffisance de motivation ;

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé en droit ;

- il n'a pas été précédé d'un examen de sa situation ;

- il est entaché de vices de procédure résultant des irrégularités de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- il méconnaît l'article L. 311-12 et les 7° et 11° de l'article L. 313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'article L. 313-14 du même code ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention des droits de l'enfant ;

- la mesure d'éloignement est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour et méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de délai de départ volontaire est illégal par voie de conséquence de l'illégalité des décisions précédentes, méconnaît le II de l'article L. 511-1 et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la désignation du pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité des décisions précédentes, méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'interdiction de retour est illégale par voie de conséquence de l'illégalité des décisions précédentes, n'est pas motivée, est intervenue en méconnaissance du principe du contradictoire, méconnaît le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par mémoire enregistré le 26 février 2019, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 25 % par décision du 23 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, premier conseiller,

- les observations de Me C... représentant Mme D... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante albanaise née le 19 octobre 1984, est entrée en France le 24 janvier 2014 accompagnée de son compagnon et de leur fille mineure A.... L'asile leur a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 19 mai 2014, et par la Cour nationale du droit d'asile, le 15 juillet 2015. Les intéressés ont fait l'objet, le 23 juin 2014, d'obligations de quitter le territoire et leurs recours contre ces décisions ont été rejetés, en dernier lieu le 9 février 2015, par la cour. Le 13 août 2015, ils ont demandé un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-1l du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de l'état de santé de leur fille. Ils ont obtenu une autorisation provisoire de séjour valable six mois, renouvelée à trois reprises. Le 17 juillet 2018, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ayant estimé que l'état de santé de leur enfant nécessite désormais une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le préfet a, par décisions du 27 septembre 2018, rejeté leur demande d'admission au séjour en qualité de parents d'enfant malade, leur a fait obligation de quitter sans délai le territoire, a fixé le pays de destination outre interdiction de retour de trois ans. Mme D... fait appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si Mme D... soutient que le jugement rendu par le tribunal administratif le 31 décembre 2018 est insuffisamment motivé dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen, dirigé contre le refus de délai de départ volontaire, tiré de la méconnaissance du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort tant de la requête introductive d'instance que du mémoire en réplique que Mme D... n'a pas présenté un tel moyen en première instance. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait sur ce point insuffisamment motivé ou entaché d'omission à statuer.

Sur les conclusions à fins d'annulation, d'injonction et d'astreinte, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

3. Aux termes de l'article L. 313-14 du CESEDA : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 (...) peut être délivrée (...) à l'étranger (...) dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la fille de Mme D..., aujourd'hui âgée de neuf ans, a été victime d'un incendie dans son pays d'origine, à l'âge de trois ans, qui lui a occasionné de graves brûlures à la tête, au cou et sur le haut du corps ayant nécessité plusieurs interventions chirurgicales en France. Ces pièces démontrent que son état requiert une rééducation cicatricielle pédiatrique régulière en centre spécialisé sous peine de graves séquelles dermatologiques à l'âge adulte. Il ne ressort pas des pièces versées que l'Albanie disposerait de structures appropriées pour prendre en charge de tels soins. En outre, Mme D... et son mari disposent de perspectives professionnelles et sont à même de subvenir aux besoins de leur foyer le temps de leur séjour en France.

5. Par suite, dans les circonstances très particulières de l'espèce, Mme D... est fondée à soutenir que le préfet de la Drôme n'a pu sans entacher sa décision de méconnaissance de l'article L. 313-14 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui refuser la délivrance d'une carte de séjour temporaire.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande et elle est fondée à demander l'annulation de la décision du 27 septembre 2018 du préfet de la Drôme portant refus de titre de séjour, ainsi que, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français sans délai, la fixation du pays de destination et l'interdiction de retour pour une durée de trois ans.

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".

8. Le présent arrêt, qui annule le refus de titre et les mesures d'éloignement implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un changement dans la situation de droit ou de fait de la requérante y ferait obstacle, que le préfet, d'une part, délivre à Mme D... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et supprime le signalement de Mme D... aux fins de non admission du système d'information Schengen. Il y a lieu de lui adresser une injonction en ce sens et de lui impartir un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu de prononcer d'astreinte.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 000 euros à Mme D... au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 31 décembre 2018 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Les décisions du 27 septembre 2018 du préfet de la Drôme portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire, fixation du pays de destination et interdiction de retour pour une durée de trois ans sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Drôme de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à Mme D... et de supprimer le signalement de celle-ci aux fins de non admission du système d'information Schengen, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à Mme D... la somme de 1 000 euros au titre des combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Rémy-Néris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 décembre 2019.

Le rapporteur,

V. Rémy-NérisLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

S. Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 19LY00511


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00511
Date de la décision : 05/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : PAQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-12-05;19ly00511 ?
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