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05/12/2019 | FRANCE | N°18LY01608

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 05 décembre 2019, 18LY01608


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision n° 18 du 10 février 2016 par laquelle le directeur du service courrier colis Loire-Vallée du Rhône a refusé de reconnaître sa pathologie comme imputable au service.

Par jugement n° 1602122 du 8 mars 2018 le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 4 mai 2018, et des mémoires complémentaires enregistrés les 7 août 2018

et 7 janvier 2019, La Poste représentée par Me Freichet, avocat, demande à la cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision n° 18 du 10 février 2016 par laquelle le directeur du service courrier colis Loire-Vallée du Rhône a refusé de reconnaître sa pathologie comme imputable au service.

Par jugement n° 1602122 du 8 mars 2018 le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 4 mai 2018, et des mémoires complémentaires enregistrés les 7 août 2018 et 7 janvier 2019, La Poste représentée par Me Freichet, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 8 mars 2018 ;

2°) de rejeter la demande de Mme E... devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de Mme E... le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'existe pas de lien direct et certain entre les fonctions exercées de facteur qualité par Mme E... et sa pathologie ;

- les autres moyens invoqués par Mme E... devant le tribunal ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense enregistrés les 3 juillet et 19 octobre 2018 et 8 février 2019, Mme C... E..., représentée par Me F..., avocate, conclut au rejet de la requête de La Poste, à ce qu'il soit fait injonction à La Poste de reconnaître sa maladie professionnelle à compter du 28 juin 2012, de procéder à sa reconstitution de carrière, de la placer en congé longue durée imputable au service à compter du 28 juin 2012, de condamner La Poste à lui verser le solde de son traitement au titre de la période de congé longue durée imputable au service et à ce qu'il soit mis à la charge de La Poste la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 10 février 2016 n'est pas motivée ;

- elle est entachée d'un vice de procédure relatif à la composition de la commission de réforme ;

- elle n'a bénéficié d'aucune formation lors de sa promotion et elle a subi une pression vis-à-vis de son employeur et de ses collègues facteurs qui ont généré un état de stress de plus en plus intense et l'ont plongé dans un état dépressif sévère ; il existe un lien de causalité direct et certain entre son état de santé et son activité professionnelle alors qu'elle ne présentait pas d'antécédent psychiatrique.

Par une ordonnance du 16 septembre 2019 la clôture de l'instruction a été fixée au 18 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;

- l'arrêté du 9 janvier 1992 portant création d'un comité médical et d'une commission de réforme auprès de La Poste et de France Télécom ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,

- les observations de Me Freichet, avocat pour La Poste et de Me D..., subsituant Me F..., avocate de Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., agent titulaire de La Poste promue au poste de facteur qualité à compter du 1er novembre 2011 a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision n° 18 du 10 février 2016 par laquelle le directeur du service courrier colis Loire-Vallée du Rhône a refusé de reconnaître sa pathologie comme imputable au service. La Poste relève appel du jugement du 8 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision.

2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; / (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite (...) ".

3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Or, les pièces du dossier ne font ressortir aucune circonstance particulière liée aux conditions d'exercice des nouvelles missions confiées à Mme E... susceptibles d'avoir occasionné l'affection psychologique dont elle souffre.

4. Il suit de là que La Poste est fondée à soutenir que la maladie de Mme E... ne présente pas de lien direct avec l'exercice des fonctions et que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision du 10 février 2016.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens invoqués par Mme E... devant le tribunal administratif.

6. En premier lieu et contrairement à ce que soutient Mme E..., la décision en litige, si elle indique " P/o le directeur Services courrier Colis suivie d'une signature " comporte un tampon indiquant " Branches services-courrier-colis Direction des ressources humaines Véronique Colomb ", laquelle a reçu délégation de signature par décision n° 15-044 du 7 juillet 2015 de la directrice du Pôle Vie au travail régulièrement publiée. Elle n'est dès lors pas entachée d'incompétence.

7. En deuxième lieu, la décision du 10 février 2016, après avoir visé les dispositions législatives et règlementaires applicables à la situation de Mme E..., rappelle l'avis défavorable de la section locale de la commission de réforme en date du 10 février 2016 pour une reconnaissance en maladie professionnelle ou accident de service de la pathologie de l'intéressée, et précise " ne pas accorder à Mme E... une reconnaissance de maladie professionnelle ou accident de service imputable au service de sa pathologie car il n'y a pas de lien direct et certain avec le service, au regard de l'expertise médicale du docteur Courtine réalisée le 21 janvier 2016 et de l'avis de la commission de réforme du 10 février 2016 ". Elle est ainsi suffisamment motivée alors qu'aucune disposition législative ou règlementaire n'impose qu'une décision de refus de reconnaissance d'une maladie professionnelle ou d'une imputabilité au service soit assortie de l'avis de la commission de réforme ou du rapport médical réalisé à la demande de l'employeur.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 9 janvier 1992 susvisé : " Il est institué auprès de chaque exploitant public, La Poste et France Télécom, un comité médical dont la composition, le fonctionnement et les attributions sont identiques à ceux du comité médical ministériel prévu par l'article 5 du décret du 14 mars 1986 susvisé (...) ". Aux termes de l'article 2 de cet arrêté : " Il est institué (...) une commission de réforme dont le fonctionnement et les attributions sont identiques à ceux de la commission de réforme ministérielle prévue par l'article 10 du décret du 14 mars 1986 susvisé. / Cette commission est composée comme suit : 1° Le président du conseil d'administration de l'exploitant public, ou son représentant, président ; 2° Un représentant de l'exploitant public désigné par le président ; 3° Deux représentants du personnel (...) 4° Les membres du comité médical prévu à l'article 1er du présent arrêté ". Enfin, aux termes de l'article 5 du décret du 14 mars 1986 susvisé, auquel se réfère l'arrêté du 9 janvier 1992 : " Il est institué auprès de l'administration centrale de chaque département ministériel un comité médical ministériel (...) /Ce comité comprend deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, pour l'examen des cas relevant de sa qualification, un spécialiste de l'affection pour laquelle est demandé le bénéfice du congé de longue maladie ou de longue durée prévu à l'article 34 (3e et 4e) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée (...) ".

9. D'une part, par une décision n° 78-1 du 20 juillet 2015, le directeur Service Courrier Colis Loire Vallée du Rhône a désigné Mme B... A... en qualité de représentants de La Poste auprès de la commission de réforme territoriale de La Poste de la DSCC Loire Vallée du Rhône.

10. D'autre part, les dispositions précitées de l'article 5 du décret du 14 mars 1986 ne requièrent la présence d'un médecin spécialiste de l'affection contractée par l'agent que pour l'examen des demandes de congé de longue maladie ou de longue durée, que n'a pas présentées Mme E... et que n'a pas rejetées la décision n° 18 du 10 février 2016. Par suite, la présence de deux médecins généralistes et l'absence de spécialiste n'a pas entaché d'irrégularité l'avis émis par la commission de réforme sur la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service des congés de maladie.

11. Enfin, aucune disposition législative ou règlementaire n'impose que l'avis de la commission de réforme précise les documents mis à la disposition des membres de la commission lors de l'examen du dossier de l'agent.

12. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué doit être annulé et que la demande d'annulation présentée par Mme E... contre la décision n° 18 du 10 février 2016 doit être rejetée.

13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées en appel par La Poste au titre des frais non compris dans les dépens sur le fondement des mêmes dispositions. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de La Poste, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1602122 du tribunal administratif de Grenoble lu le 8 mars 2018 est annulé.

Article 2 : La demande d'annulation présentée par Mme E... devant le tribunal administratif de Grenoble contre la décision n° 18 du 10 février 2016 est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à La Poste et à Mme C... E....

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 décembre 2019.

Le rapporteur,

C. BurnichonLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

S. Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 18LY01608

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01608
Date de la décision : 05/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : FREICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-12-05;18ly01608 ?
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