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05/12/2019 | FRANCE | N°18LY00514

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 05 décembre 2019, 18LY00514


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 3 novembre 2015 par laquelle la ministre chargée du travail a retiré la décision de l'inspectrice du travail du 10 mars 2015 ayant autorisé son licenciement ainsi que sa décision rejetant implicitement le recours hiérarchique formé par l'intéressé et a autorisé son licenciement.

Par jugement n° 1507595 du 11 décembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la c

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Par une requête enregistrée le 9 février 2018, M. B..., représenté par Me E..., deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 3 novembre 2015 par laquelle la ministre chargée du travail a retiré la décision de l'inspectrice du travail du 10 mars 2015 ayant autorisé son licenciement ainsi que sa décision rejetant implicitement le recours hiérarchique formé par l'intéressé et a autorisé son licenciement.

Par jugement n° 1507595 du 11 décembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 9 février 2018, M. B..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 11 décembre 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 3 novembre 2015 par laquelle la ministre du travail a autorisé la société Autoroutes du Sud de la France (ASF)-Vinci Autoroutes à procéder à son licenciement.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- le tribunal n'a pas répondu à son moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision du 3 novembre 2015 ;

- il n'a pas davantage répondu au moyen tiré de la prescription des faits en litige au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

- la preuve de la compétence du signataire de l'acte n'est toujours pas apportée ; le fait que M. D... A... ait apposé sa signature en sa seule qualité sans mentionner qu'il agissait par délégation du ministre entache la décision d'incompétence ;

- la procédure est irrégulière, dès lors que le procès-verbal de la réunion du comité d'établissement n'a pas été transmis à l'inspecteur du travail dès la demande d'autorisation de licenciement en méconnaissance des dispositions de l'article R. 2421-10 du code du travail ; en outre, la décision de la ministre du 3 novembre 2015 ne vise pas ledit procès-verbal ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée au regard des prescriptions de la loi du 11 juillet 1979 ;

- l'enquête de l'inspectrice du travail est insuffisante et a méconnu le principe du contradictoire ;

- les faits sur lesquels la décision est fondée sont prescrits, en application de l'article L. 1332-4 du code du travail, dans la mesure où l'employeur avait connaissance des faits reprochés dès le mois d'octobre 2014 ;

- les faits sur lesquels la décision est fondée ne sont pas matériellement établis ; il n'a jamais reconnu les propos qu'on lui prête ;

- ces faits ont déjà fait l'objet d'une sanction ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- elle est en lien avec l'exercice de son mandat.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2018, la société ASF-Vinci Autoroutes conclut à l'irrecevabilité et au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que la requête d'appel est irrecevable dès lors qu'elle méconnaît les prescriptions de l'article R. 414-3 du code de justice administrative et que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2018, la ministre du travail conclut à l'irrecevabilité de la requête d'appel et au rejet au fond de celle-ci.

Elle fait valoir que la requête reprend strictement les moyens soulevés devant le tribunal et que ceux-ci ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 1er octobre 2018 par une ordonnance du 30 août 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,

- les observations de Me C... représentant la société ASF-Vinci Autoroutes ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été embauché au sein de la société ASF-Vinci Autoroutes à compter du 15 février 1993 et exerçait les fonctions d'ouvrier autoroutier. Il a été élu délégué du personnel titulaire lors des élections qui se sont déroulées le 27 novembre 2013. Le 13 février 2015, la société ASF-Vinci Autoroutes a saisi l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif disciplinaire. M. B... relève appel du jugement lu le 11 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de la décision de la ministre du travail prise le 3 novembre 2015 autorisant son licenciement.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le tribunal a expressément écarté les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision de la ministre du travail du 3 novembre 2015 et de la prescription des faits sanctionnés. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier pour avoir omis de répondre à ces moyens.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. En premier lieu, M. D... A..., signataire de la décision attaquée, directeur du travail, chef du bureau du statut protecteur, a reçu délégation à l'effet de signer, dans la limite des attributions du bureau du statut protecteur et au nom du ministre chargé du travail, tous actes, décisions ou conventions, à l'exclusion des décrets, par une décision du 11 août 2015, publiée au journal officiel de la République française du 14 août 2015. La circonstance que cette décision ne fait pas mention de la délégation consentie au stade de sa signature est sans influence sur sa légalité, alors au demeurant qu'il n'y avait aucune ambiguïté sur l'auteur de la décision, celle-ci mentionnant l'en-tête du ministre du travail. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision doit donc être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 2421-10 du code du travail, " La demande d'autorisation de licenciement d'un délégué du personnel (...) est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement qui l'emploie. Elle est accompagnée du procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise (...) ".

5. Si la demande d'autorisation de licenciement adressée le 13 février 2015 à l'inspection du travail ne mentionne pas, au nombre de ses pièces, le procès-verbal de la réunion du comité d'établissement organisée le même jour, il ressort des pièces du dossier et notamment de la décision de l'inspectrice du travail du 10 mars 2015 laquelle vise l'avis émis le 13 février 2015 par ledit comité et du courrier adressé par l'employeur le 17 février 2015 à l'inspection du travail, que l'inspectrice a eu connaissance de ce procès-verbal avant même de débuter l'enquête contradictoire le 3 mars suivant. Par ailleurs, la circonstance que la décision contestée, ayant annulé celle de l'inspectrice du travail du 10 mars 2015, ne vise pas le procès -verbal en question est sans incidence sur la légalité de cette décision. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 2421-10 du code du travail doit être écarté en ses deux branches.

6. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient M. B..., qui se réfère d'ailleurs sur ce point à la motivation en droit de la décision de l'inspectrice du travail du 10 mars 2015 laquelle n'est pas en litige, la décision de la ministre du travail du 3 novembre 2015 énonce les motifs de droit et de fait justifiant l'autorisation de licenciement. A ce titre, cette décision se réfère aux dispositions du code du travail, notamment son article L. 2411-5, et énumère de façon détaillée les propos reprochés à M. B... en les caractérisant au regard de la demande présentée. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée doit également être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

7. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives ou de fonctions de conseiller prud'homme, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. En outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence. L'autorité administrative ne peut légalement faire droit à une demande d'autorisation de licenciement que si chacune de ces conditions cumulatives est remplie.

8. En premier lieu, M. B... se borne à reproduire en appel, sans les assortir d'éléments nouveaux, les moyens qu'il avait développés dans sa demande de première instance, tirés de ce que la ministre s'est fondée sur une enquête menée par l'inspectrice du travail laquelle aurait méconnu le principe du contradictoire, que la décision attaquée serait fondée sur des faits prescrits au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail et qu'il aurait déjà été sanctionné pour les mêmes faits. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter ces moyens repris en appel par le requérant.

9. En deuxième lieu, la décision prise par la ministre du travail le 3 novembre 2015 est justifiée par des propos désobligeants et méprisants, à caractère raciste et discriminatoire, tenus par M. B... à l'encontre d'un autre salarié, dès l'embauche de celui-ci en 2012 et plus particulièrement lors de son arrivée au service de viabilité en septembre 2014 où M. B... exerçait ses fonctions. La matérialité de ces propos est attestée par les témoignages concordants de salariés de la société ASF-Vinci Autoroutes ainsi que par les conclusions d'un rapport d'enquête interne du syndicat auquel appartenait M. B.... La circonstance relevée par l'intéressé selon laquelle il n'aurait pas reconnu les faits et n'aurait pas signé de procès-verbal d'audition est sans incidence sur la véracité des propos en litige, corroborée par les pièces du dossier, qu'il a tenus à l'égard de l'un de ses subordonnés. Eu égard aux fonctions exercées par l'intéressé, ceux-ci constituent des fautes d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, sans que le requérant puisse utilement se prévaloir d'un jugement de relaxe du chef de poursuites d'injure non publique en raison de l'origine, l'ethnie, la nation, la race ou la religion, lequel n'a été rendu qu'en raison de la prescription de l'action publique.

10. En dernier lieu, le moyen soulevé par M. B... tiré de ce que la décision attaquée serait en lien avec l'exercice de son mandat n'est assorti d'aucune précision suffisante permettant d'en apprécier le bien-fondé et doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la ministre du travail du 3 novembre 2015 autorisant son licenciement.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société ASF-Vinci Autoroutes présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société ASF-Vinci Autoroutes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B..., à la société ASF-Vinci Autoroutes et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Rémy-Néris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 décembre 2019.

Le rapporteur,

V. Rémy-NérisLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

S. Bertrand

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 18LY00514


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : BOUTHIER-PERRIER et DELOCHE et NINOTTA

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 05/12/2019
Date de l'import : 16/12/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18LY00514
Numéro NOR : CETATEXT000039474807 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-12-05;18ly00514 ?
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