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05/12/2019 | FRANCE | N°18LY00023

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 05 décembre 2019, 18LY00023


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008, 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1408695 du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Lyon après avoir prononcé un non-lieu à statuer partiel (articles 1 et 2), a déchargé M. E... des pénalités pour manquement délibéré (article 3), mis à la charg

e de l'Etat le versement d'une somme de 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008, 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1408695 du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Lyon après avoir prononcé un non-lieu à statuer partiel (articles 1 et 2), a déchargé M. E... des pénalités pour manquement délibéré (article 3), mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 4) et rejeté le surplus de sa demande (article 5).

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 4 janvier 2018, le 5 juillet 2018, le 1er février 2019 et le 17 mai 2019, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. E..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 5 de ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 novembre 2017 ;

2°) de le décharger des impositions et intérêts de retard restant en litige au titre de l'année 2009 ou, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente que le Conseil constitutionnel statue sur la question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été renvoyée par le Conseil d'Etat par sa décision du 16 avril 2019 n° 428401 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. E... soutient que :

- la proposition de rectification qui lui a été adressée n'était pas suffisamment motivée dans la mesure où elle était motivée par référence à la proposition concernant les rectifications de la société qui était elle-même insuffisamment motivée ;

- la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 47 A II du livre des procédures fiscales au niveau de la SARL Vet'Chauss n'a pas été assortie des garanties prévues par cet article ;

- les redressements qui lui ont été notifiés sont exclusivement établis et fondés sur la base de pièces et informations obtenues dans le cadre d'une procédure irrégulière, ce qui méconnaît, conformément à la décision du 4 décembre 2013 du Conseil constitutionnel n° 2013-679, l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- sa désignation, sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts, comme bénéficiaire des revenus distribués par le conseil de la SARL Vet'Chauss n'étant pas régulière, il appartient à l'administration d'apporter la preuve de l'appréhension des revenus distribués, ce qu'elle ne fait pas ;

- la méthode de reconstitution du chiffres d'affaires retenue par l'administration a conduit à prendre en compte, au titre des achats, des factures reçues en fin d'exercice se rapportant à des marchandises qui n'avaient pas été livrées avant la clôture de ce dernier et constituait ainsi des charges constatées d'avance ; compte tenu du caractère approximatif de la méthode de reconstitution de l'administration, qui applique un taux de marge unique sur l'ensemble des quatre exercices vérifiés et aboutit à un faible montant de rectifications, il y a lieu de la décharger ;

- à titre subsidiaire, conformément à la décision du Conseil d'Etat n° 403171 du 2 décembre 2016 décidant de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité, l'administration ne pouvait calculer le rappel de prélèvements sociaux à raison des revenus réputés distribués sur une base égale à 125 % de leur montant ;

- également à titre subsidiaire, les dispositions de l'article 158-7 du code général des impôts présentent un caractère confiscatoire en contradiction avec le principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 23 mai 2018 et le 10 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d'instance et au rejet du surplus de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :

- à la suite de la décision du Conseil constitutionnel (QPC) n° 2016-610 il a réduit l'assiette des contributions sociales de 11 315 euros et procédé au dégrèvement correspondant ;

- les autres moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 5 mars 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 17 mai 2019, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G..., première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., représentant M. E... ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL E... Vet'Chauss, qui exerce une activité de vente de chaussures auprès de particuliers, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a reconstitué ses recettes et mis à sa charge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 31 janvier 2007, 2008, 2009 et 2010. Par une proposition de rectification du 25 juillet 2011, l'administration a, après la désignation par la société de MM. D... et C... E... comme bénéficiaires des revenus distribués, mis à la charge de M. D... E... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2008, 2009 et 2010. Par un jugement du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Lyon après avoir prononcé un non-lieu à statuer partiel, notamment sur les rappels établis au titre des années 2008 et 2010 (articles 1 et 2), a déchargé M. E... des pénalités pour manquement délibéré (article 3), mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 4). M. E... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande concernant les impositions et pénalités de retard au titre de l'année 2009.

Sur l'étendue du litige :

2. Par décision en date du 24 mai 2018 postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques de la région Auvergne-Rhône-Alpes a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence d'une somme de 1 440 euros, des cotisations supplémentaires de contributions sociales au titre de l'année 2009. Les conclusions de la requête de M. E... relatives à cette imposition sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur les conclusions aux fins de décharge :

3. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ". En cas de refus des propositions de rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.

4. D'une part, l'administration fait valoir que MM. D... et C... E..., qui détiennent chacun 50 % des parts sociales de la SARL E... Vet'Chauss, sont co-gérants de cette société, bénéficient d'une rémunération identique et disposent de l'ensemble des prérogatives inhérentes à leurs fonctions, doivent être présumés, en qualité de co-maîtres de l'affaire, avoir bénéficié chacun à hauteur de 50°% des revenus réputés distribués par la société. Toutefois, le requérant, qui n'est pas le seul maître de l'affaire, ne peut être présumé, pour ce motif, avoir appréhendé ces distributions.

5. D'autre part, si la lettre par laquelle l'avocat, mandaté par MM. E... en leur qualité de gérants de la société pour la représenter dans le cadre de la procédure d'imposition menée à l'égard de cette entreprise et interrogé en vertu de l'article 117 du code général des impôts, désigne MM. D... et C... E... comme étant chacun bénéficiaire de la moitié des revenus réputés distribués à la suite des rectifications de ses recettes, elle ne comporte pas la signature de M. D... E.... M. E... a indiqué dans ses observations sur la proposition de rectification du 25 juillet 2011 que la désignation faite par la SARL l'avait été dans l'unique objectif d'éviter la pénalité prévue à l'article 1759 du code général des impôts. Dès lors que M. E... conteste avoir été le bénéficiaire d'une telle distribution, l'administration conserve la charge de la preuve de l'appréhension par lui des revenus imposés à son nom.

6. En se bornant à se prévaloir de la qualité de co-maître de l'affaire de M. E... et de sa désignation par la SARL en qualité de bénéficiaire des revenus réputés distribués, l'administration n'apporte pas la preuve de l'appréhension par M. E... de ces revenus. Par suite, M. E... est fondé, par le nouveau moyen qu'il a présenté en appel, à demander la décharge des impositions et pénalités de retard restant en litige au titre de l'année 2009.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : A concurrence de la somme de 1 440 euros en ce qui concerne les cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles M. E... a été assujetti au titre de l'année 2009, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête.

Article 2 : M. E... est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2009 ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Article 3 : Le jugement n° 1408695 du 7 novembre 2017 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. E... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président,

Mme A..., présidente assesseure,

Mme G..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 5 décembre 2019.

La rapporteure,

A. G... Le président,

F. Bourrachot

La greffière,

C. Langlet

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 18LY00023


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY00023
Date de la décision : 05/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués. Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : TEISSIER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-12-05;18ly00023 ?
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