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05/12/2019 | FRANCE | N°17LY03168

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 05 décembre 2019, 17LY03168


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 4 juin 2014 par laquelle la ministre de la justice a rejeté sa demande tendant à obtenir, par dérogation à la règle de classement par ordre de mérite, une affectation au sein d'une juridiction du ressort de la cour d'appel de Chambéry et de créer un poste de greffier dans une juridiction de la Haute-Savoie, ainsi que la décision du directeur de l'école des greffes en date du 5 novembre 2014 arrêtant le calen

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 4 juin 2014 par laquelle la ministre de la justice a rejeté sa demande tendant à obtenir, par dérogation à la règle de classement par ordre de mérite, une affectation au sein d'une juridiction du ressort de la cour d'appel de Chambéry et de créer un poste de greffier dans une juridiction de la Haute-Savoie, ainsi que la décision du directeur de l'école des greffes en date du 5 novembre 2014 arrêtant le calendrier des stages de pré-affectation (mise en situation professionnelle) au tribunal de grande instance de Bobigny pour la période du 5 janvier au 18 juillet 2015.

Par jugement n° 1500113 du 15 juin 2017, le tribunal administratif de Dijon a rejeté la requête de Mme C....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 11 août 2017, Mme B... A... épouse C..., représentée par Me Hammerer, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler les décisions des 4 juin et 5 novembre 2014 ;

3°) de condamner l'État à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'elle avait invoqué devant le tribunal l'irrégularité des conditions de son classement et il entaché d'une contradiction de motifs ;

- ses conclusions dirigées à l'encontre de la décision du 5 novembre 2014 sont recevables dès lors que cette décision lui fait grief ;

- les décisions du 4 juin et 5 novembre 2014 sont illégales en raison de l'illégalité de son classement dès lors qu'elle n'a pu effectuer son principal et dernier stage pratique au sein du tribunal de grande instance de Bonneville que durant trois semaines et deux jours sur les douze semaines initialement prévues en raison de ses différentes absences ;

- elles portent atteinte à sa vie privée et familiale et à l'intérêt supérieur de ses enfants et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elles ont eu pour effet de la priver de près de douze semaines de stages pratiques sur les vingt-huit réglementairement prévues et de l'intégralité de sa période d'approfondissement professionnel en méconnaissance de l'arrêté du 17 avril 2012.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 septembre 2018, la garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête de Mme C... en soutenant que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance en date du 1er octobre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 novembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;

- le décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'État et de ses établissements publics ;

- le décret n° 2003-466 du 30 mai 2003 portant statut particulier des greffiers des services judiciaires ;

- l'arrêté du 17 avril 2012 relatif à la formation initiale et statutaire des greffiers des services judiciaires ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., admise au concours externe 2012 de recrutement des greffiers des services judiciaires, a été nommée en qualité de stagiaire dans ce corps à compter du 4 mars 2013 par arrêté du 20 février 2013 de la garde des sceaux, ministre de la justice. Suite à sa formation à l'école nationale des greffes de Dijon et son affectation au tribunal de grande instance de Bobigny, elle a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 4 juin 2014 par laquelle le ministre de la justice a rejeté sa demande tendant à obtenir, par dérogation à la règle de classement par ordre de mérite, une affectation au sein d'une juridiction du ressort de la Cour d'appel de Chambéry et de créer un poste de greffier dans une juridiction de Haute-Savoie, ainsi que la décision du directeur de l'école des greffes en date du 5 novembre 2014 arrêtant le calendrier des stages de pré-affectation (mise en situation professionnelle) au tribunal de grande instance de Bobigny pour la période du 5 janvier au 18 juillet 2015 et délivrant l'ordre de mission correspondant. Elle relève appel du jugement du 15 juin 2017 par lequel le tribunal a rejeté sa requête.

2. Il ressort des pièces du dossier que si Mme C... présente des conclusions aux fins d'annulation des décisions précitées du 4 juin et du 5 novembre 2014 elle doit être considérée, compte tenu de l'objet de ses conclusions et de la portée des moyens qu'elle invoque comme demandant l'annulation du refus de prolonger le stage d'approfondissement qui a précédé et contribué à déterminer sa pré-affectation au tribunal de grande instance de Bobigny et dont l'évaluation - s'il avait été effectué entièrement - lui aurait permis d'obtenir un classement au mérite lui offrant la possibilité de demander une pré-affectation dans une juridiction savoyarde, ensemble le rejet opposé le 4 juin 2014 à son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement :

3. En premier lieu, si Mme C... a évoqué, dans ses écritures de première instance, les éléments relatifs à l'irrégularité des conditions du classement dont elle a fait l'objet en raison de son absence pour congé maladie durant la période de stage pratique, elle n'a pas excipé, devant le tribunal, de l'illégalité de la décision arrêtant son rang de classement. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait omis de statuer sur ce moyen, qu'elle n'a pas invoqué.

4. En deuxième lieu, en relevant, d'une part, que Mme C... n'avait pas demandé une prolongation de son stage pratique ou d'approfondissement - ce qui est une considération de pur fait - et en jugeant, d'autre part, que les conditions de prolongation de stage étaient dépourvues d'effet utile à l'encontre des décisions attaquées - ce qui se rapporte à l'application des conditions statutaires de déroulement de la formation - le tribunal n'a pas entaché son jugement d'une contradiction de motifs. Les deux moyens susceptibles d'entraîner l'annulation totale du jugement devant être écartés, il y a lieu pour la cour d'examiner le moyen suivant qui, s'il était fondé, ne serait de nature qu'à entraîner une annulation partielle.

5. La décision du 5 novembre 2014 par laquelle le directeur de l'école nationale des greffes a arrêté le calendrier du stage de pré-affectation au tribunal de grande instance de Bobigny et a délivré l'ordre de mission correspondant, a emporté, pour Mme C... prolongation de cette dernière session de formation et lui assigne nécessairement une affectation dans cette juridiction au terme de sa formation. En ce qu'elle affecte la situation statutaire de l'intéressée elle est susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite, Mme C... est fondée à soutenir que le tribunal administratif de Dijon n'a pu sans entacher son jugement d'irrégularité rejeter comme irrecevable sa demande d'annulation dirigée contre cette décision du 5 novembre 2014. Ledit jugement doit, dès lors, être annulé dans cette mesure.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de Mme C... dirigées contre la décision du 5 novembre 2014 et de statuer dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions de sa requête.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

7. D'une part, aux termes de l'article 26 du décret n° 94-874 susvisé : " / (...)/ (...) le total des congés rémunérés de toute nature accordés aux stagiaires en sus du congé annuel ne peut être pris en compte comme temps de stage que pour un dixième de la durée statutaire de celui-ci ". Aux termes de l'article 27 du même décret : " Quand, du fait des congés successifs de toute nature, autres que le congé annuel, le stage a été interrompu pendant au moins trois ans, l'intéressé doit, à l'issue du dernier congé, recommencer la totalité du stage qui est prévu par le statut particulier en vigueur. / Si l'interruption a duré moins de trois ans, l'intéressé ne peut être titularisé avant d'avoir accompli la période complémentaire de stage qui est nécessaire pour atteindre la durée normale du stage prévu par le statut particulier en vigueur ". Aux termes de l'article 13 du décret n° 2003-466 susvisé, dans sa version alors en vigueur : " Les greffiers recrutés par concours reçoivent à l'École nationale des greffes une formation initiale professionnelle de dix-huit mois ".

8. D'autre part, aux termes de l'article 8 de l'arrêté susvisé du 17 avril 2012 susvisé : " Le stage de mise en situation professionnelle d'une durée de 6 mois a pour objectif de mettre le greffier en capacité d'exercer les fonctions spécifiques du premier poste sur lequel il est affecté.

Les greffiers stagiaires effectuent leur stage de mise en situation professionnelle dans leur future juridiction d'affectation, choisie à l'issue du classement établi à l'article 10 du présent arrêté (...) ". Aux termes de l'article 9 du même arrêté : " Les modalités d'organisation et de déroulement des stages sont fixées en annexe I du présent arrêté et par le règlement intérieur de l'école ". Aux termes de l'article 10 du même arrêté : " A l'issue de la période de stages pratiques, les greffiers recrutés par concours (...) font l'objet d'un classement, par ordre de mérite, établi par le directeur de l'école compte tenu : - de la note de scolarité calculée sur 20 ; - de la note de stages pratiques calculée sur 20. Les modalités d'évaluation de scolarité et des stages pratiques sont déterminées en annexe II du présent arrêté ". Aux termes de l'annexe I de cet arrêté : " A. - (...) La formation professionnelle initiale est composée : - d'une période de découverte (I) ; - d'une période de scolarité (II) ; - d'une période de stages pratiques (III) ; - d'une période d'approfondissement professionnel (IV) ; - d'une période de mise en situation professionnelle (V) " ; (...) V : " - Période de mise en situation professionnelle : Durant les six derniers mois, le greffier stagiaire est en stage de mise en situation professionnelle dans la juridiction de sa future affectation (...) ".

9. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que le choix du stage de pré-affectation -mise en situation professionnelle dans la future juridiction d'affectation correspondant à la cinquième séquence de formation, est déterminé par le classement des stagiaires établi à l'issue de la quatrième séquence de stage pratique. Si l'article 13 précité du décret n° 2003-466 fixe à dix-huit mois la durée de la formation initiale des greffiers stagiaires, aucune disposition précitée n'impose que les stagiaires aient accompli la totalité de chaque séquence avant d'être admis à la suivante, l'article 13 du décret n° 2003-466 se bornant à prévoir une prolongation du stage jusqu'à ce que soit atteinte la durée globale statutaire de dix-huit mois. Il suit de là qu'un stagiaire n'ayant accompli qu'une partie des quatre premières séquences - ou une partie de l'une d'elles -peut, sans méconnaissance de ces dispositions combinées, être classé au mérite puis accomplir son stage de mise en situation professionnelle dans la juridiction de sa future affectation, sous réserve que cette ultime séquence de formation soit prolongée pour que la totalité de la période de stage, abondée du dixième des jours de congés, atteigne dix-huit mois.

10. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a été nommée stagiaire à compter du 4 mars 2013 pour suivre sa formation statutaire de dix-huit mois. A l'issue de son stage pratique, interrompu par un congé de maladie, du 23 au 31 octobre 2013, puis de maternité à compter du 12 novembre 2013, elle a pu légalement être classée au mérite et pré-affectée au tribunal de grande instance de Bobigny afin d'y effectuer son stage de mise en situation professionnelle, lui-même prolongé jusqu'au 18 juillet 2015 de telle sorte que sa formation effective abondée du dixième de ses congés atteigne dix-huit mois. Elle n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que les décisions en litige l'auraient illégalement privée de douze semaines de stages pratiques et de l'intégralité de sa période d'approfondissement professionnel.

11. En deuxième lieu, et ainsi qu'il est dit au point 9, Mme C... qui a été régulièrement classée à l'issue des quatre premières séquences de son stage, bien qu'accomplies partiellement, ne peut utilement invoquer l'illégalité du classement qui a déterminé sa pré-affectation à Bobigny motif pris du refus de prolonger son stage d'approfondissement dans le ressort de la cour d'appel de Chambéry.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vue privée et familiale, (...). " Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale. "

13. Si Mme C... soutient que les décisions en litige la placent dans une situation financière et personnelle extrêmement difficile en raison de la localisation en Haute-Savoie de son foyer, des contraintes tant éducatives de ses quatre enfants que professionnelles de son époux, ces circonstances qu'elle connaissait lorsqu'elle a accepté le bénéfice du concours sans assurance de sa future affectation doivent être appréciées au regard de l'impératif tenant à ce que les emplois vacants du service public de la justice soient pourvus. Dans ces conditions, ces décisions n'ont pas porté d'atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de l'intéressée ou à l'intérêt supérieur de ses enfants.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 5 novembre 2014 ni à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'annulation et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 15 juin 2017 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme C... tendant à l'annulation de la décision du 5 novembre 2014.

Article 2 : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et à la garde des Sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 décembre 2019.

Le rapporteur,

C. BurnichonLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

S. Bertrand

La République mande et ordonne à la garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 17LY03168

cm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17LY03168
Date de la décision : 05/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-03-04-005 Fonctionnaires et agents publics. Entrée en service. Stage. Conditions générales du stage.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : HAMMERER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-12-05;17ly03168 ?
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