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03/12/2019 | FRANCE | N°18LY04484

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 03 décembre 2019, 18LY04484


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 25 avril 2018 par lequel le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1802722 du 16 novembre 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une

requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 décembre 2018 et 12 avril 2019, Mme C..., r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 25 avril 2018 par lequel le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1802722 du 16 novembre 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 décembre 2018 et 12 avril 2019, Mme C..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 16 novembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Yonne du 25 avril 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne, après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le préfet était tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande pour un motif de fraude ;

- alors que l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impose nullement une condition de vie commune entre les parents de l'enfant français, la reconnaissance par M. B... de sa fille n'est nullement frauduleuse ; à cet égard, le rapport d'enquête produit par le préfet qui ne retranscrit ni les questions posées ni les réponses formulées n'est pas un élément objectif et ne suffit pas, en l'absence de poursuite pénale ou de contestation de paternité, à remettre en cause leur lien de filiation ;

- le refus de titre de séjour a été pris en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il porte atteinte à l'intérêt supérieur de sa fille en violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- alors que le préfet n'a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de régularisation, il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 9 avril 2019, le préfet de l'Yonne, représenté par la SELARL Claisse et associés, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés sont infondés.

Par lettre du 17 octobre 2019 la cour a, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, informé les parties qu'elle était susceptible de relever d'office l'irrecevabilité du moyen tiré du défaut de consultation de la commission du titre de séjour relevant d'une cause juridique distincte des moyens invoqués devant le tribunal administratif.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public ;

- les observations de Me E... pour le Préfet de l'Yonne ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C..., ressortissante ivoirienne née en 1991, est entrée en France le 7 août 2008. Par un arrêté du 25 avril 2018, le préfet de l'Yonne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel cette mesure d'éloignement pourrait être exécutée d'office. Mme C... relève appel du jugement du 16 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la légalité de l'arrêté du préfet de l'Yonne du 25 avril 2018 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, Mme C... n'avait invoqué en première instance que des moyens de légalité interne à l'encontre du refus de titre de séjour. Par suite, le moyen de légalité externe tiré de l'absence de consultation de la commission du titre de séjour, relevant d'une cause juridique nouvelle en appel, est irrecevable.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 7 mars 2016 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ".

4. Il résulte de ces dispositions que si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a donné naissance à une fille le 2 septembre 2016, reconnue de manière anticipée au mois de juillet 2016 par M. B.... Il ressort du rapport d'enquête établi dans le cadre d'une suspicion de reconnaissance de complaisance, que, selon ses déclarations évasives, Mme C... aurait connu par hasard, dans les rues de Paris, M. B... en janvier 2016, l'aurait fréquenté pendant deux ou trois mois avant que ne cesse leur relation, et qu'elle ne prenne connaissance de sa grossesse. Il résulte des déclarations de la requérante qu'elle ignorait tout de la vie de M. B..., y compris son adresse à la date de son audition en décembre 2017. Alors que les intéressés n'ont entretenu aucune relation durable, les déclarations de la requérante relatives à la perception, par l'intermédiaire d'une tierce personne dont elle ignore également l'adresse et l'identité, d'une pension alimentaire réglée en espèce par M. B... sont dépourvues de crédibilité et ne sont corroborées par aucune pièce du dossier. Eu égard aux conditions dans lesquelles la requérante expose avoir rencontré M. B..., avec lequel elle n'a jamais vécu et qu'elle a vu pour la dernière fois en avril 2017 pour l'obtention de la carte d'identité française de sa fille et en l'absence de preuve de toute contribution du père à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, en se bornant à soutenir qu'il serait bien le père biologique de cet enfant, la requérante n'apporte aucun élément sérieux permettant de considérer que la reconnaissance prénatale de sa fille par ce ressortissant français, qui a été souscrite en juillet 2016 alors au demeurant que la légalité d'une mesure d'éloignement de la requérante avait été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Dijon du mois de mars précédent, ne l'aurait pas été dans le but de faciliter l'obtention par la requérante d'un titre de séjour en qualité de mère d'un enfant français.

6. En troisième lieu, pour demander l'annulation de l'arrêté du 25 avril 2018 en ce qu'il porte refus de titre de séjour, Mme C... fait également valoir sa présence en France depuis 2008 et invoque le retard de croissance que présente sa fille née prématurément, justifiant un suivi par un psychologue et un psychomotricien. Toutefois, la requérante est entrée en France munie d'un visa de court séjour et s'y est maintenue irrégulièrement jusqu'au dépôt d'une demande de titre de séjour en janvier 2015, puis ensuite de l'obligation de quitter le territoire français dont elle a fait l'objet en juin 2015 et qu'elle n'a pas exécuté. Célibataire et sans emploi à la date de la décision attaquée, elle peut poursuive normalement sa vie privée et familiale avec sa fille à l'étranger et, en particulier, dans son pays d'origine, où elle ne démontre pas que cette dernière ne pourrait y poursuivre le traitement approprié à son état de santé. Elle n'est pas dépourvue d'attaches en Côte-d'Ivoire où résident notamment son père et son frère. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Compte tenu de la situation de la requérante exposée ci-dessus, cette décision ne méconnaît pas davantage les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant qui imposent aux autorités administratives d'accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants, et ne saurait être regardée comme procédant d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 2 à 6, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé entache d'illégalité la décision qu'elle conteste portant obligation de quitter le territoire français, ni que cette dernière décision viole les dispositions les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ou est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Le présent arrêt confirme le rejet des conclusions de Mme C... dirigées contre l'arrêté préfectoral du 25 avril 2018 et n'appelle ainsi aucune mesure d'exécution.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme F... G..., présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 décembre 2019.

Le rapporteur,

Bénédicte LordonnéLa présidente,

Dominique G...

La greffière,

Fabienne Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 18LY04484

md


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18LY04484
Date de la décision : 03/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MARGINEAN-FAURE
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : MORIN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-12-03;18ly04484 ?
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