Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SCI Arguez a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 10 septembre 2013 par laquelle le maire de Millery s'est opposé à la déclaration préalable de travaux qu'elle avait déposée en vue de l'aménagement d'un bâtiment existant.
Par un jugement n° 1605504 du 6 mars 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 7 mai 2018 et un mémoire en réplique enregistré le 28 août 2018, la SCI Arguez, représentée par la SCP Desilets Robbe Roquel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 mars 2018 ;
2°) d'annuler cette décision du 10 septembre 2013 ;
3°) d'enjoindre au maire de Millery de lui délivrer l'autorisation sollicitée, dans un délai de quinze jours à compter du jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Millery la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier, les premiers juges ayant omis de statuer sur le moyen tiré du défaut d'examen particulier du dossier par le maire de Millery ;
- la décision en litige est insuffisamment motivée ;
- le projet n'emportant aucun changement de destination du bâtiment, qui était déjà à usage d'habitation, le maire ne pouvait faire opposition à sa demande en se fondant sur les dispositions de l'article A1 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) ;
- le projet ne prévoit ni modification de l'aspect extérieur du bâtiment ni création de surface de plancher ;
- le projet peut être raccordé par un simple branchement au réseau public d'eau potable, alors en outre que l'alimentation en eau peut être assurée par un puit.
Par des mémoires enregistrés le 27 juillet 2018 et le 27 mai 2019, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la commune de Millery, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- aucun des moyens de la requête d'appel n'est fondé ;
- le refus peut également être légalement fondé sur la méconnaissance des dispositions de l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme en ce que le projet, qui modifie la façade et emporte une création de surface de plancher de 50 m2 ne relève pas du régime de déclaration préalable de travaux ;
- le refus peut également être légalement fondé sur la méconnaissance de l'article A4 du règlement du PLU, la construction n'étant pas raccordée au réseau d'eau potable et ne pouvant l'être par un simple branchement à la charge du pétitionnaire, comme le prévoient les dispositions de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme.
La clôture d'instruction a été fixée au 11 juin 2019, par une ordonnance en date du 10 mai 2019.
La SCI Arguez a produit des pièces enregistrées le 5 novembre 2019, suite à la mesure d'instruction diligentée par la cour.
La commune de Millery a produit un mémoire enregistré le 6 novembre 2019, qui n'a pas été communiqué, suite à la mesure d'instruction diligentée par la cour.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,
- les observations de Me C... pour la SCI Arguez, ainsi que celles de Me B..., substituant Me A..., pour La commune de Millery ;
Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée pour la SCI Arguez, enregistrée le 22 novembre 2019 ;
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Arguez a acquis en 2009 un bâtiment abandonné, situé au lieu-dit Vallière, sur la commune de Millery. Le 24 mai 2013, elle a déposé une déclaration préalable de travaux pour un projet de " sauvegarde et d'aménagement " de cette construction. Le 27 mai 2013, le maire de Millery a fait opposition à cette déclaration, au motif que les travaux projetés étaient de nature à changer la destination du bâtiment, lequel devait être regardé comme une dépendance agricole selon les indications figurant sur les avis de l'administration fiscale. Après avoir obtenu la modification de cette mention auprès des services fiscaux, la SCI Arguez a déposé une nouvelle déclaration préalable de travaux le 29 août 2013, à laquelle le maire a fait opposition le 10 septembre 2013, au motif que le projet emportait changement de destination du bâtiment. Par arrêt du 12 juillet 2016, la cour de céans a annulé le jugement du 14 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon avait rejeté comme tardive la demande de la SCI Arguez tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 septembre 2013, qu'il avait regardé comme purement confirmatif du précédent refus. La SCI Arguez relève appel du jugement du 6 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 septembre 2013 du maire de Millery.
Sur la régularité du jugement :
2. Les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen de la SCI Arguez selon lequel le maire de Millery, en reproduisant les termes de son précédent arrêté sans prendre en compte le nouvel avis des services fiscaux, n'a pas procédé à un réel examen de la nouvelle demande, en méconnaissance de la règle de l'examen particulier des circonstances, qui s'impose à l'autorité administrative. Ce moyen n'était pas inopérant. Dès lors, le jugement est irrégulier et doit être annulé pour ce motif.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SCI Arguez devant le tribunal administratif de Lyon.
Sur la légalité de l'arrêté du 10 septembre 2013 :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. ". La décision en litige, qui relève que l'article A1 du règlement du PLU interdit les changements de destination des constructions existantes et indique que le projet emporte changement de destination du bâtiment, fait apparaître les motifs de droit et de fait qui la fondent, quand bien même elle ne précise pas la destination initiale du bâtiment. Elle est, par suite, suffisamment motivée.
5. En deuxième lieu, si le maire de Millery n'a pas fait état dans sa décision de la nouvelle qualification donnée au bâtiment par les services des impôts, il ne ressort pas pour autant des pièces du dossier qu'il n'aurait pas procédé à un réel examen de la demande de la SCI Aguez, alors au demeurant que cette qualification, sur une base déclarative, n'est pas déterminante pour apprécier la destination juridique d'un bien au regard des règles du code de l'urbanisme.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article A1 du règlement du PLU : " Occupations et utilisations du sol interdites, parmi lesquelles : (...) b) Les constructions à usage d'habitation, autres que celles visées à l'article 2 pour les seuls secteurs Ab (...) c) Le changement de destination des constructions existantes ".
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas allégué, que le bâtiment, si sa date de construction est inconnue, aurait été construit sans permis en raison de son ancienneté. Dès lors, le projet, qui vise à aménager une construction à usage d'habitation, ne peut être autorisé que si cette construction était déjà antérieurement à usage d'habitation. Doivent être regardées comme des constructions à usage d'habitation, au sens et pour l'application des dispositions de l'article précité, les édifices destinés, compte tenu de leurs caractéristiques propres, à l'habitation.
8. Il ressort des pièces du dossier que la construction existante, qui n'est plus occupée depuis les années 1980, se présente comme un bâtiment de deux étages, d'une emprise au sol de 62 m². Ainsi qu'il ressort du rapport d'évaluation du bien réalisé en 2006 par la SAFER et produit par la requérante, la construction comprenait sur une partie du bâtiment deux petites pièces habitées à l'étage, au-dessus d'une cave, et sur l'autre partie une ancienne remise d'une hauteur de cinq mètres, correspondant à la hauteur totale du bâtiment. Cette affirmation est corroborée par les photographies extérieures du bâtiment, la partie du bâtiment correspondant à l'ancienne remise ne comportant aucune ouverture si ce n'est un fenestron à mi-hauteur du mur. La SCI Arguez, pourtant seule à même d'apporter des éléments sur l'état intérieur du bâtiment, ne produit aucun élément venant établir que, comme elle le soutient la totalité de la partie supérieure du bâtiment aurait été habitée. Au demeurant, et ainsi qu'il ressort des témoignages produits, si le bien a pu être occupé, il ne l'a été que pendant la période estivale, en lien avec des activités agricoles. Ainsi, l'édifice, compte tenu de ses caractéristiques physiques, et notamment son aménagement, avait une destination principalement agricole. Dans ces conditions, le projet, qui a pour objet de transformer la totalité du bâtiment en habitation, en modifie sa destination. En s'opposant à la déclaration préalable de travaux, le maire de Millery n'a, par suite, pas méconnu les dispositions de l'article A1 du règlement du plan local d'urbanisme.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Millery, que la SCI Arguez n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du 10 septembre 2013 du maire de Millery est entaché d'illégalité et à en demander l'annulation.
Sur les frais d'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761 1 du code de justice font obstacle à ce que la somme que demande la SCI Arguez au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de la commune de Millery, qui n'est pas partie perdante. En application des mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI Arguez la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Millery.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 6 mars 2018 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La demande de la SCI Arguez devant le tribunal administratif de Lyon et le surplus de ses conclusions en appel sont rejetés.
Article 3 : La SCI Arguez versera à la commune de Millery la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Arguez et à la commune de Millery.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme F... G..., présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme E... D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 3 décembre 2019.
Le rapporteur,
Thierry Besse La présidente,
Dominique G...
La greffière,
Fabienne Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 18LY01654
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