Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. G... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté n° 2016-1 du 8 janvier 2016 par lequel le maire d'Aix-les-Bains lui a infligé la sanction de révocation.
Par un jugement n° 1601682 du 16 octobre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 19 décembre 2017 et un mémoire, enregistré le 9 janvier 2019, M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 octobre 2017 ;
2°) de mettre à la charge de la commune d'Aix-les-Bains la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
* le tribunal administratif de Grenoble n'a pas répondu au moyen tiré du détournement de pouvoir ;
* le tribunal administratif de Grenoble a fait application de la jurisprudence Danthony sans le prévenir préalablement, et a méconnu le principe du contradictoire et les droits de la défense ;
* c'est à bon droit que le tribunal a écarté les griefs tenant à l'insuffisance professionnelle ;
* les autres motifs n'étaient pas suffisants pour justifier une sanction de révocation ;
* le tribunal administratif de Grenoble n'a pas pris en compte ses états de service, notamment son ancienneté et l'absence de procédure disciplinaire antérieure ;
* la décision attaquée est entachée d'un détournement de pouvoir et de procédure.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 19 novembre 2018 et le 15 février 2019, la commune d'Aix-les-Bains, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. E... la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.
Il soutient que :
* le jugement n'est pas irrégulier ;
* la décision de sanction est fondée.
Par ordonnance du 19 mars 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 26 avril 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
* la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
* la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
* le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
* le rapport de M. Thierry, premier conseiller,
* les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
* et les observations de Me A..., représentant M. E..., et de Me H..., représentant commune d'Aix-les-Bains ;
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., attaché territorial, affecté aux services de la commune d'Aix-les-Bains depuis 2001 et spécifiquement aux fonctions de développeur économique depuis l'année 2012, a fait l'objet de la sanction de révocation par une décision du 8 janvier 2016 du maire de cette commune. Il relève appel du jugement rendu le 16 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement :
2. La sanction de révocation prise à l'encontre de M. E... a été motivée par l'obtention et l'utilisation frauduleuse de fichiers informatiques confidentiels contenant des informations sur des contentieux en cours et des correspondances qui ne lui étaient pas adressées. M. E... ne conteste pas avoir utilisé des moyens professionnels pour un usage personnel en faisant, au moins une fois, le plein de carburant avec les moyens de paiement de la commune d'Aix-les-Bains alors qu'il était en congés. Il ressort également des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté en appel, que M. E..., avec la complicité d'un autre agent, s'est procuré frauduleusement des fichiers informatiques confidentiels, contenant des informations sur des contentieux en cours et des correspondances qui ne lui étaient pas adressées.
3. Si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d'un jugement ayant acquis force de chose jugée s'imposent à l'administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité. Il appartient, dans ce cas, à l'autorité administrative, d'apprécier si les mêmes faits sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils justifient l'application d'une sanction. La matérialité des faits de piratage informatique mentionnés au point 2 du présent arrêt étant établie, la circonstance que M. E... a été relaxé des poursuites pénales engagées par la commune à ce sujet par un jugement correctionnel du tribunal de grande instance de Lyon ne suffit pas à entraîner l'illégalité de la sanction disciplinaire. La circonstance que M. E... a obtenu ces documents dans l'objectif de se défendre n'a pas pour effet d'ôter à ces agissements le caractère d'un manquement à l'obligation de probité et de loyauté qui s'impose à tout agent public, et qui étaient d'autant plus graves que l'intéressé, occupait à l'époque des faits un poste de cadre à responsabilités. Ceux-ci sont ainsi de nature à justifier une sanction disciplinaire.
4. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. E... aurait procédé lui-même au détournement des fichiers informatiques litigieux et que ceux-ci se rapportaient à des situations ou éléments confidentiels concernant d'autres personnes que lui-même. Les fichiers obtenus frauduleusement étaient relatifs sa propre situation et ont été collectés dans un contexte de tensions avec sa hiérarchie. Il n'est par ailleurs pas contesté que M. E... n'a jamais fait, auparavant, l'objet d'une sanction. Ce dernier est par suite fondé à soutenir que la commune d'Aix-les-Bains a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en choisissant de lui infliger la sanction, la plus grave du quatrième groupe, de révocation.
5. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Il est également fondé à demander l'annulation de la décision du 8 janvier 2016 par laquelle le maire de la commune d'Aix-les-Bains a prononcé sa révocation.
Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :
6. Les dispositions de L. 761-1 du code de justice administrative faisant obstacle à ce que soit mis à charge de M. E..., qui n'est pas la partie perdante, une somme à ce titre, les conclusions de la commune d'Aix-les-Bains en ce sens doivent être rejetées.
7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune d'Aix-les-Bains une somme au titre des frais non compris dans les dépens que M. E... a exposés.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°1601682 du 16 octobre 2017 du tribunal administratif de Grenoble et la décision du 8 janvier 2016 du maire de la commune d'Aix-les-Bains révoquant M. E... sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de la commune d'Aix-les-Bains relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié M. G... E... et à la commune d'Aix-les-Bains.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme C... B..., présidente de chambre,
Mme I..., présidente-assesseure,
M. Pierre Thierry, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 décembre 2019.
No 17LY043432