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26/11/2019 | FRANCE | N°18LY01383

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 26 novembre 2019, 18LY01383


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. G... K... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010, et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1506836 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer à hauteur de la majoration appliquée aux contributions sociales, dégrevée en cours d'instance

, a fait droit au surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. G... K... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010, et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1506836 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer à hauteur de la majoration appliquée aux contributions sociales, dégrevée en cours d'instance, a fait droit au surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 avril et 19 septembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 décembre 2017 ;

2°) de rétablir M. K... au rôle de l'impôt sur le revenu en droits et pénalités et de remettre à sa charge les contributions sociales et les pénalités dont le tribunal administratif a accordé la décharge ;

3°) de prescrire le reversement de la somme de 2 500 euros mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :

- M. K... a acquis des titres de la SA Vermont auprès des SC Sixtine et Flodrine à un prix significativement minoré par les parties pour dissimuler une libéralité ;

- compte tenu des relations d'intérêts existant entre les parties et de la connaissance que ces dernières possédaient de la valeur réelle de ces titres, cette opération a été réalisée dans une intention libérale ;

- M. K... a également bénéficié de la prise en charge, par la SC Sixtine, de la part de la commission qu'il aurait dû verser à la SARL GMBA Ingénierie pour sa prestation de recherche d'acquéreur lors de la revente ultérieure des titres lui appartenant de la SA Vermont ;

- les avantages résultant de ces deux opérations devaient être imposés en tant que distributions occultes sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts ;

- l'administration n'a pas entendu se placer sur le terrain de l'abus de droit pour fonder les rectifications en litige ;

- les impositions critiquées ne sauraient être qualifiées de confiscatoires ;

- eu égard au caractère délibéré des manquements constatés, l'application des pénalités prévues par l'article 1729 du code général des impôts était fondée.

Par des mémoires, enregistrés le 27 juillet 2018 et le 12 mars 2019, M. K..., représenté par Me I..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 20 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. K... soutient que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... F..., présidente assesseure,

- les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me I..., représentant M. K... ;

Une note en délibéré présentée par M. K... a été enregistrée le 26 septembre 2019 ;

Considérant ce qui suit :

1. M. G... K... détenait 50 % des parts de la SARL GMBA Ingénierie, laquelle exerçait une activité de conseil aux entreprises et dont la gérance était assurée par Mme D..., sa compagne, également associée de cette société à hauteur de 50 % des parts. M. K... était par ailleurs associé et membre du comité de direction de la SA Vermont, société holding qui détenait l'intégralité du capital de la SAS Vermont, laquelle exerçait une activité de fabrication d'articles en verre. Par un acte du 23 février 2010, M. K... a acquis, d'une part, auprès de la société civile (SC) Flodrine, société holding soumise à l'impôt sur les sociétés ayant pour gérant et associé principal M. C..., et, d'autre part, auprès de la SC Sixtine, société civile soumise à l'impôt sur les sociétés ayant pour gérant et associé principal M. M..., respectivement 9 633 et 7 490 actions de la SA Vermont dont le capital, divisé en 75 110 actions, était détenu, par ailleurs, par M. A... K..., M. J..., M. C..., M. M... et par lui-même, au prix de 218 861 euros et 174 891 euros, soit 22,72 euros et 23,35 euros par titre. A l'issue d'un contrôle sur pièces de la SC Flodrine et d'une vérification de comptabilité de la SC Sixtine, l'administration, estimant que les titres de la SA Vermont avaient été acquis à un prix délibérément minoré par les parties dissimulant une libéralité consentie par les sociétés vendeuses à l'acquéreur, a imposé entre les mains de M. K..., sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, la somme de 1 309 986 euros, représentant l'écart entre la valeur de ces titres, estimée à 1 703 738 euros, et le prix dont M. K... a bénéficié, soit 393 752 euros. Par ailleurs, le 29 décembre 2010, les actionnaires de la SA Vermont, dont M. K... détenait désormais 33,31 % du capital, ont cédé les titres qu'ils possédaient dans cette société à la SA Monverre. L'administration, constatant que l'intervention de la SARL GMBA Ingénierie, mandatée par l'ensemble des actionnaires de la SA Vermont pour rechercher un acquéreur des titres de cette société, avait été intégralement facturée à la SC Sixtine, a estimé que M. K..., en sa qualité d'associé de la SA Vermont, avait bénéficié d'une prestation à titre gratuit. Elle a en conséquence imposé, entre les mains de M. K..., sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, la somme de 139 436 euros, correspondant à la part lui incombant de la commission, d'un montant de 418 000 euros, facturée par la SARL GMBA Ingénierie à raison de la prestation effectuée au bénéfice de l'ensemble des actionnaires. En conséquence de ces deux rectifications, effectuées suivant la procédure contradictoire, M. K... a été assujetti, au titre de l'année 2010, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ont été appliquées des majorations pour manquement délibéré. Par un jugement du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir constaté un non-lieu à statuer partiel sur les conclusions relatives à la majoration appliquée aux contributions sociales dégrevée en cours d'instance, a prononcé la décharge du complément d'impôt sur le revenu assigné M. K..., des contributions sociales restant à sa charge après ce dégrèvement et des pénalités correspondantes. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel de ce jugement en tant qu'il a fait droit aux conclusions de la demande dans l'article 2 et qu'il a mis à la charge de l'administration une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans l'article 3.

Sur le bien-fondé de l'imposition des avantages occultes :

2. En vertu du 3 de l'article 158 du code général des impôts, sont notamment imposables à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, les revenus considérés comme distribués en application des articles 109 et suivants du même code. Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués:/ (...) c) Les rémunérations et avantages occultes (...) ". En cas d'acquisition par une société de titres à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de revenus au sens des dispositions précitées du c) de l'article 111 du code général des impôts. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer, et, pour le cocontractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession.

En ce qui concerne l'avantage obtenu lors de l'acquisition de titres de la SA Vermont :

3. La valeur vénale des titres d'une société non admise à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue. L'évaluation des titres d'une telle société doit être effectuée, par priorité, par référence au prix d'autres transactions intervenues dans des conditions équivalentes et portant sur les titres de la même société ou, à défaut, de sociétés similaires. En l'absence de telles transactions, celle-ci peut légalement se fonder sur la combinaison de plusieurs méthodes alternatives.

4. Il résulte de l'instruction que, pour déterminer la valeur vénale des titres de la SA Vermont, l'administration a calculé la valeur mathématique de ces titres, leur valeur de productivité ainsi qu'une survaleur ou goodwill. L'administration a ensuite retenu la moyenne de ces trois résultats selon une formule faisant intervenir deux fois la valeur mathématique pour une fois la valeur de productivité et une fois la survaleur. La valeur des titres de la SA Vermont a ainsi été fixée à 99,50 euros l'unité.

5. En premier lieu, M. K... fait valoir que la cession, le 7 janvier 2008, par la SC Axel, de 7 550 titres de la SA Vermont, correspondant à 10,05 % du capital de cette société, ainsi que la cession, le 23 février 2010, de 300 titres de cette même société par M. J..., retenant toutes deux un prix de 30 euros par action, constituent des transactions comparables à l'opération en litige, justifiant le prix auquel les titres de la SA Vermont lui ont été cédés.

6. Il est toutefois constant que la première cession à laquelle M. K... se réfère, réalisée par la SC Axel, dont le capital est détenu par Mme E..., ancienne cadre de la SA Vermont, au profit des SC Sixtine et Flodrine et de M. J..., également dirigeant de la société, est antérieure de deux ans à celle en litige. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que cette cession ait été effectuée dans un contexte économique équivalent à cette opération. Dans ces conditions, cette cession ne saurait être regardée comme comparable pour l'évaluation de la valeur vénale des titres de la SA Vermont au jour de la cession en litige. La seconde cession dont se prévaut M. K..., qui ne portait que sur 300 actions, représentant 0,4 % du capital de la SA Vermont, ne peut, eu égard au faible nombre de titres concernés, davantage être retenue pour évaluer la valeur vénale de ces titres. Si M. K... fait valoir que le tribunal de grande instance de Troyes a estimé, dans un jugement du 17 mai 2019, qu'il existait des transactions comparables à celle en litige, ce jugement ne saurait lier la cour dans son appréciation sur le point en litige. En l'absence de termes de comparaison pertinents, l'administration était, en conséquence, fondée à évaluer la valeur vénale des titres acquis par l'intimé en utilisant, comme elle l'a fait, des méthodes d'évaluation alternatives lui permettant d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date à laquelle la cession est intervenue.

7. En deuxième lieu, si M. K... fait état des difficultés rencontrées par la SAS Vermont, filiale à 100 % de la SA Vermont, résultant notamment de l'interdiction progressive de la vente des ampoules à incandescence ainsi que des problèmes de santé de M. C..., son dirigeant, et s'il produit les comptes de la SAS Vermont relatifs à l'exercice clos en 2009 qui font état d'une perte de 113 878 euros, il résulte de l'instruction, et, notamment, du rapport du président de la SAS Vermont à l'assemblée générale des actionnaires du 4 mai 2010 que ce dernier avait annoncé à cette date la poursuite de la progression de la production, la confirmation des commandes du " client pilote " et une exploitation bénéficiaire pour 2010. Il ressort en outre d'un rapport relatif à l'évaluation de la SA Vermont établi par un expert-comptable le 22 juin 2017 que la SAS Vermont avait conclu un accord avec un partenaire pour la fabrication des ampoules le 30 juillet 2010, que la production de 160 tonnes d'ampoules avait été engagée au mois de septembre 2010, que le chiffre d'affaires de l'année 2010 s'était élevé à un million d'euros environ, pour une production engagée en septembre de cette année, et que la trésorerie de la SAS Vermont avait augmenté d'un million d'euros par rapport à l'année précédente. Dans de telles conditions, il ne résulte pas de l'instruction que les perspectives d'avenir de la SA Vermont auraient été défavorables à la date de la cession en litige.

8. Enfin, et en tout état de cause, l'administration fait valoir, sans être contredite sur ce point, que la valeur vénale des titres qu'elle a retenue est confortée, d'une part, par la circonstance que, lors de la conclusion, le 8 janvier 2009, d'un mandat confié à la SARL GMBA Ingénierie afin que cette société recherche un acquéreur potentiel des titres de la SA Vermont, les actionnaires de cette société, parmi lesquels figure M. K..., ont expressément prévu que le prix de cession des titres ne pouvait être inférieur, sauf à parfaire, à 7,5 millions d'euros, soit un prix unitaire de 99,93 euros, d'autre part, par la présentation d'offres d'achat au prix de 106,5 euros par unité puis 109,17 euros par unité par M. et Mme H... les 14 janvier 2010 et 16 avril 2010 et enfin, par le fait que l'intégralité des titres de la SA Vermont a été vendue au prix de 108,50 euros par action le 29 décembre 2010, soit dix mois seulement après la cession en litige.

9. Il résulte de ce qui précède que l'administration établit que la valeur vénale des 17 123 titres de la SA Vermont acquis par M. K... ne pouvait être inférieure à 99,50 euros par unité, soit au total 1 703 738 euros. Eu égard à la différence, d'un montant de 1 309 986 euros, entre cette valeur et le prix de 393 752 euros dont M. K... a bénéficié, l'administration doit être regardée comme établissant l'existence d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale des titres cédés.

10. Pour justifier l'existence de contreparties à cette opération, M. K... fait valoir que, compte tenu de ses compétences et de sa connaissance approfondie de la SA Vermont, auprès de laquelle il est intervenu à divers titres depuis 1986, les SC Flodrine et Sixtine, en leur qualité de principales actionnaires de cette société, ont souhaité le fidéliser en lui ouvrant le capital de cette société, afin qu'il participe au rétablissement de la situation de cette dernière. M. K... fait également valoir que sa propre situation financière ne lui permettait pas d'acquérir les titres de la SA Vermont au prix retenu par l'administration. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction qu'il était de l'intérêt respectif des SC Sixtine et Flodrine que M. K..., qui intervenait déjà en tant que consultant auprès de la SA Vermont dont il était déjà par ailleurs associé et membre du comité de direction, devienne associé de cette société à hauteur de plus de 30 % du capital au prix d'une sous-évaluation importante du prix de cession des titres, alors, au demeurant, que, dans le même temps, d'autres offres à un prix proche de la valeur vénale retenue par l'administration étaient en discussion auprès d'autres acquéreurs. La contrepartie avancée par l'intimé n'apparaît, dès lors, pas justifier les conditions dans lesquelles la cession a été réalisée et l'avantage ainsi consenti. Par ailleurs, M. K... ne peut être regardé comme démontrant que, compte tenu de la situation particulière de la SA Vermont et de l'intérêt de le retenir en tant qu'" homme clé ", les SC Flodrine et Sixtine se seraient trouvées dans la nécessité de procéder à la cession à un prix minoré.

11. Pour justifier l'intention commune des parties de dissimuler une libéralité faite par les sociétés vendeuses à l'acquéreur, l'administration fait état des liens existant entre les SC Flodrine et Sixtine, d'une part, et M. K..., d'autre part, ces sociétés, comme d'ailleurs leurs dirigeants, MM. C... et M..., étant actionnaires, de même que M. K..., de la SA Vermont. L'administration fait également valoir que les parties avaient, compte tenu de leur implication respective dans la direction de la SA Vermont, en tant que membre du comité de direction pour M. K..., et au travers de leurs dirigeants, MM. C... et M..., pour les SC Flodrine et Sixtine, connaissance de la situation de la société dont les titres ont été cédés. Enfin l'administration indique que, dès lors que les SC Flodrine et Sixtine comme M. K... étaient signataires du mandat confié par les actionnaires de la SA Vermont à la SARL GMBA Ingénierie, dont M. K... est par ailleurs associé, en vue d'identifier un acquéreur potentiel des titres de cette société à un prix au moins égal à 7,5 millions d'euros, soit 99,93 euros par titre, et que d'autres offres d'achat avaient été formulées à un prix supérieur à 100 euros par action au début de l'année 2010, les parties ne pouvaient ignorer la valeur réelle des titres en litige. Dans ces conditions, et eu égard aux relations d'intérêt particulières existant entre les parties, l'administration apporte la preuve qui lui incombe de l'intention des SC Flodrine et Sixtine d'octroyer et de M. K... de recevoir une libéralité sous la forme d'une minoration du prix de la cession de titres en cause.

12. Il suit de là que l'administration a pu imposer entre les mains de M. K... la libéralité correspondant à la sous-évaluation du prix des titres de la SA Vermont lors de la cession intervenue le 23 février 2010 en tant qu'avantage occulte dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et que c'est à tort que, pour prononcer la décharge de ces impositions, le tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur la circonstance que l'administration n'apportait pas la preuve de ce que les parties auraient eu l'intention, pour MM. C... et M..., d'octroyer, et, pour M. K..., de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession, alors qu'il résulte de ce qui a été dit que l'opération en litige n'a pas été conclue entre MM. C... et M..., d'une part, et M. K..., d'autre part, mais entre M. K... et les SC Sixtine et Flodrine, lesquelles possèdent une personnalité juridique différente de celle de leurs actionnaires et gérants et ne sauraient ainsi être confondues avec ces derniers.

En ce qui concerne l'avantage correspondant à la prise en charge par la SC Sixtine de la commission due à la SARL GMBA Ingénierie :

13. Lorsqu'une société a pris en charge des dépenses incombant normalement à un tiers sans que la comptabilisation de cette opération ne révèle, par elle-même, l'octroi d'un avantage, il appartient à l'administration, si elle entend faire application des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts pour imposer, dans les mains du tiers, cette somme, d'établir, d'une part, que la prise en charge de cette dépense ne comportait pas de contrepartie pour la société, et d'autre part, qu'il existait une intention, pour celle-ci, d'octroyer, et pour le tiers, de recevoir, une libéralité.

14. La SC Sixtine, qui ne détenait que 48 575 des 75 110 titres de la SA Vermont, a déduit des résultats de son exercice clos le 31 décembre 2010 les frais de recherche d'acquéreur des 25 020 titres, représentant 33,31 % du capital, détenus par M. K... ainsi que des 1 515 titres détenus par les autres associés de cette société, parmi lesquels notamment M. M... et M. A... K.... Il résulte de l'instruction, et, notamment, des termes mêmes du contrat de mandat confié le 8 janvier 2009 par les associés de la SA Vermont à la SARL GMBA Ingénierie que la commission prévue en rémunération des prestations de recherche d'acquéreur, d'un montant de 350 000 euros HT soit 418 000 euros TTC, intégrait la recherche d'acquéreur des titres détenus par M. K.... Si le paiement de cette commission par la seule SC Sixtine était conforme aux stipulations du contrat de mandat, cette seule circonstance ne saurait être regardée comme constituant une contrepartie utile pour la SC Sixtine. L'administration établit, en conséquence, que la prise en charge, par la SC Sixtine, des frais de recherche d'acquéreur des titres détenus par M. K... ne s'est accompagnée d'aucune contrepartie avérée pour la société et que, dès lors, la prise en charge de ces frais par cette société n'a pas été effectuée dans son intérêt mais dans celui, exclusif, de M. K.... Cet avantage a pu, à bon droit, être fixé en référence à la part des droits de M. K... dans le capital de la SA Vermont, soit 139 436 euros. En faisant état des relations d'intérêts particulières existant entre M. K... et la SC Sixtine, en leur qualité respective de co-associés de la SA Vermont, des liens établis entre M. K... et le dirigeant et associé principal de la SC Sixtine, M. M..., dans la mesure où ils appartenaient tous les deux au comité de direction de la SA Vermont, de ce que l'ensemble des actionnaires de la SA Vermont ont signé le contrat de mandat exclusif du 8 janvier 2009, et enfin de la circonstance que M. K..., qui est le fondateur et l'associé majoritaire de la SARL GMBA Ingénierie, a lui-même réalisé la prestation de recherche d'acquéreur facturée par cette société, et est ainsi à la fois l'auteur et le bénéficiaire de la prestation en cause, dont il a accepté la prise en charge par une société tierce en toute connaissance de cause, l'administration établit l'intention pour la SC Sixtine, d'octroyer, et pour M. K..., de recevoir, une libéralité. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a considéré que M. K... a, du fait de la prise en charge par une société tierce des frais de cession de ses titres de la SA Vermont, bénéficié d'une libéralité constitutive d'un avantage occulte imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts.

15. Il suit de là que c'est à tort que, pour prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. K... a été assujetti à raison de l'avantage occulte dont il a bénéficié du fait de la prise en charge, par la SC Sixtine, des frais de recherche d'acquéreur des titres de la SA Vermont lui appartenant, le tribunal administratif de Grenoble a estimé que l'administration n'établissait ni qu'il n'était pas dans l'intérêt de la SA Vermont de régler à la SARL GMBA Ingénierie l'intégralité de la commission qui lui était due, ni que la SA Vermont détenait de ce fait une créance sur M. K... à hauteur du montant des titres qu'il détenait dans le capital de la SA Vermont à la date de la cession, alors, d'une part, que les distributions en cause procèdent d'un avantage consenti à M. K... par la SC Sixtine et non par la SA Vermont, de sorte que les considérations tenant à l'intérêt social de la SA Vermont ou aux créances détenues par cette dernière sur M. K... sont dépourvues de pertinence pour apprécier le bien-fondé des impositions, et, d'autre part, que la circonstance que les associés de la SA Vermont ont décidé, par le contrat de mandat du 8 janvier 2009, que la commission facturée par la SARL GMBA Ingénierie serait prise en charge par la seule SC Sixtine ne faisait nullement obstacle à ce que l'administration puisse valablement porter une appréciation sur le bénéfice, par M. K..., d'un avantage occulte résultant pour lui du bénéfice gratuit d'une prestation assurée par un tiers.

Sur les autres moyens invoqués par M. K... :

16. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. K... tant devant le tribunal administratif de Grenoble que devant la cour.

En ce qui concerne la procédure d'imposition :

17. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification. Les avis rendus font l'objet d'un rapport annuel qui est rendu public ".

18. Pour réévaluer la valeur réelle des titres de la SA Vermont acquis par M. K..., puis regarder l'insuffisance du prix facturé comme une libéralité consentie par les SC Sixtine et Flodrine à ce dernier, imposable entre ses mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, l'administration fiscale n'a pas écarté comme ne lui étant pas opposables les actes de cession conclus entre les SC Sixtine et Flodrine et M. K... mais a seulement estimé que la valeur vénale des titres acquis par M. K... avait été sous-évaluée et que cette sous-évaluation, conjuguée à l'intention libérale réciproque des parties à l'opération en cause, caractérisait l'existence d'un avantage occulte au sens du c de l'article 111 du code général des impôts. M. K... n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé des garanties prévues à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

19. M. K... soutient que les impositions auxquelles il a été assujetti ainsi que les majorations correspondantes présentent un caractère confiscatoire et portent atteinte à son droit de propriété. Toutefois, en dehors des cas et conditions où il est saisi sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, qui prévoit que : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé (...) ", il n'appartient pas au juge de l'impôt de se prononcer sur un moyen tiré de la non-conformité de la loi à une norme de valeur constitutionnelle. Dès lors que les impositions en cause ont été établies conformément à la loi dont la constitutionnalité n'est pas discutée par la voie d'une question prioritaire de constitutionnalité, le moyen ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne les pénalités :

20. Aux termes du 1 de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

21. Pour justifier l'application de la majoration pour manquement délibéré à la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu résultant de la minoration du prix de cession des titres de la SA Vermont le 23 février 2010, le service, après avoir relevé l'importance de l'écart de prix constaté, de l'ordre de 1 à 4, s'est fondé sur la circonstance que M. K... ne pouvait ignorer, en sa qualité d'actionnaire, de membre du comité de direction et d'ancien consultant de la SA Vermont, et d'associé et membre fondateur de la SARL GMBA Ingénierie, et dès lors qu'il avait signé le contrat de mandat du 8 janvier 2009 faisant état d'un prix minimal de vente très supérieur à celui retenu, que le prix des titres dont il avait bénéficié avait été manifestement sous-évalué. En outre, pour justifier l'application de cette pénalité à la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu résultant de la prise en charge par la SC Sixtine du coût de la prestation de recherche d'acquéreur des titres appartenant à l'intimé, l'administration a relevé qu'en tant que signataire du contrat de mandat confié à la SARL GMBA Ingénierie, dont il était par ailleurs l'associé et le membre fondateur et dont la gérance était assurée par sa compagne, M. K... était nécessairement informé que la rémunération de l'entremise effectuée par cette société n'incombait pas exclusivement à la SC Sixtine, qui ne détenait que 64,67 % des titres, mais également à lui-même, en sa qualité d'actionnaire de la SA Vermont à hauteur de 33,31 %. En se fondant sur ces éléments, l'administration doit être regardée comme établissant l'intention délibérée de M. K... de minorer l'impôt dont il était redevable. Par suite, c'est à bon droit que le service a infligé au contribuable la pénalité pour manquement délibéré prévue au a) de l'article 1729-1 du code général des impôts.

22. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales et des majorations restant à la charge de M. K... au titre de l'année 2010. Par suite, il y a lieu d'annuler l'article 2 du jugement attaqué, de rétablir M. K... au rôle de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010, en droits et pénalités, et de remettre à sa charge les contributions sociales et les pénalités dont la décharge a été prononcée par ce jugement.

Sur les frais de l'instance devant le tribunal administratif :

23. L'article 3 du jugement attaqué a mis une somme de 2 500 euros à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Compte tenu du dégrèvement de la majoration appliquée aux contributions sociales prononcé par l'administration en première instance, c'est à bon droit que le tribunal a considéré que l'Etat était la partie perdante dans cette instance. Il en résulte que, quand bien même le présent arrêt remet à la charge de M. K... les impositions contestées, les conclusions du ministre tendant au reversement de la somme de 2 500 euros mise à la charge de l'Etat par le jugement attaqué ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n°1506836 du tribunal administratif de Grenoble du 21 décembre 2017 est annulé.

Article 2 : A l'exception de la majoration appliquée aux contributions sociales, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que les majorations correspondantes auxquelles M. K... a été assujetti au titre de l'année 2010 sont remises à sa charge.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. K... et du ministre de l'action et des comptes publics est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à M. G... K....

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme F..., présidente assesseure,

Mme L..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 26 novembre 2019.

La rapporteure,

A. F...

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

L. Francius

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 18LY01383 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01383
Date de la décision : 26/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : S.E.L.A.F.A. FIDUFRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-11-26;18ly01383 ?
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