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21/11/2019 | FRANCE | N°19LY01291

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 21 novembre 2019, 19LY01291


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 2 février 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé l'association Unidom 21 à le licencier pour un motif économique et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1500946 du 16 février 2016, le tribunal administratif d

e Dijon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16LY01393 du 16 novembre 2017, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 2 février 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé l'association Unidom 21 à le licencier pour un motif économique et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1500946 du 16 février 2016, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16LY01393 du 16 novembre 2017, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. C... B... contre ce jugement.

Par une décision n° 417372 du 1er avril 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt et a renvoyé à la cour le jugement de l'affaire, désormais enregistrée sous le n° 19LY01291.

Procédure devant la cour

Par des mémoires, enregistrés le 7 mai et le 2 août 2019, l'association Unidom 21 maintient par les mêmes moyens ses conclusions tendant au rejet de la requête de M. C... B..., à sa condamnation à lui verser une indemnité de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral et à ce que soit mise à la charge du requérant une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires, enregistrés les 7 mai et 15 octobre 2019, M. C... B... maintient, par les mêmes moyens, les conclusions de sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Dijon du 7 janvier 2016 et de la décision ministérielle du 2 février 2015 et à ce que soit mise à la charge de l'association Unidom 21 la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de l'association Unidom 21 tendant à obtenir la réparation du préjudice résultant d'un usage abusif par M. C... B... du droit de saisir la juridiction administrative, nouvelles en appel.

Par un mémoire, enregistré le 25 septembre 2019, l'association Unidom 2 maintient par les mêmes moyens ses conclusions tendant au rejet de la requête de M. C... B... et à ce que soit mise à la charge du requérant une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

* le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

* les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

* et les observations de Me Llamas, avocat de l'association Unidom 21, confirmant à l'audience son désistement de ses conclusions indemnitaires ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C... B..., qui exerçait le mandat de conseiller prud'homme, a été embauché, sous contrat à durée déterminée signé le 20 janvier 2014, par l'association Unidom 21, qui propose des services d'aides à domicile, initialement pour une durée minimale de quinze jours, pour assurer le remplacement d'un salarié en congé de maladie jusqu'au 31 janvier 2014 et qui exerçait les fonctions de responsable de secteur à plein temps. L'arrêt de travail du salarié remplacé par M. C... B... ayant pris fin le 17 mars 2014, l'association qui l'employait l'a informé de ce qu'elle n'était pas en mesure de l'embaucher dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée mais pouvait seulement lui proposer un nouveau contrat à durée déterminée à temps partiel, ce que M. C... B... a refusé, et il a alors été pris acte de la fin du contrat à durée déterminée conclu le 20 janvier 2014. Le 10 avril 2014, M. C... B... a toutefois sollicité sa réintégration au motif que la rupture de son contrat de travail était entachée d'irrégularité en l'absence d'une autorisation par l'inspecteur du travail. Après avoir réintégré l'intéressé dans ses effectifs, l'association Unidom 21 a sollicité l'autorisation de licencier M. C... B... pour un motif économique. Par une décision du 25 juillet 2014, l'inspecteur du travail a refusé d'accorder cette autorisation au motif que le motif économique invoqué n'était pas établi par les pièces produites. L'association Unidom 21 a alors saisi, le 2 septembre 2014, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social d'un recours hiérarchique. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'administration pendant quatre mois, mais par une décision du 2 février 2015, le ministre a, retirant ce rejet implicite de recours hiérarchique, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 25 juillet 2014 et autorisé le licenciement de M. C... B.... Par un jugement du 16 février 2016, le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de M. C... B... tendant à l'annulation de cette décision ministérielle en tant qu'elle autorisait l'association Unidom 21 à le licencier. Par un arrêt du 16 novembre 2017, la cour a rejeté son appel formé contre ce jugement. Par la décision susmentionnée du 1er avril 2019, le Conseil d'Etat, à la demande de M. C... B..., a annulé l'arrêt de la cour du 16 novembre 2017, au motif d'une irrégularité tenant à la communication après la clôture de l'instruction de pièces produites par le ministre du travail, et a renvoyé le jugement de l'affaire à la cour.

Sur la légalité de la décision ministérielle en litige :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Aux termes des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, aujourd'hui codifiées aux articles L. 121-1, L. 122-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative compétente pour adopter une décision individuelle entrant dans leur champ de mettre elle-même la personne intéressée en mesure de présenter des observations. Il en va de même, à l'égard du bénéficiaire d'une décision, lorsque l'administration est saisie par un tiers d'un recours hiérarchique contre cette décision. Ainsi, le ministre chargé du travail, saisi sur le fondement des dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail, d'un recours contre une décision refusant d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé, doit mettre le salarié au profit duquel la décision contestée a créé des droits à même de présenter ses observations, notamment par la communication de l'ensemble des éléments sur lesquels le ministre entend fonder sa décision. Ainsi, le salarié protégé doit être mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de son recours hiérarchique, dans des conditions et des délais lui permettant de faire valoir ses observations sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer le ministre du travail de cette obligation.

3. Il ressort des pièces du dossier, notamment d'une lettre du ministre du 15 janvier 2015 et d'une attestation du 4 novembre 2014 signée par M. C... B..., que ce dernier s'est vu communiquer le recours hiérarchique présenté par l'association Unidom 21 et la liste des vingt-cinq pièces jointes, et qu'il a été informé de la possibilité de consulter lesdites pièces et de présenter des observations, qu'il a d'ailleurs présenté des observations écrites les 10 octobre 2014 et 25 janvier 2015, et qu'il a consulté les pièces jointes au recours hiérarchique le 4 novembre 2014 et présenté des observations orales à l'occasion de la contre-enquête organisée par l'administration le même jour. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier qu'il aurait expressément demandé copie des pièces jointes au recours hiérarchique et que l'administration se serait opposée à la communication de copies. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire au motif que M. C... B... n'aurait pas reçu communication d'une copie des vingt-cinq pièces jointes au recours hiérarchique en même temps qu'il a eu communication du recours lui-même et qu'il n'a eu connaissance desdites pièces que trente minutes avant l'entretien organisé le 4 novembre 2014 dans le cadre de la contre-enquête ne peut être accueilli, alors au demeurant qu'il n'appartenait pas à l'association Unidom 21 de procéder elle-même à la communication à l'intéressé de telles pièces.

En ce qui concerne la légalité interne :

4. Aux termes de l'article L. 2412-1 du code du travail : " Bénéficie de la protection en cas de rupture d'un contrat à durée déterminée prévue par le présent chapitre le salarié investi de l'un des mandats suivants : (...) 13° Conseiller prud'homme (...) ". Aux termes de l'article L. 2421-8 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " L'arrivée du terme du contrat de travail à durée déterminée n'entraîne sa rupture qu'après constatation par l'inspecteur du travail, saisi en application de l'article L. 2412-1, que le salarié ne fait pas l'objet d'une mesure discriminatoire. / L'employeur saisit l'inspecteur du travail un mois avant l'arrivée du terme. / L'inspecteur du travail statue avant la date du terme du contrat ".

5. Il résulte de ces dispositions que lorsque l'employeur, à l'arrivée du terme du contrat à durée déterminée, n'a pas saisi l'inspecteur du travail dans les conditions prévues par l'article L. 2421-8 du code du travail, ce contrat n'est pas rompu. Lorsque l'inspecteur du travail a été saisi par l'employeur, il appartient seulement à l'administration du travail de vérifier que la rupture du contrat ne présente pas un caractère discriminatoire, qu'elle a été valablement saisie et, par suite, que le salarié n'est pas devenu, du fait du non-respect par l'employeur de la législation, titulaire d'un contrat à durée indéterminée, le terme du contrat à durée déterminée se trouvant alors prorogé dans l'attente de la décision de l'inspecteur du travail ou, en cas de recours hiérarchique, du ministre.

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, au terme du contrat à durée déterminée par lequel elle avait embauché M. C... B... pour le remplacement d'un salarié malade, dont l'arrêt de travail avait pris fin le 17 mars 2014, l'association Unidom 21, après avoir informé M. C... B... de ce qu'elle n'était pas en mesure de l'embaucher dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée mais pouvait seulement lui proposer un nouveau contrat à durée déterminée à temps partiel, refusé par ce dernier, a pris acte de la fin du contrat à durée déterminée conclu le 20 janvier 2014, sans avoir saisi l'inspecteur du travail d'une demande tendant à ce qu'il constate que ce salarié protégé ne faisait pas l'objet d'une mesure discriminatoire, de sorte que l'arrivée du terme du contrat à durée déterminée n'a pas entraîné sa rupture, ce qui a conduit ladite association à réintégrer M. C... B... dans ses effectifs pour l'exécution de son contrat initial, dans l'attente de la décision de l'inspecteur puis du ministre du travail. Il ressort des pièces du dossier que l'association Unidom 21 avait constaté que M. C... B..., qui réunissait le moins de points sur l'application, aux quatre responsables de secteur, des critères cumulés d'ordre des licenciements prévus par le code du travail, ressortait comme le moins prioritaire parmi ces salariés. Dès lors, la demande d'autorisation de licenciement de M. C... B... présentée par cette association, alors au demeurant qu'il lui appartenait seulement de saisir l'inspection du travail d'une demande tendant à ce qu'elle constate que ce salarié protégé ne faisait pas l'objet d'une mesure discriminatoire, ne reposerait pas sur un motif économique, dont la réalité n'est au demeurant plus contestée en appel par le requérant, n'était pas fondée, contrairement à ce que soutient le requérant, sur un motif inhérent à sa personne ou en lien avec son mandat.

7. En deuxième lieu, lorsqu'il est saisi d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, le ministre compétent doit, soit confirmer cette décision, soit, si celle-ci est illégale, l'annuler puis se prononcer de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il prend sa propre décision.

8. Il ressort des pièces du dossier que le ministre a fait réaliser par ses services une contre-enquête à la fin de l'année 2014 au cours de laquelle il a apprécié, au vu des éléments produits, notamment le bilan provisoire de l'association Unidom 21 au 30 septembre 2014, et des informations recueillies lors de l'entretien réalisé le 4 novembre 2014, si les difficultés économiques invoquées persistaient et si des possibilités de reclassement existaient. Par suite, le moyen tiré de ce que le ministre, après avoir annulé la décision de l'inspecteur du travail, n'aurait pas statué au vu des circonstances de fait à la date de sa propre décision doit être écarté comme manquant en fait.

9. En dernier lieu, si M. C... B... soutient qu'alors qu'il appartenait à l'association Unidom 21 de rechercher si un reclassement était possible, elle ne lui a pas proposé le poste de directeur de l'association, vacant à la suite d'un licenciement de son titulaire pour motif disciplinaire à partir du 25 février 2014, l'association établit que le poste de directeur, dont elle produit la fiche, exige une qualification spécifique, à savoir l'obtention d'un diplôme de niveau 1 dans le secteur sanitaire et social, de type CAFDES (Certificat d'aptitude aux fonctions de directeur d'établissement ou de service d'intervention sociale) que M. C... B... ne possède pas. Il ne ressort pas, par ailleurs, des pièces du dossier qu'il existait des possibilités de reclassement de M. C... B... à la date à laquelle le ministre a pris sa décision. Dès lors, le moyen tiré d'une insuffisante recherche de reclassement doit être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que M. C... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions de l'association Unidom 21 tendant à la condamnation de M. C... B... au titre d'une procédure abusive :

11. Par un mémoire enregistré au greffe de la cour le 25 septembre 2019, l'association Unidom 21 a maintenu ses seules conclusions tendant au rejet de la requête de M. C... B... et à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par ledit mémoire, l'association Unidom 21 a entendu ainsi se désister de ses conclusions indemnitaires présentées par voie reconventionnelle. Rien ne fait obstacle à ce qu'il soit donné acte de ce désistement qui est pur et simple.

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association Unidom 21, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. C... B..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... B... le versement à l'association Unidom 21 de la somme de 1 000 euros au même titre.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... B... est rejetée.

Articles 2 : Il est donné acte du désistement des conclusions indemnitaires de l'association Unidom 21.

Article 3 : M. C... B... versera la somme de 1 000 euros à l'association Unidom 21 en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... B..., à l'association Unidom 21 et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Rémy-Néris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 novembre 2019.

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N° 19LY01291

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01291
Date de la décision : 21/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : MVA MENDEL - VOGUE ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-11-21;19ly01291 ?
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