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21/11/2019 | FRANCE | N°17LY03483

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 21 novembre 2019, 17LY03483


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 23 mars 2015 par laquelle le directeur régional de Rhône-Alpes Nord de La Poste lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée d'un an assortie d'un sursis de trois mois et de condamner la société La Poste à réparer son préjudice moral à hauteur de 15 000 euros et son préjudice financier à hauteur de 22 392 euros.

Par jugement n° 1503526 du 27 juillet 2017, le tribunal administratif

de Grenoble a rejeté la requête de M. E....

Procédure devant la cour

Par une r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 23 mars 2015 par laquelle le directeur régional de Rhône-Alpes Nord de La Poste lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée d'un an assortie d'un sursis de trois mois et de condamner la société La Poste à réparer son préjudice moral à hauteur de 15 000 euros et son préjudice financier à hauteur de 22 392 euros.

Par jugement n° 1503526 du 27 juillet 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la requête de M. E....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 26 septembre 2017 et des mémoires enregistrés les 10 août 2018 et 11 juillet 2019, M. E..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 juillet 2017 ;

2°) d'annuler la décision n° 45 du 23 mars 2015 confirmant la décision portant sanction disciplinaire n° 83 du 12 juin 2014 par laquelle le directeur régional de Rhône-Alpes Nord de La Poste a prononcé à son encontre la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an assortie de trois mois de sursis, de condamner La Poste à lui verser les sommes de 15 000 euros et de 22 392 euros en réparation de son préjudice moral et de son préjudice financier, outre intérêts de retard, capitalisés, à compter de la réception de sa réclamation préalable et d'enjoindre au directeur régional de Rhône-Alpes Nord de La Poste de le rétablir dans ses droits à retraite ;

3°) de mettre à la charge de La Poste une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision du 23 mars 2015 ne mentionne pas expressément qu'elle annule et remplace la décision du 12 juin 2014 ;

- elle est entachée d'erreur de qualification juridique des faits ;

- certaines fautes ne sont pas établies ;

- la première décision sur laquelle l'ensemble de la procédure repose est illégale en raison de l'irrégularité de la composition du conseil de discipline ;

- aucune disposition statutaire ne prévoit la possibilité de prononcer un sursis ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- La Poste a commis une faute engageant sa responsabilité et doit supporter la réparation intégrale de son préjudice moral et financier.

Par des mémoires en défense enregistrés les 20 février 2018 et 17 mai 2019, la direction régionale du réseau La Poste de Rhône-Alpes Nord, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête de M. E... et à ce que soit mise à sa charge une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de M. E... est irrecevable dès lors qu'elle ne contient aucun moyen d'appel ;

- à titre subsidiaire, les moyens invoqués ne sont pas fondés.

La direction régionale du réseau La Poste de Rhône-Alpes Nord a produit un mémoire le 17 octobre 2019 qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- le décret n° 94-130 du 11 février 1994 relatif aux commissions administratives paritaires de La Poste ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,

- les observations de M. E... et de Me D..., substituant Me A..., avocat de La Poste.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... E..., guichetier référent affecté au bureau de poste des Contamines-Montjoie, s'est vu infliger la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée d'un an assortie d'un sursis de trois mois par une décision du 12 juin 2014. Il a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 23 mars 2015 confirmant la décision portant sanction disciplinaire n° 83 du 12 juin 2014 précitée et de condamner la société La Poste à réparer son préjudice moral à hauteur de 15 000 euros et son préjudice financier à hauteur de 22 392 euros. Il relève appel du jugement du 20 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l'encontre d'une décision administrative un recours gracieux devant l'auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L'exercice du recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s'il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé à courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d'interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.

3. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 23 mars 2015 doit être considérée comme une décision de rejet du recours gracieux présenté par M. E... à l'encontre de la décision du 12 juin 2014 portant sanction disciplinaire. En vertu du principe précédemment rappelé, M. E... demande l'annulation de la décision du 12 juin 2014 par laquelle La Poste a prononcé à son encontre la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an, assortie de trois mois de sursis.

4. En premier lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit, les vices propres entachant la décision du 23 mars 2015 de rejet de son recours gracieux sont sans incidence sur la légalité de la sanction disciplinaire infligée le 12 juin 2014 à M. E.... Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision du 23 mars 2015 serait illégale en ce qu'elle n'annule pas expressément la décision du 12 juin 2014 est inopérant.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 27 du décret susvisé du 11 février 1994 : " Les commissions administratives sont présidées par le directeur auprès duquel elles sont placées ou, en cas d'empêchement, par son représentant ". Il ressort des pièces du dossier que la sanction infligée à M. E... a été signée par la directrice des ressources humaines, Mme B..., qui a également présidé la commission administrative paritaire ayant siégé en conseil de discipline, le 19 mai 2014. Mme B... ayant agi en vertu d'une délégation régulièrement publiée, consentie par le directeur régional le 1er octobre 2013 en sa double qualité d'autorité disciplinaire et de président de la commission de discipline, ainsi qu'en dispose l'article 27 précité du décret du 11 février 1994, le défaut d'impartialité allégué, tiré de l'identité de l'autorité chargée de ces deux fonctions, ne saurait résulter du respect par La Poste de ces dispositions.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public (...) ". Aux termes de l'article 29 de cette même loi : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire ".

7. Il incombe à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

8. Il ressort des pièces du dossier que plusieurs instructions relatives au fonctionnement et à la sécurité du bureau de poste avaient été délivrées par l'autorité hiérarchique à M. E... sous forme de fiche-master ou par le biais du règlement intérieur du bureau de poste afin de limiter le montant des encaisses et d'assurer la sécurité des fonds déposés. Suite à la constatation de l'effraction et du vol d'espèces au sein de ce bureau de poste, le lundi 4 novembre 2013, le rapport du service national d'enquête a permis d'établir que M. E... n'avait pas respecté ces consignes de sécurité. En admettant, ainsi qu'il le soutient, qu'il ait été commercialement contraint de recevoir des sommes supérieures à l'encaisse autorisée, il devait à tout le moins en informer sa hiérarchie et s'enquérir des mesures à prendre, ce dont il s'est abstenu. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la matérialité des manquements reprochés ne serait pas établie ni que ces manquements seraient insusceptibles d'être qualifiés de manquements disciplinaires.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes [par ordre de gravité croissante]. (...) / Troisième groupe : (...) - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. / (...) L'exclusion temporaire de fonctions, qui est privative de toute rémunération, peut être assortie d'un sursis total ou partiel. Celui-ci ne peut avoir pour effet, dans le cas de l'exclusion temporaire de fonctions du troisième groupe, de ramener la durée de cette exclusion à moins de un mois (...) " ;

10. D'une part, et contrairement à ce que soutient le requérant, les dispositions précitées de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 prévoient expressément que la sanction d'exclusion temporaire de fonctions peut être assortie d'un sursis. Dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision, en tant qu'elle comporte un sursis, méconnaîtrait les dispositions précitées doit être écarté.

11. D'autre part, eu égard à l'impact des manquements imputés à M. E... sur le fonctionnement du service et à leur caractère réitéré, la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire du service d'une durée d'un an, qui est d'une gravité médiane au regard du plafond fixé par les dispositions de l'article 66 précité, n'apparaît pas disproportionnée.

12. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par La Poste, que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation.

Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :

13. Le présent arrêt ne censurant pas la sanction en litige, M. E... n'est pas fondé à engager la responsabilité de la société La Poste à raison des conséquences de son éviction temporaire du service. Par suite, les conclusions à fin d'indemnisation de la requête ne peuvent qu'être rejetées.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... la somme demandée par La Poste au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par La Poste tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et à La Poste.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 novembre 2019.

N° 17LY03483


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17LY03483
Date de la décision : 21/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-09-03 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : PICCAMIGLIO

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-11-21;17ly03483 ?
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