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21/11/2019 | FRANCE | N°17LY02240

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 21 novembre 2019, 17LY02240


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Voyages Monnet a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 10 novembre 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de la 4ème section du département de l'Isère a refusé d'autoriser le licenciement pour motif économique de M. C... B... la décision implicite du 23 avril 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté son recours hiérarchique, ensemble la décision explicite du 23 juin 2015 par laquel

le le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Voyages Monnet a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 10 novembre 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de la 4ème section du département de l'Isère a refusé d'autoriser le licenciement pour motif économique de M. C... B... la décision implicite du 23 avril 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté son recours hiérarchique, ensemble la décision explicite du 23 juin 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique.

Par un jugement nos 1503813-1505470 du 10 avril 2017, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions en annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 10 novembre 2014 et a rejeté le surplus des conclusions de la requête présentée par la société Voyages Monnet.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 7 juin 2017 et un mémoire enregistré le 7 mai 2018, la société Voyages Monnet, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 avril 2017 en ce qu'il a rejeté sa demande d'annulation du refus d'autoriser le licenciement de M. B... prise le 23 juin 2015 par le ministre du travail ;

2°) d'annuler la décision du 23 juin 2015 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête devant le tribunal administratif de Grenoble était recevable ;

- la décision du ministre chargé du travail du 23 juin 2015 et le jugement du tribunal administratif de Grenoble ont ajouté une condition à l'accord du 7 juillet 2009 ;

- M. B... était principalement et majoritairement affecté au lot n° 11 lors de la perte du marché fin 2013, puis après cette date il a été réaffecté à un autre marché à hauteur de 98,3% de son temps de travail ; toutefois ce dernier marché a été repris au mois de juillet 2014 par la société Perraud ; M. B... a, à chaque fois, refusé son transfert ; il a été informé de la proposition de contrat de conducteur période scolaire, s'est entretenu téléphoniquement avec la directrice des ressources humaines de la société Perraud et a pu obtenir toute information complémentaire dans le cadre du délai de réflexion qui lui a été laissé ; il ne peut dès lors soutenir qu'il n'a pas obtenu les informations suffisantes lui permettant d'apprécier la suite à donner à la proposition de poste ;

- la convention collective, ni aucune disposition légale ou jurisprudentielle, ne mettent en place une chronologie entre la demande d'accord du salarié pour son transfert et la demande d'autorisation de transfert auprès de l'administration ;

- l'inspectrice du travail, informée de la situation de M. B..., lors de l'examen des demandes d'autorisation de transfert de deux autres salariés protégés, n'a émis aucune contestation et a logiquement considéré qu'elle n'avait pas à être saisie d'une quelconque autorisation de transfert d'un salarié qui avait d'ores et déjà refusé ce dernier ;

- compte tenu du refus du salarié du transfert de son contrat de travail, la demande de transfert auprès de l'inspection du travail n'aurait eu aucun intérêt ni aucune conséquence.

Par un mémoire enregistré le 2 février 2018, M. C... B..., représenté par Me E... conclut au rejet de la requête et demande à ce que soit mis à la charge de la société Voyages Monnet le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le recours présenté par la société Voyages Monnet est irrecevable en raison de sa tardiveté ;

- à titre subsidiaire, le moyen invoqué n'est pas fondé en l'absence de demande d'autorisation de transfert auprès de l'inspection du travail alors qu'il n'a jamais fait part d'un refus de transfert vers la société Perraud ; d'autres motifs sont de nature à induire un refus d'autorisation de licenciement et notamment l'irrégularité de la procédure de consultation, l'absence de motifs économiques établis et compte tenu de la méconnaissance de l'obligation de reclassement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me A..., substituant Me D... pour la société Voyages Monnet.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., recruté par la société Voyages Monnet, filiale du groupe Keolis à compter du 22 septembre 2003 en qualité de conducteur dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, détenait des mandats de membre titulaire du comité d'entreprise et de délégué syndical et était affecté sur la mise en oeuvre du marché 2011-104. Le groupe Keolis a décidé la liquidation de la société Voyages Monnet avec la reprise partielle de l'activité par une autre filiale du groupe, la société Train Bleu, et a dénoncé successivement plusieurs marchés et notamment le marché 2011-104, lequel a été repris par la société Perraud. Par une décision du 10 novembre 2014, l'inspectrice du travail, après avoir constaté que la procédure suivie par la société était irrégulière, a refusé d'autoriser le licenciement de M. B.... La société Voyages Monnet a présenté un recours hiérarchique, le 22 décembre 2014, implicitement rejeté le 23 avril 2015. Cette décision implicite a été explicitement confirmée par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social par une décision du 23 juin 2015. La société Voyages Monnet relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus d'autoriser le licenciement de M. B... prise le 23 juin 2015 par le ministre du travail.

2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés protégés bénéficient d'une protection exceptionnelle instituée dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, afin d'éviter que ces salariés ne fassent l'objet de mesures discriminatoires dans le cadre d'une procédure de licenciement ou de transfert partiel d'entreprise. Le transfert d'un salarié protégé doit être autorisé par l'inspecteur du travail non seulement lorsque sont réunies les conditions prévues à l'article L. 1224-1 du code du travail mais également lorsque le transfert partiel résulte, en cas de perte d'un marché, des stipulations d'une convention collective ou d'un accord collectif, sans que la circonstance que le salarié ait refusé le transfert de son contrat de travail emporte une incidence quant à la nécessité de procéder, préalablement à une demande d'autorisation de licenciement, à une demande d'autorisation de transfert de son contrat de travail.

3. Aux termes de l'article 2 de l'accord portant sur la garantie d'emploi et la poursuite des relations de travail en cas de changement de prestataire dans le transport interurbain de voyageurs du 7 juillet 2009 : " Lorsque les conditions pour l'application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas remplies, les parties prévoient la continuité de l'emploi des salariés affectés au marché concerné dans les conditions stipulées ci-dessous, (...) ". Aux termes de l'article 2.4 de cet accord : " Situation particulière des représentants du personnel transférables : le transfert se fera, sous réserve des éventuelles autorisations administratives, dans le respect des dispositions légales et de l'application qui en est faite par la jurisprudence. / Le personnel ne satisfaisant pas aux conditions requises pour bénéficier d'un maintien de son emploi au sein de l'entreprise entrante ou refusant son transfert reste sous la responsabilité de l'entreprise sortante. Par ailleurs, par dérogation, le temps de présence de ces salariés acquis dans l'entreprise sortante sera pris en compte pour apprécier le respect des conditions d'éligibilité aux élections des représentants du personnel organisée dans l'entreprise entrante ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la situation de M. B..., affecté pour la quasi-totalité de son temps de travail sur le marché 2011-104 exécuté initialement par la société Voyages Monnet puis repris par la société Perraud, entrait dans le champ d'application de l'accord précité. En vertu des dispositions citées au point 2 du présent arrêt, la société Voyages Monnet devait, préalablement à la demande d'autorisation de licenciement de M. B... auprès de l'inspection du travail, saisir cette même autorité d'une demande de transfert de son contrat de travail auprès de la société Perraud, alors même que M. B... aurait refusé un tel transfert, circonstance qui ne relève pas du contrôle de l'inspecteur du travail saisi dans une telle hypothèse.

5. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par M. B..., que la société Voyages Monnet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. B... et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Voyages Monnet est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... tendant à la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Voyages Monnet, à M. C... B... et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 novembre 2019.

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N° 17LY02240

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17LY02240
Date de la décision : 21/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique. Obligation de reclassement.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : FROMONT BRIENS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-11-21;17ly02240 ?
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