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21/11/2019 | FRANCE | N°17LY02239

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 21 novembre 2019, 17LY02239


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Voyages Monnet a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 10 novembre 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de la 4ème section du département de l'Isère a refusé d'autoriser le licenciement pour motif économique de Mme C... B..., ensemble la décision explicite du 23 juin 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé le rejet implicite de son recours hiérarchique, né le 23 avril 2015. r>
Par un jugement nos 1503803-1505467 du 10 avril 2017, le tribunal administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Voyages Monnet a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 10 novembre 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de la 4ème section du département de l'Isère a refusé d'autoriser le licenciement pour motif économique de Mme C... B..., ensemble la décision explicite du 23 juin 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé le rejet implicite de son recours hiérarchique, né le 23 avril 2015.

Par un jugement nos 1503803-1505467 du 10 avril 2017, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions en annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 10 novembre 2014 et a annulé la décision du 23 juin 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a refusé d'autoriser le licenciement de Mme B....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 7 juin 2017, Mme C... B..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 avril 2017 en tant qu'il a annulé la décision du 23 juin 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a refusé d'autoriser son licenciement ;

2°) de mettre à la charge de la société Voyages Monnet une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la réalité du motif économique fondant la demande d'autorisation de licenciement n'est pas démontrée ;

- à titre subsidiaire, la procédure de consultation est entachée d'irrégularité en ce que la décision de cessation d'activité et les mesures prises par la direction dans ce cadre devaient faire l'objet d'une consultation distincte de celle relative au projet de licenciement ; le comité d'entreprise n'a pas été régulièrement consulté au regard du projet de réorganisation de l'entreprise et du projet de licenciement ;

- à titre infiniment subsidiaire, l'obligation de reclassement a été méconnue.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 août 2017, la société Voyages Monnet, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête de Mme B... et demande à la Cour de mettre à la charge de la requérante le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me A..., substituant Me E... pour la société Voyages Monnet.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., employée en qualité d'agent commercial depuis le 21 octobre 2002, détenait les mandats de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de la délégation unique du personnel auprès de la société Voyages Monnet. Le groupe Keolis a décidé la liquidation de la société Voyages Monnet avec la reprise partielle de l'activité par une autre filiale du groupe et a dénoncé successivement plusieurs marchés. Par une décision du 10 novembre 2014, l'inspectrice du travail, après avoir constaté que les décisions de restructuration de la société n'avaient été précédées d'aucune consultation du comité d'entreprise, a refusé d'autoriser le licenciement de Mme B.... La société Voyages Monnet a présenté un recours hiérarchique, le 22 décembre 2014, implicitement rejeté le 23 avril 2015. Cette décision implicite a été explicitement confirmée par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social par une décision du 23 juin 2015. Mme B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a annulé la décision ministérielle du 23 juin 2015 ayant refusé d'autoriser son licenciement.

2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière. A ce titre, lorsque la demande est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, il appartient à l'autorité administrative de contrôler, outre le respect des exigences procédurales légales et des garanties conventionnelles, que la cessation d'activité de l'entreprise est totale et définitive, que la demande ne présente pas de caractère discriminatoire et que l'employeur a satisfait, le cas échéant, à l'obligation de reclassement prévue par le code du travail. Pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu, à ce titre, comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

3. En revanche, dès lors que la demande d'autorisation de licenciement fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise n'a pas à être justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise, il n'appartient pas à l'autorité administrative, pour apprécier la réalité du motif de cessation d'activité invoqué à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé présentée par une société faisant partie d'un groupe, d'examiner la situation économique des autres entreprises de ce groupe ni même de rechercher si cette cessation d'activité est due à la faute ou à la légèreté blâmable de l'employeur, sans que sa décision fasse obstacle à ce que le salarié, s'il s'y estime fondé, mette en cause devant les juridictions compétentes la responsabilité de l'employeur en demandant réparation des préjudices que lui aurait causés cette faute ou légèreté blâmable dans l'exécution du contrat de travail.

4. En premier lieu, suite à la perte de ses plus importants marchés de transport, la société Voyages Monnet, filiale du groupe Keolis, a pris la décision de dénoncer l'ultime marché dont elle restait titulaire et de cesser son activité à compter de juillet 2014. Contrairement à ce que soutient Mme B... et ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, il ressort des pièces du dossier et notamment du courrier du 28 juillet 2014 de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement Rhône-Alpes que la société Voyages Monnet a été radiée du registre des transporteurs routiers de personnes dès le 5 juillet 2014, ce qui a suffi à faire obstacle à toute activité de transport. Cette circonstance est confirmée tant par l'examen des comptes et du rapport de gestion de l'exercice 2014 que par la mise en liquidation de l'entreprise. Par suite, et alors même que ladite société n'aurait pas fait l'objet d'une radiation du registre du commerce et des sociétés, la cessation d'activité de la société Voyages Monnet doit être regardée comme totale et définitive.

5. En deuxième lieu, et ainsi qu'il a été dit au point 3, Mme B... ne peut utilement soutenir que les difficultés économiques avancées pour justifier son licenciement devaient être appréciées au niveau du groupe Keolis ni même invoquer l'attitude de l'employeur pour remettre en cause la matérialité de la cessation définitive d'activité de son employeur et la validité de ce motif de licenciement.

6. En dernier lieu, les moyens de la requérante selon lesquels la société Voyages Monnet aurait méconnu ses obligations en matière de consultation des représentants du personnel et en matière de reclassement ont été écartés à bon droit par les premiers juges, par des motifs qu'il y a lieu d'adopter.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 23 juin 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a refusé d'autoriser son licenciement. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Voyages Monnet au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Voyages Monnet et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à la société Voyages Monnet et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 novembre 2019.

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N° 17LY02239

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17LY02239
Date de la décision : 21/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : SCP LAURE GERMAIN-PHION ET ESTELLE SANTONI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-11-21;17ly02239 ?
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