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18/11/2019 | FRANCE | N°17LY03522

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 18 novembre 2019, 17LY03522


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le syndicat CGT des ouvriers et employés de la ville de Saint-Martin d'Hères et du CCAS et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler la délibération du 9 septembre 2014 par laquelle le conseil d'administration du CCAS de Saint-Martin d'Hères a approuvé le règlement intérieur des agents du service d'aide à domicile et les plannings hebdomadaires pris en application de ce règlement, ainsi que les rejets de leurs recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge du

CCAS de Saint-Martin d'Hères une somme de 2 000 euros

au titre de l'article L. 761-1 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le syndicat CGT des ouvriers et employés de la ville de Saint-Martin d'Hères et du CCAS et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler la délibération du 9 septembre 2014 par laquelle le conseil d'administration du CCAS de Saint-Martin d'Hères a approuvé le règlement intérieur des agents du service d'aide à domicile et les plannings hebdomadaires pris en application de ce règlement, ainsi que les rejets de leurs recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge du CCAS de Saint-Martin d'Hères une somme de 2 000 euros

au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à chacun d'eux.

Par un jugement n° 1500786 du 18 juillet 2017, le tribunal administratif de Grenoble a partiellement annulé la délibération litigieuse et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 20 septembre 2017 et un mémoire enregistré le 31 décembre 2018, le syndicat CGT des ouvriers et employés de la ville de Saint-Martin d'Hères et du CCAS et Mme A..., représentés par Me Bacha, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 juillet 2017 en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs conclusions à fin d'annulation ;

2°) d'annuler, dans sa totalité, la délibération du conseil d'administration du CCAS de Saint-Martin d'Hères du 9 septembre 2014 approuvant le règlement intérieur des agents du service d'aide à domicile, ensemble les plannings des agents du service d'aide à domicile et les décisions de rejet nées du silence conservé sur leurs recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge du CCAS de Saint-Martin d'Hères une somme de 2 500 euros

au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à chacun d'eux.

Ils soutiennent que :

- la délibération litigieuse a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière, aucun rapport explicatif suffisamment précis n'ayant été joint à la convocation des membres du conseil d'administration, en méconnaissance de l'article 3 du règlement intérieur du CCAS ;

- le règlement adopté n'a pas défini un cycle de travail annuel conforme à l'article 4 du décret du 25 août 2000, auquel renvoie le décret du 12 juillet 2001, et à l'arrêté du 23 février 2010, en s'abstenant définir des périodes et une programmation annuelle de ces périodes et en permettant des plannings individuels sans définir de cycle collectif, par service ou par nature de fonction ;

- le cycle annuel défini par le règlement est irrégulier, en fixant seulement un nombre hebdomadaire d'heures travaillées minimal et maximal, sans fixer la quotité de travail hebdomadaire des agents et en méconnaissant ainsi l'exigence de fixer des " bornes hebdomadaires " résultant du décret du 25 août 2000 ;

- le cycle annuel défini par le règlement est irrégulier, en se référant aux horaires d'ouverture du service sans fixer d'horaires de travail, ni définir de modalités de repos et de pause, et en méconnaissant l'exigence de définir des " bornes quotidiennes ", résultant du décret du 25 août 2000 ;

- le cycle annuel défini par la délibération litigieuse est irrégulier, à défaut de préciser les modalités de repos et de pause, en méconnaissance de l'article 4 du décret du 25 août 2000 ;

- les modalités de décompte des heures supplémentaires prévues par l'article 3.4.1 du règlement méconnaissent l'article 4 du décret du 25 août 2000, en ce qu'elles les limitent aux seules heures effectuées au-delà du volume annuel fixé statutairement ou contractuellement et à celles effectuées au-delà de la 42ème heure hebdomadaire ;

- les dispositions du règlement instaurant une annualisation des temps partiels, sans définir une répartition des jours travaillés sur l'année, sont irrégulières dès lors que le décret du 24 avril 1995 permettant un tel dispositif a été abrogé et que les garanties prévues par l'article 2 du décret du 7 août 2002 ne sont pas respectées ;

- les modalités de transmission et de modification des plannings individuels fixées par l'article 5.1 du règlement méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en soumettant à une totale flexibilité l'emploi du temps des agents ;

- aucun décret en Conseil d'Etat n'est intervenu pour permettre de déroger au droit au repos dominical des agents en méconnaissance du décret du 25 août 2010 ;

- les plannings individuels, fondés sur ce règlement irrégulier, sont eux-mêmes entachés d'irrégularité et contraires aux décrets du 12 juillet 2001 et du 25 août 2000.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 novembre 2018, le centre communal d'action sociale de Saint-Martin d'Hères, représenté par la SCP Fessler-Jorquera et associés, avocats, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge des appelants une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il expose que :

- la requête est irrecevable, le syndicat ne justifiant pas avoir régulièrement mandaté son représentant préalablement à l'introduction de cette instance ;

- les autres moyens ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 27 septembre 2019, le syndicat CGT des ouvriers et employés de la ville de Saint-Martin d'Hères et du CCAS et Mme A... concluent aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens. Ils demandent en outre à la cour :

1°) d'enjoindre au CCAS de Saint-Martin d'Hères d'adopter un nouveau règlement intérieur en matière d'organisation et d'aménagement du temps de travail des agents, dans un délai de deux mois suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

2°) de mettre à la charge du CCAS de Saint-Martin d'Hères une somme de 4 000 euros

au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à chacun d'eux.

Ils soutiennent en outre que leur requête est recevable, notamment en ce qu'elle est présentée au nom d'un syndicat, la secrétaire générale de celui-ci ayant été régulièrement habilitée à cette fin.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n°2000-815 du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature ;

- le décret n°2001-623 du 12 juillet 2001 pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale ;

- le décret n°2002-1072 du 7 août 2002 relatif au temps partiel annualisé dans la fonction publique de l'Etat ;

- le décret n° 2004-777 du 29 juillet 2004 relatif à la mise en oeuvre du temps partiel dans la fonction publique territoriale ;

- l'arrêté du 23 février 2010 pris pour l'application du décret n° 2000-815 du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat, dans les services et certains établissements publics du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, travaillant selon des cycles hebdomadaires et non hebdomadaires ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 octobre 2019 :

- le rapport de Mme C... F..., rapporteur ;

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

- et les observations de Me Bacha, avocat, représentant le syndicat CGT des ouvriers et employés de la ville de Saint-Martin d'Hères et du CCAS et Mme A..., et de Me Fessler, avocat, représentant le centre communal d'action sociale de Saint-Martin d'Hères ;

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat CGT des ouvriers et employés de la ville de Saint-Martin d'Hères et du CCAS et Mme A..., aide à domicile au sein du centre communal d'action social (CCAS) de Saint-Martin d'Hères, ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le règlement intérieur des agents du service d'aide à domicile, approuvé par une délibération du conseil d'administration du CCAS du 9 septembre 2014, outre les décisions de rejet nées du silence conservé sur leurs recours gracieux et les plannings individuels des agents de ce service. Le tribunal administratif de Grenoble a annulé les seules dispositions de ce règlement permettant une annualisation du temps de travail des postes à temps non complets et, dans la même mesure, les décisions rejetant les recours gracieux des requérants, par un jugement du 18 juillet 2017. Le syndicat et Mme A... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas donné pleinement satisfaction à leurs demandes d'annulation.

Sur la recevabilité de l'appel formé par le syndicat CGT des ouvriers et employés de la ville de Saint-Martin d'Hères et du CCAS :

2. Il résulte de l'article 10 des statuts du syndicat CGT des ouvriers et employés de la ville de Saint Martin d'Hères et du centre communal d'action sociale que son secrétaire général est habilité à ester en justice en son nom après délibération de son bureau. Celui-ci a, par une décision du 13 novembre 2014, autorisé la secrétaire générale à ester en justice " concernant l'organisation du temps de travail des aides à domicile ". Le centre communal d'action sociale de Saint-Martin d'Hères n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que cette dernière n'aurait pas été régulièrement habilitée à introduire la présente instance. La fin de non-recevoir qu'il soulève en ce sens doit, par suite, être écartée.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la délibération du 9 septembre 2014 :

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

3. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article 3 du II du règlement intérieur du conseil d'administration du CCAS : " La convocation est accompagnée de l'ordre du jour détaillé et d'un rapport explicatif sur chacune des affaires soumises à délibération ".

4. Il n'est pas contesté que les membres du conseil d'administration du CCAS ont reçu, préalablement à la séance du 9 septembre 2014, une " note explicative des projets de délibération ", laquelle précisait, s'agissant de l'adoption du règlement intérieur du service aide sociale à domicile, les contraintes inhérentes à ce service, les dysfonctionnements constatés et la nécessité de modifier le dispositif d'horaires variables jusqu'alors en vigueur, avant de conclure qu'un nouveau dispositif dit " d'annualisation du temps de travail " doit être mis en place. Même si cette note ne détaille pas les modalités de cette annualisation et ne définit pas la notion de cycle de travail, les membres de l'organe délibérant, à qui il était au demeurant loisible de solliciter des précisions ou explications complémentaires, ont ainsi disposé d'une information suffisante pour se prononcer utilement. Le moyen tiré de l'insuffisance d'information des membres du conseil d'administration du CCAS doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé de la délibération :

S'agissant de la définition d'un cycle de travail :

5. Aux termes de l'article 1er du décret du 12 juillet 2001 susvisé : " Les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail applicables aux agents des collectivités territoriales et des établissements publics en relevant sont déterminées dans les conditions prévues par le décret du 25 août 2000 susvisé sous réserve des dispositions suivantes ". L'article 4 de ce même décret prévoit que : " L'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement détermine, après avis du comité technique compétent, les conditions de mise en place des cycles de travail prévus par l'article 4 du décret du 25 août 2000 susvisé ".

6. Aux termes de l'article 3 du décret du 25 août 2000 susvisé : " I.- L'organisation du travail doit respecter les garanties minimales ci-après définies. La durée hebdomadaire du travail effectif, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder ni quarante-huit heures au cours d'une même semaine, ni quarante-quatre heures en moyenne sur une période quelconque de douze semaines consécutives et le repos hebdomadaire, comprenant en principe le dimanche, ne peut être inférieur à trente-cinq heures. La durée quotidienne du travail ne peut excéder dix heures. Les agents bénéficient d'un repos minimum quotidien de onze heures. L'amplitude maximale de la journée de travail est fixée à douze heures. Le travail de nuit comprend au moins la période comprise entre 22 heures et 5 heures ou une autre période de sept heures consécutives comprise entre 22 heures et 7 heures. Aucun temps de travail quotidien ne peut atteindre six heures sans que les agents bénéficient d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes. II.- Il ne peut être dérogé aux règles énoncées au I que dans les cas et conditions ci-après : a) Lorsque l'objet même du service public en cause l'exige en permanence, notamment pour la protection des personnes et des biens, par décret en Conseil d'Etat (...) ". Son article 4 dispose que : " Le travail est organisé selon des périodes de référence dénommées cycles de travail. Les horaires de travail sont définis à l'intérieur du cycle, qui peut varier entre le cycle hebdomadaire et le cycle annuel de manière que la durée du travail soit conforme sur l'année au décompte prévu à l'article 1er. Des arrêtés ministériels pris après avis des comités techniques ministériels compétents définissent les cycles de travail auxquels peuvent avoir recours les services. Ces arrêtés déterminent notamment la durée des cycles, les bornes quotidiennes et hebdomadaires, les modalités de repos et de pause. Ces cycles peuvent être définis par service ou par nature de fonction. Les conditions de mise en oeuvre de ces cycles et les horaires de travail en résultant sont définies pour chaque service ou établissement, après consultation du comité technique. Pour les agents relevant d'un régime de décompte horaire des heures supplémentaires, celles-ci sont prises en compte dès qu'il y a dépassement des bornes horaires définies par le cycle de travail (...) ". Enfin, le deuxième alinéa de son article 1er prévoit que : " Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées ".

7. Aux termes de l'article 2 du II du règlement approuvé par la délibération contestée, intitulé " Dispositions relatives à l'organisation du travail - Cycle de travail annualisé " : " (...) Cette annualisation consiste en un lissage des heures contractuelles effectuées dans l'année, alternant des périodes de travail hebdomadaires hautes et basses déterminées par les sujétions particulières évoquées en préambule (...) ". Aux termes du point 3 du II, " Horaires et amplitude d'ouverture du service ", du même règlement : " Les agents doivent respecter les horaires de travail fixés par le service (...) et dans la limite de l'amplitude maximale d'ouverture du service à savoir 7h30-19h30. 3.1 Horaires hebdomadaires : Au regard des sujétions particulières (...) des périodes hebdomadaires hautes et basses de travail sont admises de telle manière que le cumul du temps de travail de ces périodes sur l'année corresponde au temps de travail contractuel annuel des agents. / Les bornes hebdomadaires hautes et basses sont fixées de la façon suivante : - Bornes hautes - pour un agent à temps plein : 42 heures (...) - Bornes basses - pour un temps plein : 28 heures (...) ; 3.2 Horaires quotidiens : Le temps de travail quotidien de travail ne peut excéder 9 heures et doit s'inscrire dans une amplitude horaire journalière maximum de travail de 12 heures. / La vacation quotidienne ne pourra être inférieure à 4 heures. / Les agents bénéficient d'un repos minimum quotidien de onze heures entre deux jours consécutifs de travail (...) / 3.3 Repos hebdomadaires : Le repos hebdomadaire, comprenant en principe le dimanche, ne peut être inférieur à trente-cinq heures, soit 24 heures + 11 heures (...). /3.4.1. (...) des heures de travail sont considérées comme heures supplémentaires dès lors que ces heures ont été effectuées, sur constatation au 1er janvier suivant le cycle considéré, au-delà du nombre contractuel du cycle annuel " et " de même, lorsque le temps de travail effectif d'un agent dépasse la borne haute fixée au paragraphe 3.a ". Aux termes du point 4 du III du règlement " Congé annuel et compensations particulières " : " Les agents, du fait de la contrainte de continuité de service évoquée en préambule, sont amenés à travailler les weekends et jours fériés, par roulement. (...) ".

8. Il résulte de ces dispositions que le cycle de travail, qu'il appartient à l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement de définir, constitue une période de référence récurrente, qui peut varier d'une durée hebdomadaire à annuelle, au sein de laquelle est décomptée la durée de travail des agents, de telle sorte que cette durée soit conforme, sur l'année, aux 1607 heures résultant de l'article 1er décret du 25 août 2000. Le caractère récurrent d'un cycle de travail annuel implique seulement que ce décompte annualisé du temps de travail soit reconduit d'une année à l'autre. Par ailleurs, et contrairement à ce que prétendent les appelants, aucune des dispositions rappelées ci-dessus n'exige, dans l'hypothèse où l'organe délibérant décide de mettre en place un cycle annuel, que soient définies en son sein des périodes d'activité d'une durée infra-annuelle, ni a fortiori une programmation annuelle de telles périodes ou une quotité d'heures travaillées pour chacune d'elles. Enfin, la circonstance que le cycle puisse être défini par service ou par nature de fonction n'implique pas nécessairement pour autant une organisation homogène du travail, au sein du cycle, pour les différents agents d'un même service ou exerçant les mêmes fonctions. Les dispositions précitées ne font dès lors pas obstacle à l'élaboration de plannings individuels mensuels fixant les horaires de travail des agents. Dans ces conditions, en instaurant, ainsi qu'il résulte du titre même de l'article II 2 du règlement litigieux, un " cycle de travail annualisé ", correspondant à l'année civile et au sein duquel le " temps de travail des agents d'intervention est annualisé ", le conseil d'administration du CCAS de Saint-Martin d'Hères n'a pas insuffisamment défini le cycle de travail applicable aux agents du service d'aide à domicile.

S'agissant des autres dispositions du règlement approuvé par la délibération :

9. En premier lieu, les appelants ne sauraient utilement se prévaloir de l'arrêté du 23 février 2010 susvisé, lequel, établi par le ministre en charge de l'écologie, n'est applicable qu'aux agents de ce ministère.

10. En deuxième lieu, par le renvoi qu'il opère à l'article 4 du décret du 25 août 2000, l'article 4 du décret 12 juillet 2001 implique qu'il appartient à l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement, lorsqu'il fixe les conditions de mise en place des cycles de travail, de déterminer, outre la durée de ces cycles, les bornes quotidiennes et hebdomadaires et les modalités de repos et de pause.

11. Il résulte, en l'espèce, du point 3.2 du règlement précédemment cité au point 7 du présent arrêt qu'ont été définies des quotités maximales et minimales d'heures travaillées par semaine et par jour, ainsi que l'amplitude horaire journalière maximum de travail. En fixant ainsi des limites au temps de travail quotidien et hebdomadaire des agents, le règlement a effectivement déterminé, au sens du deuxième alinéa de l'article 4 du décret du 25 août 2000, des " bornes quotidiennes et hebdomadaires", lesquelles ne sauraient être assimilées à une durée ou à des horaires de travail fixes.

12. En revanche, en se bornant à fixer une durée minimale de repos quotidien de 11 heures, de pause méridienne de 1 heure 30 et de repos hebdomadaire de 35 heures " comprenant en principe le dimanche " et à prévoir, dans son point III 4, que le travail d'un dimanche ou d'un jour férié est compensé, outre une indemnité forfaitaire, " par un temps de repos supplémentaire " sans autres précisions, le règlement ainsi adopté ne comporte pas de précisions suffisantes quant aux " modalités de repos et de pause " des agents, telles que visées par l'article 4 du décret du 25 août 2000 et précisées par l'article 3 du même décret. Les appelants sont, par suite, fondés à soutenir que le règlement adopté est illégal en ce qu'il ne précise pas ces modalités.

13. En troisième lieu, en prévoyant un décompte des heures supplémentaires à compter du dépassement du volume annuel d'heures de travail auquel sont astreints les agents et du dépassement des bornes hautes hebdomadaires, le règlement adopté n'a pas méconnu le dernier alinéa de l'article 4 du décret du 24 août 2000 précédemment rappelé, qui dispose que des heures supplémentaires doivent être décomptées dès qu'il y a dépassement des bornes horaires définies par le cycle de travail.

14. En quatrième lieu, l'article 3.1 du II du règlement définit les " bornes hautes " des horaires hebdomadaires, " (...) - pour un agent à temps partiel : nombre d'heures hebdomadaires moyen par lissage du temps annuel plus 1/3 sans pouvoir excéder 42 heures (...) " et les " bornes basses " : " - pour un temps partiel (...) : nombre d'heures hebdomadaire moyen par lissage du temps annuel moins 1/3 ". Ces dispositions définissent les contingents hebdomadaires proportionnés à la quotité individuelle de travail de chaque agent à temps partiel.

15. Si, pour contester ces dispositions, les appelants font valoir que le décret n° 95-469 du 24 avril 1995 qui prévoyait, à titre expérimental, la possibilité d'annualiser les temps partiels au sein de la fonction publique territoriale a été abrogé par le décret n° 2004-777 du 29 juillet 2004, il ressort des termes mêmes de ce dernier que celui-ci a maintenu la possibilité d'accomplir la durée du service à temps partiel " dans un cadre annuel sous réserve de l'intérêt du service ". Par ailleurs, les appelants ne sauraient utilement se prévaloir ni des dispositions du décret du 7 août 2002 susvisé qui, relatif au temps partiel annualisé dans la fonction publique de l'Etat, n'est pas applicable aux agents de la fonction publique territoriale, ni du " guide du temps partiel des fonctionnaires et des agents non titulaires des trois fonctions publiques " publié par la direction générale de l'administration et de la fonction publique, lequel est dépourvu de valeur réglementaire.

16. En cinquième lieu, l'article II 3.3 précité du règlement litigieux, qui prévoit la durée hebdomadaire du repos, se borne à reprendre l'une des garanties énumérées par l'article 3 du décret du 25 août 2000 précédemment rappelé et n'a, par suite, pas entendu y déroger. Dès lors, et contrairement à ce que prétendent les appelants, aucun décret en Conseil d'Etat, tel que prévu par le II. de cet article, n'était requis pour l'adoption d'une telle disposition.

17. En sixième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales stipule que : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". L'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne prévoit également que : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications ".

18. Conformément aux garanties minimales prévues par l'article 3 du décret du 25 août 2000, le règlement approuvé par la délibération litigieuse plafonne la durée quotidienne et hebdomadaire de travail des agents, fixe l'amplitude maximale d'une journée de travail et instaure des garanties quant à leur temps de repos quotidien et hebdomadaire. Il prévoit l'élaboration de plannings individuels mensuels, lesquels doivent être remis aux intéressés au moins sept jours, ramenés à quatre en cas de modification justifiée par l'urgence, avant le début leur exécution et confère à chaque agent le droit de refuser à quatre reprises les modifications de son planning. Il n'apparaît pas, par ailleurs, que l'application de ce planning puisse induire un dépassement du plafond légal du temps de travail annuel, hormis la réalisation d'heures supplémentaires rémunérées comme telles. Dans ces conditions, ce règlement ne peut, malgré les inconvénients qu'il présente pour les intéressés, être regardé, en l'absence de circonstances particulières, comme portant une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale.

19. Il résulte de ce qui précède que la délibération du conseil d'administration du CCAS de Saint-Martin d'Hères du 9 septembre 2014 approuvant le règlement intérieur des agents du service d'aide à domicile doit être annulée seulement en tant que ce règlement n'a pas précisé les modalités de repos et de pause des agents du service d'aide à domicile. Les décisions rejetant les recours gracieux des appelants doivent également être annulées en tant qu'elles n'ont pas fait droit à leurs demandes sur ce point.

20. Le syndicat CGT des ouvriers et employés de la ville de Saint-Martin d'Hères et du CCAS et Mme A... sont, par suite, fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a, dans cette mesure, rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation des plannings individuels :

21. Le présent arrêt annulant la délibération litigieuse en tant seulement que le règlement qu'elle approuve n'a pas précisé les modalités de pause et de repos des agents du service d'aide à domicile, les plannings individuels contestés ne sauraient être regardés comme ayant été pris en application des dispositions irrégulières de ce règlement. Par ailleurs, si les requérants soutiennent que ces plannings ont été établis en méconnaissance des dispositions des décrets des 12 juillet 2001 et 25 août 2000, ils n'apportent aucune précision à l'appui de ce moyen et ne permettent pas à la cour d'y statuer.

22. Les requérants ne sont dès lors pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de ces plannings.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

23. Le présent arrêt annulant la délibération litigieuse seulement en tant que le règlement qu'elle approuve n'a pas précisé les modalités de pause et de repos des agents du service d'aide à domicile, il y a seulement lieu d'enjoindre au CCAS de Saint-Martin d'Hères de fixer, par une nouvelle délibération, les modalités de repos et de pause des agents de ce service, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du syndicat CGT des ouvriers et employés de la ville de Saint-Martin d'Hères et du CCAS et de Mme A..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par le CCAS de Saint-Martin d'Hères. Il n'y a, par ailleurs, pas lieu de mettre à la charge de ce dernier les frais exposés par le syndicat CGT des ouvriers et employés de la ville de Saint-Martin d'Hères et du CCAS et Mme A..., en application de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La délibération du conseil d'administration du CCAS de Saint-Martin d'Hères du 9 septembre 2014 approuvant le règlement intérieur des agents du service d'aide à domicile doit être annulée en tant que le règlement qu'elle approuve n'a pas défini les modalités de pause et de repos des agents du service d'aide à domicile.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 juillet 2017 est annulé en tant qu'il n'a pas fait droit aux demandes du syndicat CGT des ouvriers et employés de la ville de Saint-Martin d'Hères et du CCAS et de Mme A... dans les conditions définies à l'article 1er.

Article 3 : Les décisions de rejet nées du silence conservé par le CCAS de Saint-Martin d'Hères sur les recours gracieux formés par le syndicat CGT des ouvriers et employés de la ville de Saint-Martin d'Hères et du CCAS et par Mme A... sont annulées, en tant qu'elles n'ont pas fait droit aux demandes du syndicat CGT des ouvriers et employés de la ville de Saint-Martin d'Hères et du CCAS et de Mme A... dans les conditions définies à l'article 1er.

Article 4 : Il est enjoint au CCAS de Saint-Martin d'Hères de fixer, par une nouvelle délibération, les modalités de repos et de pause des agents de ce service, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions du syndicat CGT des ouvriers et employés de la ville de Saint-Martin d'Hères et du CCAS et de Mme A... est rejeté.

Article 6 : Les conclusions présentées par le CCAS de Saint-Martin d'Hères sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat CGT des ouvriers et employés de la ville de Saint-Martin d'Hères et du CCAS, à Mme E... A... et au centre communal d'action sociale de Saint-Martin d'Hères.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2019, où siégeaient :

Mme D... B..., présidente de chambre,

M. Pierre Thierry, premier conseiller,

Mme C... F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 18 novembre 2019.

2

N° 17LY03522


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17LY03522
Date de la décision : 18/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-01-03 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Statut général des fonctionnaires de l'État et des collectivités locales. Dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale (loi du 26 janvier 1984).


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : BACHA

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-11-18;17ly03522 ?
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