La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/11/2019 | FRANCE | N°17LY01877

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 18 novembre 2019, 17LY01877


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Intervent a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

I. Sous le n° 1605311 :

1°) d'annuler la décision du 8 août 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé de donner son accord en vue de l'exploitation d'un parc éolien à Espeluche (Drôme) ;

2°) d'enjoindre au ministre de délivrer l'accord sollicité ou, subsidiairement, d'enjoindre au ministre de prendre une nouvelle décision, dans un délai de sept jours à compter du jugement à intervenir sous astrein

te de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Intervent a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

I. Sous le n° 1605311 :

1°) d'annuler la décision du 8 août 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé de donner son accord en vue de l'exploitation d'un parc éolien à Espeluche (Drôme) ;

2°) d'enjoindre au ministre de délivrer l'accord sollicité ou, subsidiairement, d'enjoindre au ministre de prendre une nouvelle décision, dans un délai de sept jours à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II. Sous le n° 1606940 :

1°) d'annuler la décision du 10 novembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé de donner son accord en vue de l'exploitation d'un parc éolien à Espeluche (Drôme) ;

2°) d'enjoindre au ministre de délivrer l'accord ou, subsidiairement, d'enjoindre au ministre de prendre une nouvelle décision, dans un délai de sept jours à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1605311-1606940 du 21 mars 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 5 mai 2017 et un mémoire enregistré le 10 octobre 2019, la société Intervent, représentée par Me Guiheux, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 mars 2017 ;

2°) d'annuler les décisions du ministre de la défense du 8 août 2016 et du 10 novembre 2016 ;

3°) d'enjoindre au ministre de la défense de lui délivrer l'accord sollicité ou, subsidiairement, de statuer à nouveau sur sa demande dans un délai de sept jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les décisions contestées sont entachées d'une erreur d'appréciation quant aux perturbations qu'engendrerait, sur le fonctionnement d'un radar militaire situé à proximité, l'implantation de quatre nouvelles éoliennes.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 juin 2018, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Il expose que le moyen soulevé n'est pas fondé.

Un mémoire du ministre des armées a été enregistré, postérieurement à la clôture de l'instruction, le 16 octobre 2019 et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 26 août 2011 du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, modifié par arrêté du 6 novembre 2014 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... D..., première conseillère,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Rochard, avocat, représentant la société Intervent ;

Considérant ce qui suit :

1. En vue d'exploiter sur le territoire de la commune d'Espeluche (Drôme) des éoliennes soumises à autorisation au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, la société Intervent a préalablement sollicité l'accord du ministre en charge de la défense, requis en application des dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 26 août 2011 du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, compte tenu de la présence, à proximité, du radar militaire de Serre-Haute. Le ministre de la défense a rejeté sa demande par une première décision du 21 septembre 2015, laquelle a été annulée par jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 juin 2016. Sur injonction du tribunal, le ministre de la défense a pris une nouvelle décision de refus le 8 août 2016, laquelle a été suspendue par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble du 7 octobre 2016. Sur injonction de celui-ci, le ministre de la défense a, par une nouvelle décision du 10 novembre 2016, intervenue après une nouvelle étude d'impact, à nouveau rejeté la demande de la société Intervent. Par un jugement du 21 mars 2017, le tribunal administratif de Grenoble a joint les requêtes de la société Intervent tendant à l'annulation des décisions du 8 août et du 10 novembre 2016, avant de les rejeter. La société Intervent relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes, d'une part, de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ". Aux termes de l'article L. 511-2 du même code : " Les installations visées à l'article L. 511-1 sont définies dans la nomenclature des installations classées établie par décret en Conseil d'Etat, pris sur le rapport du ministre chargé des installations classées, après avis du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques. Ce décret soumet les installations à autorisation, à enregistrement ou à déclaration suivant la gravité des dangers ou des inconvénients que peut présenter leur exploitation. ". En vertu de l'article L. 553-1 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions litigieuses, les installations terrestres de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent dont la hauteur des mâts dépasse 50 mètres sont soumises à autorisation au titre de l'article L. 511-2. Selon l'article L. 512-2 du même code, l'autorisation prévue à l'article L. 512-1 est accordée par le préfet. Aux termes de l'article L. 512-5 du même code : " Pour la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, le ministre chargé des installations classées peut fixer par arrêté, après consultation des ministres intéressés et du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques, les règles générales et prescriptions techniques applicables aux installations soumises aux dispositions de la présente section. (...) " ;

3. Aux termes, d'autre part, du deuxième alinéa de l'article 4 de l'arrêté du 26 août 2011 du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement mentionné ci-dessus : " L'installation est implantée de façon à ne pas perturber de manière significative le fonctionnement des radars et des aides à la navigation aérienne utilisés dans le cadre des missions de sécurité de la navigation aérienne et de sécurité météorologique des personnes et des biens . En outre, les perturbations générées par l'installation ne gênent pas de manière significative le fonctionnement des équipements militaires. (...) ". Le paragraphe 4-3 de cet article précise que : " Afin de satisfaire au deuxième alinéa du présent article, l'exploitant implante les aérogénérateurs selon une configuration qui fait l'objet d'un accord écrit de l'autorité militaire compétente concernant le projet d'implantation de l'installation ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la société Intervent avait pour projet d'implanter quatre éoliennes, d'une hauteur sommitale, pale à la verticale, de 125 mètres, sur le territoire de la commune d'Espeluche à moins de 5 kilomètres du radar de Serre-Haute. Ce radar a été installé en 2004, pour surveiller la vallée du Rhône et les sites nucléaires du Tricastin et de Cruas. S'agissant d'un radar primaire et secondaire, il permet de détecter les appareils coopératifs mais aussi non coopératifs et répond ainsi à un enjeu de sécurité majeur. Si le projet de la société Intervent s'inscrit dans la continuité de deux parcs existants, créés avant même l'implantation du radar de Serre-Haute et composés respectivement de treize et dix éoliennes d'une hauteur sommitale de 75 mètres et situés de part et d'autre du radar, il résulte de l'étude en date du 18 juillet 2016 et de celle annexée à la décision du 10 novembre 2016, réalisées par les services du ministère de la défense, notamment par le bureau études sécurité, spécialement pour l'instruction de la demande de la société Intervent, que, ne se situant pas dans le même axe, deux des éoliennes projetées s'avèrent ne pas être masquées par celles existantes, contrairement à ce que prétend la société appelante en se prévalant d'un plan de coupe toutefois contredit par le schéma figurant en page 11 de l'étude annexée à la décision du 10 novembre 2016. Ce projet aggraverait dès lors les perturbations générées par le parc éolien existant, en accentuant " l'effet de masquage ", lequel diminue le signal utile et affaiblit la détection des appareils cibles, et les " faux plots ", détections erronées engendrées par les surfaces réfléchissantes des éoliennes, mais aussi en élargissant, tant en hauteur qu'en surface, le parc existant, et par suite la zone de non-détection au sein de laquelle aucune détection primaire ne peut être effectuée. Contrairement à ce que prétend la société appelante, ces constats ne sont pas contredits par la comparaison des figures 2 et 3 de l'étude du 18 juillet 2016, dont il ressort une moindre détection des plots lors du survol d'une zone comportant des éoliennes, et ne sauraient être remis en cause par la seule comparaison des figures 12 et 14 de cette même étude alors même que celle-ci ne laisse pas apparaître de perte de détection. En outre, ces analyses n'ont été réalisées, ainsi qu'il est précisé dans leur introduction, que pour partie à partir de l'outil Dempere, dont l'inefficacité, invoquée par l'appelante, n'est au demeurant pas démontrée. Pour contester ces études, la société Intervent se prévaut par ailleurs d'une analyse réalisée à sa demande par le cabinet Airbus Défense and Space, le 13 mars 2017, concluant notamment à l'absence d'impact substantiel des éoliennes et à une diminution de la probabilité de détection très marginale. Toutefois, cette analyse se fonde, d'une part, sur un modèle de radar distinct de celui de Serre-Haute et présentant des caractéristiques techniques différentes, plus particulièrement en termes de puissance et de portée, et, d'autre part, sur la seule hypothèse d'un vent suivant la direction la plus fréquemment constatée, sans examiner l'impact des éoliennes projetées en cas de vent suivant d'autres directions. Dans ces conditions et alors même que cette étude indique avoir retenu " le pire scénario " possible, elle ne saurait suffire à remettre en cause la réalité des perturbations significatives que l'installation de nouvelles éoliennes est de nature à générer pour le fonctionnement du radar de Serre-Haute. Dès lors, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le ministre de la défense s'est illégalement opposé à son projet.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la société Intervent n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

6. La présente décision rejetant les conclusions à fin d'annulation de la société Intervent et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la société Intervent.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Intervent est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Intervent et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

Mme C... A..., présidente de chambre,

Mme E..., présidente-assesseure,

Mme B... D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 18 novembre 2019.

2

N° 17LY01877


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17LY01877
Date de la décision : 18/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

29-035 Energie.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : VOLTA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-11-18;17ly01877 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award