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05/11/2019 | FRANCE | N°18LY02647

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 05 novembre 2019, 18LY02647


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge partielle des majorations pour manquement délibéré dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 à 2009.

Par un jugement n° 1603102 du 3 mai 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée 13 juillet 2018, M. B..., r

eprésenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge partielle des majorations pour manquement délibéré dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 à 2009.

Par un jugement n° 1603102 du 3 mai 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée 13 juillet 2018, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 3 mai 2018 ;

2°) de lui accorder la décharge partielle de ces majorations ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- il peut se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la circulaire du 21 juin 2013 du ministre délégué chargé du budget fixant les conditions de traitement des déclarations rectificatives des contribuables détenant des avoirs à l'étranger, qui prévoit une réduction du taux de la majoration pour manquement délibéré de 40 % à 30 % en cas de démarche de régularisation spontanée du contribuable, dès lors que le dossier de régularisation qu'il a présenté était complet et que sa demande de régularisation était spontanée ;

- l'administration a méconnu le principe de confiance légitime en lui refusant le bénéfice de la réduction des majorations qui lui ont été infligées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics fait valoir que :

- la requête de première instance était irrecevable, dès lors que la demande du requérant, qui ne peut qu'être regardée comme tendant à obtenir, sur le fondement des dispositions du 3° de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales, une transaction atténuant les pénalités qui lui ont été infligées, relève de la juridiction gracieuse et non de la juridiction contentieuse ;

- le refus d'accéder à la demande de transaction ne pouvait être contesté que par la voie du recours pour excès de pouvoir ;

- la requête n'est assortie d'aucun moyen tendant à démontrer l'illégalité de la décision de refus de conclure une transaction ;

- le requérant ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la circulaire du 21 juin 2013, dès lors que la doctrine administrative relative aux transactions n'est pas opposable à l'administration ;

- la demande de régularisation présentée par le requérant ne remplit pas les conditions auxquelles la circulaire subordonne la réduction des pénalités, dès lors que, faisant suite à un contrôle douanier et à une lettre par laquelle l'administration l'invitait à déclarer les comptes détenus à l'étranger, cette demande ne peut être regardée comme spontanée ;

- le dossier de demande de régularisation était incomplet ;

- le moyen tiré de la méconnaissance du principe de confiance légitime n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier la portée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... C...,

- et les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a fait l'objet, le 23 juillet 2013, d'un contrôle douanier entre la France et la Suisse au cours duquel une somme de 9 600 euros en espèces a été découverte dans son véhicule. Par un courrier du 16 janvier 2014, l'administration l'a invité à lui communiquer toutes informations relatives à un éventuel compte bancaire détenu en Suisse. Par un courrier du 24 octobre 2014, M. B... a sollicité auprès du service de traitement des déclarations rectificatives la régularisation de sa situation fiscale, en indiquant avoir perçu, au titre des années 2006 à 2009, des revenus encaissés sur des comptes bancaires non déclarés détenus en Suisse. M. B... a fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle, à l'issue duquel l'administration fiscale, constatant que le contribuable avait réalisé des gains de cession de valeurs mobilières et des plus-values dont les revenus avaient été encaissés en Suisse, l'a assujetti, selon la procédure contradictoire, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2006 à 2009 auxquelles ont été appliquées des majorations pour manquement délibéré en application de l'article 1729 du code général des impôts. M. B... relève appel du jugement du 3 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge partielle de ces majorations pour manquement délibéré.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 199 du livre des procédures fiscales : " En matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées, les décisions rendues par l'administration sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être portées devant le tribunal administratif ". Le caractère gracieux ou contentieux d'un litige dépend des termes de la réclamation présentée au directeur et non du terrain choisi par ce dernier pour y répondre.

3. D'autre part, par une circulaire du 21 juin 2013, ultérieurement modifiée notamment par une circulaire du 12 décembre 2013 et par une circulaire du 14 septembre 2016, le ministre délégué chargé du budget a entendu définir, à titre transitoire, des modalités d'exercice du pouvoir de transiger que la loi reconnaît ainsi à l'administration fiscale, pour le traitement des déclarations rectificatives des contribuables détenant des avoirs à l'étranger, notamment dans le but d'inciter les contribuables concernés à déposer de telles déclarations, constitutives d'autant de demandes de transaction.

4. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 9 mai 2016, M. B... a expressément demandé à l'administration fiscale de prononcer le dégrèvement partiel des majorations pour manquement délibéré dont ont été assorties, en application de l'article 1729 du code général des impôts, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006 à 2009. Ce courrier contient l'exposé d'un moyen de droit tiré de l'application des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Dans ces conditions, et alors même que M. B... se prévalait, à l'appui de sa demande, de la faculté, prévue par la circulaire du 21 juin 2013, pour l'administration d'accorder, par voie de transaction, et sous certaines conditions, la réduction du taux des majorations pour manquement délibéré de 40 % à 30 %, ce courrier doit être regardé comme une réclamation contentieuse, au sens de l'article L.199 du livre des procédures fiscales, et non comme une demande tendant à ce que l'administration mette en oeuvre, à titre gracieux, son pouvoir de transiger. Par suite, l'administration n'est pas fondée à soutenir que la demande de première instance était irrecevable faute d'avoir été précédée d'une demande contentieuse.

Sur les majorations pour manquement délibéré :

En ce qui concerne l'application de la loi :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Pour justifier l'application de majorations pour manquement délibéré de M. B... à ses obligations déclaratives, l'administration se fonde sur la circonstance que le requérant a sciemment omis de déclarer les plus-values et gains de cessions de valeurs mobilières réalisés en Suisse et que ces revenus ont été encaissés sur des comptes bancaires ouverts dans ce pays dont l'existence a été dissimulée. En se fondant sur ces éléments, qui ne sont pas contredits par le requérant, l'administration établit l'intention de M. B... d'éluder l'impôt caractérisant un manquement délibéré.

6. En second lieu, si M. B... soutient que l'administration a méconnu le principe de confiance légitime, ce principe, qui fait partie des principes généraux du droit de l'Union européenne, ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit de l'Union européenne, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

En ce qui concerne l'interprétation de la loi :

7. Aux termes du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ". Ces dispositions instituent une garantie contre les changements de position de l'administration permettant, en particulier, aux contribuables passibles de pénalités fiscales de se prévaloir des énonciations contenues dans les notes ou instructions publiées, à la condition, notamment, que ces notes ou instructions aient été susceptibles d'influencer le comportement des intéressés au regard de leurs obligations fiscales.

8. Pour contester les majorations mises à sa charge, M. B... ne peut, en tout état de cause, utilement invoquer, sur le fondement du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la circulaire du 21 juin 2013 du ministre délégué chargé du budget fixant les conditions de traitement des déclarations rectificatives des contribuables détenant des avoirs à l'étranger, dès lors que cette circulaire, qui détermine notamment les conditions d'atténuation des majorations pour manquement délibéré et des amendes pour défaut de déclaration des avoirs à l'étranger, ne peut avoir influencé son comportement à la date où les manquements en cause, qui concernent les années 2006 à 2009, ont été constitués.

9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 8 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme C..., présidente assesseure,

Mme F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 5 novembre 2019.

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N° 18LY02647

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02647
Date de la décision : 05/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Opposabilité des interprétations administratives (art - L - 80 A du livre des procédures fiscales).

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations - Pénalités pour manquement délibéré (ou mauvaise foi).


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : LEGI CONSEILS BOURGOGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-11-05;18ly02647 ?
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