Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... et la SI Chen-Leman SA ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la restitution du prélèvement acquitté par la SI Chen-Leman SA sur le fondement de l'article 244 bis A du code général des impôts au titre d'une plus-value de cession d'un immeuble situé en France réalisée en 2011.
Par un jugement n° 1504273 du 5 février 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 avril 2018 et un mémoire enregistré le 9 octobre 2018, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge et subsidiairement la réduction de ce prélèvement ;
3°) d'assortir le remboursement des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.
Mme C... soutient que :
- la question de la recevabilité est " prescrite " depuis le jugement du tribunal administratif ;
- il n'y a pas lieu de s'interroger sur le statut fiscal de la SI Chen-Leman SA dès lors que l'assujetti au prélèvement est l'immeuble cédé en France, sujet fiscal dépourvu de personnalité juridique, et non la SI Chen-Leman SA qui, dès lors qu'elle possède l'immeuble comme unique est une société à prépondérance immobilière et doit être regardée comme une société fiscalement transparente à l'instar des sociétés de l'article 8 du code général des impôts par l'effet de la convention fiscale franco-suisse dès lors qu'elle n'est pas imposable en France ;
- la décision d'acceptation partielle de la réclamation est irrégulière en la forme pour être insuffisamment motivée ;
- l'administration fiscale a pris une position formelle opposable au contribuable en accordant une restitution partielle de ce prélèvement dans la décision statuant sur la réclamation et en ayant admis en première instance le principe d'un abattement de 80 % à raison de la durée de détention du bien.
Par un mémoire, enregistré le 10 septembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- Mme C... n'était pas recevable à contester un prélèvement acquitté par la société SI Chens-Leman SA, société de capitaux disposant d'une personnalité juridique distincte de celle de ses associés ;
- aucun des moyens soulevés en appel n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention du 9 septembre 2019 conclue entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune modifiée ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E..., première conseillère,
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La SI Chens-Leman SA, société suisse, dont Mme C..., résidente suisse, détient l'intégralité du capital, a réalisé une plus-value lors de la cession, en 2011, de la totalité des lots d'un immeuble qu'elle possédait en France, à Chens-Leman. Cette plus-value, déclarée par le notaire, a été soumise au prélèvement libératoire d'un tiers prévu à l'article 244 bis A du code général des impôts. Par décision du 13 mai 2015 prise sur réclamation, l'administration a fait droit à la demande d'application du taux de 19 % applicable pour l'imposition des personnes physiques résidents d'un Etat membre de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale et prononcé le dégrèvement correspondant. La SI Chens-Leman SA et Mme C... ont conjointement saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande de restitution de ce prélèvement en revendiquant le bénéfice de l'abattement pour durée de détention prévu à l'article 150 VC du code général des impôts, applicable, en vertu de l'article 150 U du code, aux plus-values passibles de l'impôt sur le revenu " réalisées par les personnes physiques ou les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter ". Par la présente requête, Mme C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 244 bis A du code général des impôts dans sa rédaction applicable : " I.-1. Sous réserve des conventions internationales, les plus-values, telles que définies aux e bis et e ter du I de l'article 164 B, réalisées par les personnes et organismes mentionnés au 2 du I lors de la cession des biens ou droits mentionnés au 3 sont soumises à un prélèvement selon le taux fixé au deuxième alinéa du I de l'article 219. / (...) 2. Sont soumis au prélèvement mentionné au 1 : / a) Les personnes physiques qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B ; b) Les personnes morales ou organismes, quelle qu'en soit la forme, dont le siège social est situé hors de France ; c) Les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter dont le siège social est situé en France, au prorata des droits sociaux détenus par des associés qui ne sont pas domiciliés en France ou dont le siège social est situé hors de France ; (...) 3. Le prélèvement mentionné au 1 s'applique aux plus-values résultant de la cession : / a) De biens immobiliers (...) II. Lorsque le prélèvement mentionné au I est dû par des contribuables assujettis à l'impôt sur le revenu, les plus-values sont déterminées selon les modalités définies : 1° Au I et aux 2° à 8° du II de l'article 150 U, aux II et III de l'article 150 UB et aux articles 150 V à 150 VD (...) III. Lorsque le prélèvement mentionné au I est dû par une personne morale assujettie à l'impôt sur les sociétés, les plus-values sont déterminées par différence entre, d'une part, le prix de cession du bien et, d'autre part, son prix d'acquisition, diminué pour les immeubles bâtis d'une somme égale à 2 % de son montant par année entière de détention. (...) ".
3. Aux termes de l'article 15 de la convention conclue entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune : " 1. Les gains provenant de l'aliénation des biens immobiliers, tels qu'ils sont définis à l'alinéa 1er du paragraphe 2 de l'article 6, sont imposables dans l'Etat contractant où ces biens sont situés ". Aux termes de l'article 6 de cette convention : " 2. Les revenus provenant de biens immobiliers (...) sont imposables dans l'Etat contractant où ces biens sont situés "
4. Ainsi qu'il a été dit au point 1 ci-dessus, la plus-value en litige a pour fait générateur la cession d'un immeuble en France par la SI Chen-Leman SA, société anonyme de droit suisse ayant son siège social à Genève. Il résulte de l'instruction que cette société, inscrite au registre du commerce de Genève, est soumise en Suisse à un régime de société de capitaux et il n'est pas contesté qu'en application du droit suisse, elle est dotée de la personnalité juridique. Ayant son siège social hors de France, elle est ainsi au nombre des personnes morales visées au b) du 2 du I de l'article 244 bis A du code général des impôts. Si la requérante fait valoir que la SI Chen-Leman relève d'un régime de transparence totale au motif que cet immeuble constituait son unique actif, elle n'établit pas que cette société pourrait être assimilée aux sociétés et groupements relevant de l'article 8 du code général des impôts dont les associés sont personnellement imposés pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société, ou de l'article 8 bis, applicable aux sociétés immobilières de copropriété ou de l'article 8 ter, visés au 2 c) du I de l'article 244 A bis du code général des impôts. Pour dénier à cette société la qualité de redevable de ce prélèvement, Mme C... ne saurait utilement soutenir que les stipulations de l'article 15, paragraphe 1, de la convention conclue le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse réservant à la France l'imposition des plus-values réalisées à l'occasion de la cession d'un immeuble situé en France, donneraient naissance à un " sujet fiscal dépourvu de personnalité juridique " non passible de ce prélèvement en France. Dès lors que la plus-value a été réalisée par la SI Chen-Leman SA et que cette société n'était pas assujettie à l'impôt sur le revenu, c'est par une exacte application de ces dispositions qu'elle a acquitté ce prélèvement sans bénéficier de l'application de l'abattement pour durée de détention prévu à l'article 150 VC du code général des impôts.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable lorsque l'administration a pris formellement position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ". Le premier alinéa de l'article L. 80 A prévoit que : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration ".
6. Mme C... ne peut, en tout état de cause, se prévaloir d'une appréciation de fait portée par l'administration sur la situation de la SI Chen-Leman SA dès lors que le prélèvement contesté est une imposition primitive et non un rehaussement. Le moyen tiré de l'application de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ne peut dès lors qu'être écarté.
7. En troisième et dernier lieu, les vices qui entachent la décision par laquelle l'administration rejette la réclamation contentieuse dirigée contre une imposition sont sans influence sur le bien-fondé de cette imposition. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision du 13 mai 2015 prise à la suite de la réclamation préalable est inopérant.
8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir invoquée en première instance et reprise en appel par le ministre à l'encontre des conclusions de Mme C..., que celle-ci n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de la requérante tendant à l'application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal de Rhône-Alpes-Bourgogne.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme D..., présidente assesseure,
Mme E..., première conseillère,
Lu en audience publique le 24 octobre 2019.
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N° 18LY01236
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