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22/10/2019 | FRANCE | N°18LY03986

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 22 octobre 2019, 18LY03986


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme A... E... ont l'un et l'autre demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 16 août 2018 par lesquels le préfet de la Haute-Savoie a refusé de les admettre au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1805544-1805545 du 16 octobre 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une req

uête, enregistrée le 7 novembre 2018, M. et Mme E..., représentés par Me B..., demandent à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme A... E... ont l'un et l'autre demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 16 août 2018 par lesquels le préfet de la Haute-Savoie a refusé de les admettre au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1805544-1805545 du 16 octobre 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2018, M. et Mme E..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés du 16 août 2018 du préfet de la Haute-Savoie ;

3°) d'enjoindre au préfet de leur délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " et subsidiairement de réexaminer leur situation dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et dans l'attente de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour les autorisant à travailler dans un délai de quarante-huit heures sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les décisions de refus d'admission au séjour sont entachées d'un défaut d'examen sérieux de leur situation ;

- leur droit d'être entendu a été méconnu ;

- les refus de titre de séjour ont été pris en méconnaissance des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions fixant le pays de destination ont méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été régulièrement notifiée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a produit aucune observation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme D..., première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. Selon leurs déclarations, M. et Mme E..., ressortissants kosovares, sont irrégulièrement entrés en France le 5 janvier 2015. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par décisions du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 26 septembre 2017 confirmées le 30 janvier 2018 par la Cour nationalité du droit d'asile. Par deux arrêtés du 16 août 2018, le préfet de la Haute-Savoie a refusé de les admettre au séjour et leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination. M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 16 octobre 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande d'annulation de ces arrêtés.

2. Les décisions par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a décidé d'obliger M. et Mme E... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours ont été prises sur le fondement du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile issu de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 sur l'asile, expressément visé dans les arrêtés litigieux, qui concerne le cas des demandeurs d'asile déboutés, comme en l'espèce, leurs demandes examinées en France ayant été définitivement rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile. Les arrêtés attaqués refusant leur admission au séjour sont fondés sur la circonstance que les intéressés ne peuvent prétendre à la délivrance d'un titre de séjour en application du 8ème alinéa de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

3. Nonobstant la circonstance qu'il n'a été saisi d'aucune demande d'admission au séjour sur un fondement autre que celui du 8ème alinéa de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Haute-Savoie a estimé que M. et Mme E... n'entraient dans aucune catégorie d'étrangers pour laquelle le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ouvre de plein droit au bénéfice d'un titre de séjour et que leur situation n'appelait à cet égard aucune mesure gracieuse ou dérogatoire. Il a estimé que les intéressés, en séjour irrégulier depuis leur arrivée sur le territoire français, ne faisaient pas état d'une ancienneté de séjour suffisante pour se prévaloir qu'un quelconque droit au séjour, et que ni le refus d'admission au séjour ni l'obligation qui leur était faite de quitter le territoire français ne portaient une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale dans la mesure où les deux époux faisaient l'objet d'une décision d'éloignement vers leur pays d'origine où ils ne sont pas dépourvus d'attaches familiales et où leurs trois enfants peuvent les accompagner. Ce faisant, compte tenu de leur situation, le préfet de la Haute-Savoie a procédé à un examen particulier de la situation de M. et Mme E... et n'a méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 de ce code, ni celles de l'article L. 313-14 du même code.

4. S'il appartient au préfet, comme à toute administration, de faire application du droit de l'Union européenne et d'en appliquer les principes généraux, dont celui du droit à une bonne administration, parmi lesquels figure celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ce droit implique seulement qu'informé de ce qu'une décision est susceptible d'être prise à son encontre, l'intéressé soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales. Au cas d'espèce, le préfet de la Haute-Savoie n'était pas tenu de se prononcer sur leur droit au séjour préalablement à l'édiction de la mesure d'éloignement forcé fondée sur les dispositions du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en leur qualité de débouté du droit d'asile, la décision d'éloignement n'ayant pas pour base légale le refus d'admission au séjour prononcé par le préfet dans ces mêmes arrêtés. Le moyen doit donc être écarté.

5. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...)/ Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

6. M. et Mme E... soutiennent qu'en désignant le pays dont ils ont la nationalité comme pays de renvoi en exécution de la mesure d'éloignement, le préfet de la Haute-Savoie a méconnu l'étendue de sa compétence au regard des dispositions précitées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne pouvant fonder sa décision sur les décisions de rejet prises par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile sur leur demande d'asile qui ne le lient pas. Il ressort, toutefois, de l'examen des arrêtés en litige que, pour fixer le pays de destination, le préfet de la Haute-Savoie s'est fondé sur la circonstance que M. et Mme E... n'établissaient pas être exposés, en cas de retour dans leur pays d'origine, à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les requérants se bornent à faire état de leurs craintes, sans apporter aucun élément de nature à justifier leurs assertions, en se prévalant de menaces de mort émanant de racketteurs serbes qui se seraient manifestées à la suite de l'acquisition d'un bien immobilier au Kosovo, menaces qui auraient justifié leur fuite de ce pays. Par suite, le préfet de la Haute-Savoie a pu, sans méconnaître ni les dispositions et les stipulations précitées, ni l'étendue de sa compétence, considérer les craintes invoquées comme non établies, et n'a entaché ses décisions d'aucune erreur manifeste d'appréciation en décidant leur éloignement à destination du Kosovo.

7. Il résulte de ce qui précède que M et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ensemble celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. et Mme A... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme C..., présidente-assesseure,

Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique le 22 octobre 2019.

4

N° 18LY03986

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY03986
Date de la décision : 22/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TERRADE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 08/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-10-22;18ly03986 ?
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