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15/10/2019 | FRANCE | N°18LY04400

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 15 octobre 2019, 18LY04400


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. H... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 24 août 2015 par lequel le maire de la commune de Présilly a délivré à la société Prairie de Pomier un permis de construire douze logements répartis sur deux bâtiments implantés au lieudit " La Quory ", sur un terrain d'une superficie de plus de 17 hectares.

Par un jugement n° 1600848 du 8 octobre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande et a mis à la charge de M. B... la somme de 1 200

euros à verser à la commune de Présilly sur le fondement de l'article L. 761-1 du co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. H... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 24 août 2015 par lequel le maire de la commune de Présilly a délivré à la société Prairie de Pomier un permis de construire douze logements répartis sur deux bâtiments implantés au lieudit " La Quory ", sur un terrain d'une superficie de plus de 17 hectares.

Par un jugement n° 1600848 du 8 octobre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande et a mis à la charge de M. B... la somme de 1 200 euros à verser à la commune de Présilly sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 7 décembre 2018 et 23 juillet 2019, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. H... B..., représenté par la Selarl A...-Dubouloz-Coffy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 8 octobre 2018 ;

2°) d'annuler le permis de construire du 24 août 2015 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Présilly la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en qualité de propriétaire de la Chartreuse et voisin immédiat du projet, sa requête est recevable ;

- le permis de construire litigieux ne vise pas la zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZPPAUP) relative à la Chartreuse de Pomier ;

- la notice paysagère et architecturale est incomplète, faute de mentionner que le projet concerne deux bâtiments qui sont les anciennes dépendances de la Chartreuse et que l'ensemble forme un tout architectural et patrimonial à préserver ;

- le projet méconnaît l'article 1er du règlement de la ZPPAUP en ce qu'il prévoit la réalisation d'un programme immobilier dans une zone dont la vocation est d'accueillir des activités agricoles ou des projets touristiques et de loisir ;

- le permis litigieux n'est pas conforme aux occupations et utilisations du sol admis à l'article 1NA1 du règlement du plan d'occupation des sols, lequel n'autorise pas la construction de nouveaux logements sur le secteur ; si le règlement rend possible la réaffectation à l'habitation des bâtiments agricoles désaffectés, le projet n'entre pas dans le champ de cette disposition dès lors que les bâtiments ont été refaits en 2016 et sont seulement inexploités à la suite du départ du fermier ;

- l'article 1NA est contraire au règlement de la ZPPAUP, lequel exclut toute construction à usage d'habitation et tout changement de destination d'un bâtiment agricole et doit donc de ce fait être annulé ;

- le permis litigieux porte atteinte au caractère des lieux avoisinants ;

- l'architecte des bâtiments de France n'a pas correctement apprécié les conséquences du projet sur son environnement en se contentant de prescriptions relatives aux couleurs et matériaux des façades des bâtiments rénovés ; le projet a fait l'objet d'avis divergents de la part des architectes des bâtiments de France successifs qui ont été consultés.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 12 avril 2019 et le 23 juillet 2019, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société civile immobilière (SCI) Prairie de Pomier, représentée par la SCP Philippe C..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de M. I... B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le requérant n'a pas intérêt pour agir et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 avril 2019, la commune de Présilly, représentée par la Selas cabinet Léga-cité, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. I... B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le requérant n'a pas intérêt pour agir et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 25 juillet 2019 par une ordonnance du 9 juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F... E..., première conseillère,

- les conclusions de Jean-Simon Laval, rapporteur public ;

- et les observations de Me A... pour M. B..., celles de Me C... pour la SCI Prairie de Pomier, ainsi que celles de Me D... pour la commune de Présilly ;

Considérant ce qui suit :

1. M. H... B... relève appel du jugement du 8 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 24 août 2015 par lequel le maire de la commune de Présilly a délivré à la société Prairie de Pomier un permis de construire douze logements répartis sur deux bâtiments implantés au lieudit " La Quory ", sur un terrain d'une superficie de 17 hectares

Sur la recevabilité de la demande de M. B... :

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne (...) n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement (...) ". Il ressort des pièces du dossier que le projet porte sur la rénovation et le changement d'affectation de bâtiments anciennement dévolus à l'exploitation agricole et annexes à la Chartreuse de Pomier, en vue de la création de douze logements et de quinze emplacements de stationnement en surface. Les bâtiments d'implantation du projet sont immédiatement visibles de la Chartreuse, qui les surplombe à une distance d'environ 150 mètres, dans un vaste environnement naturel préservé. Le requérant, qui réside dans un immeuble contigu à la Chartreuse de Pomier, se prévaut de sa qualité de propriétaire de la Chartreuse et de troubles de jouissances dues à la fréquentation de la voie d'accès commune par les futurs habitants ainsi que de l'atteinte portée aux lieux par le projet. Dans ces conditions, et alors même que la Chartreuse ferait par ailleurs l'objet d'une exploitation commerciale au bénéfice d'une société anonyme dont le requérant détiendrait une part de capital, M. B... justifie personnellement d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation du permis de construire qu'il conteste.

3. Il résulte de ce qui précède que le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande au motif qu'il ne justifiait pas d'un intérêt pour agir au sens des dispositions précitées au point 2. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il rejette comme irrecevables les conclusions de M. B.... Il y a lieu d'évoquer dans cette mesure et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. H... B... devant le tribunal administratif de Grenoble.

Sur les moyens présentés par M. H... B... :

4. En premier lieu, M. B... soutient que n'est pas mentionné dans les visas du permis de construire en litige le règlement de la zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager. Toutefois cette circonstance est par elle-même sans incidence sur la légalité de ce permis.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la notice présentée au soutien du permis de construire en litige mentionne de manière suffisamment précise le lien fonctionnel et architectural entre la Chartreuse de Pomier et les deux bâtiments d'assiette du projet, lesquels en constituaient à l'origine des dépendances agricoles qui ont conservé cette affectation jusqu'au permis de construire en litige. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la notice paysagère et architecturale était insuffisante ni que les autorités en charge de l'instruction du dossier n'ont pas été informées de ce lien fonctionnel.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 1NA 1 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Présilly : " 1.1 Parmi les occupations et utilisations du sol nécessitant une autorisation d'urbanisme ou une déclaration préalable, seules celles qui suivent sont admises : - les constructions ou installations reconnues indispensables à l'activité agricole / - les coupes et abattage d'arbres / - les défrichements / - l'aménagement, l'agrandissement, la transformation d'un bâtiment existant répondant à la vocation de la zone / - les bâtiments d'intérêt général. / 1.2. En outre les occupations et les utilisations du sol suivantes ne sont admises que si elle respectent les conditions ci-après : - (...) un bâtiment agricole désaffecté dont la sauvegarde est souhaitable peut être affecté à l'habitation, ou à un usage non contradictoire avec le caractère de la zone, dans la mesure où : - son alimentation en eau potable est possible par le réseau public ou par une source privée répondant aux normes de salubrité publique / - il est desservi par une voie dont les caractéristiques répondent aux besoins de l'opération projetée / - le stationnement des véhicules correspondant aux besoins de l'opération projetée peut être assuré en dehors des voies publiques / - son volume et ses murs extérieurs sont conservés , à l'exception d'éventuelles ouvertures qui devront préserver le caractère de son architecture (...). ".

7. Il résulte des termes mêmes des dispositions 1.2 de l'article 1NA1 que le changement d'affectation de bâtiments agricoles en bâtiments d'habitation est au nombre des occupations et utilisations du sol qui sont admises en secteur 1NA1 sous réserve qu'elles respectent les conditions posées par cette même disposition. Le caractère de la zone, défini en introduction des prescriptions relatives à la zone 1NA1 du règlement et qui mentionne que " la vocation première de la zone soit d'accueillir des activités agricoles et qu'elle pourra éventuellement également recevoir (...) des projets à caractère hôtelier et de restauration, sportifs et de loisirs qui devront respecter le caractère naturel du site et rester compatibles avec les activités agricoles existantes " ne fait pas obstacle, eu égard à sa portée indicative, aux changements d'affectation des bâtiments agricoles tels qu'autorisés à l'article 1NA1. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les bâtiments d'implantation du projet, sans préjudice de leur état de conservation, ne sont plus le siège d'une exploitation agricole depuis la cessation d'activité de l'exploitant qui les occupait. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le projet de la SCI intimée a été autorisé en violation de l'article 1NA1 du règlement du POS de Présilly.

8. En quatrième lieu, il ressort des termes du règlement de la ZPPAUP applicable au permis de construire en litige que : " 1. Aucune construction nouvelle n'est autorisée dans la zone. Toutefois, les constructions nécessaires à l'activité agricole ainsi qu'aux activités touristiques liées à l'ancienne Chartreuse, pourraient être acceptées sous réserve de leur bonne intégration au site. En particulier, à proximité des bâtiments de la Chartreuse, tout projet de mise en valeur ou de construction pourra être accepté après avis du maire et de l'architecte des bâtiments de France. / 2. Les extensions mesurées des constructions existantes seront admises sous réserve de leur bonne intégration au site ainsi qu'au respect des éléments qui en constituent le caractère ".

9. D'une part, le projet en litige, qui consiste en un changement d'affectation de bâtiments agricoles existants sans prévoir d'extension et qui a d'ailleurs fait l'objet d'un avis favorable de l'architecte des bâtiments de France du 29 juin 2015, n'a pas méconnu les dispositions du règlement de la ZPPAUP rappelées au point précédent, lesquelles ne s'appliquent qu'aux constructions nouvelles ou aux extensions des constructions existantes.

10. D'autre part, les prescriptions d'une ZPPAUP qui constituent des servitudes d'utilité publique, doivent être annexées au POS afin de pouvoir être opposables aux demandes d'autorisation d'occupation du sol. Ces prescriptions peuvent légalement s'écarter des règles fixées par le POS et la règle la plus sévère des deux réglementations s'applique alors. Par suite, et alors que les prescriptions de la ZPPAUP précitées au point 8 ne font pas obstacle à la réalisation du projet en litige, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'article 1NA1 du règlement du POS devrait être écarté au profit des dispositions relevant du règlement de la ZPPAUP, lesquelles seraient plus protectrices du site.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 1NA11 : " Tout projet de construction qui n'aboutirait pas à une bonne intégration sera refusé. ". Aux termes de l'article R. 111-21 alors en vigueur du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ". Il ressort des plans et photographies produites à l'appui de la demande de permis que le projet de réhabilitation conserve l'implantation, la volumétrie et les caractéristiques architecturales de chacun des deux bâtiments existants. De même, il n'engendre pas de changement fondamental de l'aspect extérieur des bâtiments malgré l'agrandissement de certaines ouvertures existantes et le percement de cinq fenêtres. Le permis a été en outre assorti de prescriptions tenant à l'utilisation de matériaux destinés à améliorer leur insertion dans le site, conformément à l'avis de l'architecte des bâtiments de France. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet serait de nature à porter atteinte au caractère du site de la Chartreuse de Pomier.

12. En sixième et dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans son avis favorable du 29 juin 2015 rendu sur le fondement des dispositions de l'article L. 642-6 du code du patrimoine, l'architecte des bâtiments de France ait insuffisamment pris en compte les caractéristiques architecturales des deux bâtiments et la nécessité de les conserver au titre de leur appartenance au site protégé de la Chartreuse de Pomier. La circonstance que cet avis fait suite à un avis défavorable rendu sur un projet antérieur et que, par courrier de novembre 2018 adressé au requérant et postérieur au permis de construire en litige, l'architecte des bâtiments de France indique " qu'on peut s'interroger sur la conformité du projet avec le règlement de la zone " est sans effet sur la légalité du permis en litige.

13. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande comme irrecevable et à demander l'annulation de ce jugement dans cette mesure. Toutefois, eu égard à ce qui a été dit aux points 4 à 12, M. I... B... n'est pas fondé à demander l'annulation du permis de construire en litige.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que M. B... demande au titre des frais qu'il a exposés soit mise à la charge de la société Prairie de Pomier et de la commune de Présilly, qui ne sont pas parties perdantes. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces mêmes dispositions à l'encontre de M. B....

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 8 octobre 2018 est annulé en tant qu'il rejette comme irrecevables les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... contre l'arrêté 24 août 2015.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... B..., à la société Prairie de Pomier et à la commune de Présilly.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme G... J..., présidente de chambre ;

M. Thierry Besse, président-assesseur ;

Mme F... E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2019.

1

2

N° 18LY04400

md


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18LY04400
Date de la décision : 15/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme MARGINEAN-FAURE
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : FAVRE-DUBOULOZ-COFFY

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-10-15;18ly04400 ?
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