La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/10/2019 | FRANCE | N°18LY01089

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 15 octobre 2019, 18LY01089


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008, 2009 et 2010 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période comprise entre le 1er janvier et le 31 mai 2010.

Par un jugement n° 1601650 en date du 15 février 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requ

te enregistrée le 20 mars 2018, M. B..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008, 2009 et 2010 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période comprise entre le 1er janvier et le 31 mai 2010.

Par un jugement n° 1601650 en date du 15 février 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 20 mars 2018, M. B..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1601650 du 15 février 2018 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008, 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- la société CRSM était son seul client, ses revenus doivent être imposés dans la catégorie des traitements et salaires ;

- l'administration fiscale a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- les relevés de compte et les copies des chèques demandés à la Société Générale n'ont pas été soumis au débat oral et contradictoire au cours de la vérification de comptabilité en méconnaissance de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales et de la charte du contribuable vérifié ;

- la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée dès lors qu'il ne parle pas français et n'est pas en mesure de lire et comprendre les documents administratifs.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 août 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales a été respecté ;

- les relevés de compte bancaire et les copies recto-verso de chèques demandés à la Société générale, ont pu faire l'objet d'un débat oral et contradictoire ; l'administration fiscale n'est pas tenue d'engager avec le contribuable un débat oral préalable à la proposition de rectification et le vérificateur n'est pas tenu d'informer le contribuable des éléments qu'il a pu recueillir auprès de tiers en vertu de son droit de communication et qui ne constituent pas pour le contribuable des pièces comptables ; en tout état de cause, M. B... était en situation d'évaluation d'office conformément au 1° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales au titre de l'exercice 2009 ;

- c'est à bon droit que les sommes perçues par M. B... au titre de son activité de carreleur ont été imposées dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ;

- M. B... ne peut pas utilement invoquer l'absence de manquement délibéré pour contester l'application des majorations de 40 % mises à sa charge au titre des exercices 2009 et 2010 sur le fondement de l'article 1728 du code général des impôts ; le manquement délibéré aux obligations déclaratives au sens de l'article 1729 du code général des impôts est établi pour l'année 2008.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C..., première conseillère,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., qui a exercé une activité de carreleur entre 2005 et le 30 mai 2010, date à laquelle il a déclaré avoir cessé cette activité, a fait l'objet, en 2011, d'une vérification de comptabilité portant, en matière de bénéfices industriels et commerciaux, sur les années 2008 et 2009 et la période du 1er janvier au 30 mai 2010, et, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période comprise entre le 1er janvier 2008 et le 30 mai 2010. A l'issue de contrôle, l'administration a procédé à la reconstitution de ses chiffres d'affaires et de ses résultats après avoir écarté la comptabilité. Le résultat de l'année 2008 a été rectifié selon la procédure contradictoire tandis que les bénéfices de l'année 2009 et de la période du 1er janvier au 30 mai 2010 ont été évalués d'office en application du 1° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales. Parallèlement à la vérification de comptabilité, l'administration a exercé son droit de communication auprès de trois clients de M. B..., dont elle a obtenu des factures, et auprès de la Société générale dont elle a obtenu des relevés de compte bancaire et des copies de chèques. M. B... a été assujetti, en conséquence de ce contrôle, à des cotisations d'impôt sur le revenu établies s'agissant de l'année 2008, selon la procédure contradictoire et, s'agissant des années 2009 et 2010, selon la procédure de taxation d'office prévue au 1° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales. La cotisation d'impôt sur le revenu établie au titre de l'année 2008 a été assortie de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts, tandis que la majoration de 40 % prévue au b. de l'article 1728 du même code en cas de défaut de déclaration dans les trente jours des mises en demeure a été appliquée aux impositions établies au titre des années 2009 et 2010. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge de ces cotisations d'impôt sur le revenu et des majorations correspondantes.

Sur la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, comme en l'espèce, dans ses propres locaux, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat. Lorsqu'après la fin des opérations de contrôle sur place, le vérificateur obtient des pièces nouvelles, celles-ci sont présumées ne pas avoir fait l'objet d'un débat oral et contradictoire, sauf preuve contraire rapportée par l'administration. L'absence de débat, dans une telle hypothèse, n'est en principe pas de nature à affecter la régularité de la procédure d'imposition, sauf s'il apparaît que les pièces recueillies après la fin des opérations de vérification, en raison de leur teneur, de leur portée et de l'usage qui en a été fait par l'administration, impliquaient la réouverture du débat oral et contradictoire sur la comptabilité de l'entreprise.

3. En l'espèce, le ministre soutient sans être contredit que les relevés de comptes bancaires et de copies recto-verso de chèques obtenus par l'administration dans le cadre de son droit de communication auprès de la banque Société Générale n'ont été utilisées par l'administration que pour fonder les rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés à M. B..., lesquels ne sont pas en litige dans la présente instance. Par suite, le moyen tiré de ce que, faute d'accès à ces documents, M. B... a été privé des garanties dont le livre des procédures fiscales entoure la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité, notamment la tenue d'un débat oral et contradictoire, doit être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et à tout moment avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour établir les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander, avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition. Cette obligation d'information du contribuable ne s'impose à l'administration que pour les renseignements qu'elle a effectivement utilisés pour fonder les rectifications.

6. En l'espèce, la vérificatrice a indiqué, en page 6 de la proposition de rectification du 17 août 2011, que, dans le cadre du droit de communication prévu aux articles L. 81 et L. 85 du livre des procédures fiscales, des demandes relatives aux montants facturés par l'entreprise B... Carrelage sur la période vérifiée ont été adressées le 24 mai 2011 aux sociétés Excel, SOGRECA et CRSM. Elle a également précisé que les réponses ont été reçues, respectivement les 6 et 29 juin 2011 de la part de la société Excel, le 6 juin 2011 de la part de la société SOGRECA, ainsi que le 8 juillet 2011 de la part de la société CRSM, soit à des dates antérieures à l'achèvement de la proposition de rectification. Les circonstances que la proposition de rectification ne distingue pas, dans la reconstitution du bénéfice de l'activité de M. B..., les factures présentées par lui et les factures obtenues dans le cadre du droit de communication et qu'elles feraient ressortir des anomalies, voire des doublons, sont sans incidence sur le respect par l'administration de son obligation de mentionner avec une précision suffisante, les documents issus de droit de communication. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit ainsi être écarté.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

7. Aux termes de l'article 34 du code général des impôts : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale (...) ". Aux termes de l'article 79 du même code : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu. / Il en est de même des prestations de retraite servies sous forme de capital. ".

8. Il résulte de l'instruction que M. B... a été inscrit comme professionnel indépendant au registre des métiers en tant qu'artisan sous l'enseigne B... Carrelage entre le 26 avril 2005 et le 31 mai 2010. Il ressort par ailleurs de sa déclaration de radiation du registre des métiers en date du 31 mai 2010 qu'il était affilié durant ses années d'exercice au régime social des indépendants (RSI). Il n'est pas contesté que M. B... a eu recours à deux salariés à temps plein ainsi qu'à un apprenti, et a souscrit les contrats d'assurance nécessaires à son activité de travailleur indépendant. Si, au cours de l'année 2008, le client principal de M. B... a été la société CRSM, elle n'a pas été son client exclusif. Au demeurant, une telle circonstance serait insusceptible, à elle-seule de caractériser un lien de subordination, de même que la circonstance que les achats en matériaux de M. B... auraient été faibles et qu'il aurait essentiellement fourni sa main d'oeuvre à la société CRSM. En l'absence de contrat de travail et de tout élément de nature à caractériser un lien de subordination, concernant, par exemple, les modalités d'organisation de son travail ou son mode de rémunération, l'administration établit que les revenus perçus par M. B... en 2008 devaient être imposés comme bénéfices industriels et commerciaux et non comme traitements et salaires comme celui-ci le soutient.

9. S'agissant des années 2009 et 2010, pour lesquelles M. B... supporte la charge de la preuve compte tenu de la procédure appliquée par l'administration, dont il ne conteste pas la régularité, il résulte des éléments indiqués ci-dessus au point 8., que M. B... n'apporte pas la preuve qu'il aurait été le salarié de la société CRSM pendant les années 2009 et 2010, au cours desquelles la part des prestations fournies à cette société s'est d'ailleurs considérablement réduite au profit d'autres clients. Il suit de là que son moyen tiré de ce que les revenus litigieux auraient dû être imposés comme traitements et salaires et non comme bénéfices industriels et commerciaux doit être écarté.

Sur la majoration pour manquement délibéré appliquée au titre de l'exercice clos en 2008 :

10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...). ". Il résulte de ces dispositions que la pénalité pour manquement délibéré a pour objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir ce manquement délibéré, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

11. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'administration établit l'existence d'une insuffisance déclarative au titre de l'année 2008, sans que n'aient d'incidence les irrégularités qu'il allègue s'agissant de la procédure et auxquelles il a été répondu plus haut. L'administration a par ailleurs retenu le caractère délibéré de cette insuffisance déclarative en se fondant sur le nombre de factures non comptabilisées, leur montant total, qui représente 17 % du chiffre d'affaires de l'exercice, et la connaissance que M. B... avait nécessairement de ses obligations comptables. En faisant valoir ses difficultés de compréhension des documents administratifs, liés selon lui à ses difficultés de maîtrise de la langue française et à sa profession, il ne conteste pas sérieusement le caractère délibéré de ces omissions dans sa déclaration de revenus de l'année 2008.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions contestées et des pénalités afférentes.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. B... la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme D..., présidente assesseure,

Mme C..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2019.

2

N° 18LY01089

gt


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01089
Date de la décision : 15/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-10-15;18ly01089 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award