Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société d'intérêt collectif agricole (SICA) Eurea Coop a demandé au tribunal administratif de Lyon de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2009, à raison de trente-quatre établissements. Par un jugement n° 1506877 du 25 juillet 2017, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 17LY003424 du 29 mars 2018, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.
Par une décision n°421037, 421038, 421040 du 7 mars 2019, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Lyon sous le numéro 19LY00957.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 19 septembre 2017 et un mémoire enregistré le 16 avril 2019, après le renvoi de l'affaire par le Conseil d'Etat, la SICA Eurea Coop, représentée par Me B..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 25 juillet 2017 ;
2°) de lui accorder la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SICA Eurea Coop soutient, dans le dernier état de ses écritures, qu'elle réalise plus de 50 % de son chiffre d'affaires directement ou indirectement avec ses adhérents et fonctionne ainsi conformément à la loi et à ses statuts.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E..., première conseillère,
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. La société d'intérêt collectif agricole (SICA) Eurea Coop a pour activité le commerce de gros de céréales, tabac non manufacturé, semences et aliments pour le bétail et exploite des jardineries notamment sous l'enseigne Gamm Vert. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2012. A l'issue de ce contrôle, par lettres du 21 décembre 2012, l'administration l'a informée du rehaussement de ses bases d'imposition à la taxe professionnelle au titre de l'année 2009 pour 37 établissements en raison, notamment, de la remise en cause de l'abattement de 50 % prévu par l'article 1468 du code général des impôts. Par un jugement du 25 juillet 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces cotisations supplémentaires de taxe professionnelle pour 34 de ses établissements dont les rehaussements étaient justifiés uniquement par la remise en cause de cet abattement. Par un arrêt du 29 mars 2018, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement. Par une décision n°421037, 421038, 421040 du 7 mars 2019, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Lyon.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. D'une part, aux termes du I de l'article 1468 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable jusqu'au 31 décembre 2009 : " La base de la taxe professionnelle est réduite : / 1° Pour les coopératives et unions de coopératives agricoles et les sociétés d'intérêt collectif agricole, de moitié (...) ". Selon ces mêmes dispositions, dans leur rédaction applicable à compter du 1er janvier 2010 : " La base de la cotisation foncière des entreprises est réduite : / 1° Pour les coopératives et unions de coopératives agricoles et les sociétés d'intérêt collectif agricole, de moitié (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 522-1 du code rural et de la pêche maritime : " Peuvent être associés coopérateurs d'une société coopérative agricole : / 1° Toute personne physique ou morale ayant la qualité d'agriculteur ou de forestier dans la circonscription de la société coopérative agricole ; / 2° Toute personne physique ou morale possédant dans cette circonscription des intérêts agricoles qui correspondent à l'objet social de la société coopérative agricole et souscrivant l'engagement d'activité prévu par le a du premier alinéa de l'article L. 521-3 ; / 3° Tout groupement agricole d'exploitation en commun de la circonscription ; / (...) 5° D'autres sociétés coopératives agricoles, unions de ces sociétés et sociétés d'intérêt collectif agricole, alors même que leurs sièges sociaux seraient situés en dehors de la circonscription de la société coopérative agricole ". Par ailleurs, selon l'article L. 531-1 du même code : " Les sociétés d'intérêt collectif agricole peuvent se constituer soit sous le régime des sociétés civiles particulières régies par les articles 1832 et suivants du code civil, soit dans les formes prévues pour les sociétés par actions et les sociétés à responsabilité limitée par le code de commerce. / Les sociétés d'intérêt collectif agricole ont pour objet de créer ou de gérer des installations et équipements ou d'assurer des services soit dans l'intérêt des agriculteurs d'une région rurale déterminée, soit de façon plus générale dans celui des habitants de cette région sans distinction professionnelle (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 532-1 du même code : " Ces sociétés ne peuvent effectuer plus de 50 % des opérations de chaque exercice avec des personnes physiques ou morales autres que les associés définis à l'article L. 522-1 ". Aux termes de l'article R. 532-4 du même code, pris pour l'application de ces dispositions : " La moitié du chiffre d'affaires ou du volume des opérations des sociétés d'intérêt collectif agricole autres que celles soumises aux prescriptions d'un cahier des charges doit, au cours d'un exercice déterminé, être réalisée avec des sociétaires ayant la qualité d'agriculteurs ou de groupements pouvant s'affilier aux caisses de crédit agricole mutuel ".
4. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que, pour déterminer si une société d'intérêt collectif agricole peut bénéficier, en application de l'article 1468 du code général des impôts, d'une réduction de 50 % des bases d'imposition à la taxe professionnelle et à la cotisation foncière des entreprises au titre d'une année d'imposition, il convient de rechercher, dans l'hypothèse où cette société a pour objet la commercialisation de produits issus de l'activité agricole de ses sociétaires, si elle s'est approvisionnée en produits et matières premières agricoles à concurrence d'au moins 50 % en valeur ou en volume, auprès de ses sociétaires et, dans l'hypothèse où elle a pour objet d'assurer l'approvisionnement de ses sociétaires à partir des produits qu'elle acquiert, si les ventes réalisées au profit de ces sociétaires représentent, en chiffre d'affaires ou en volume, au moins 50 % des ventes de l'exercice concerné. Lorsqu'une société d'intérêt collectif agricole exerce à la fois une activité de commercialisation et d'approvisionnement, il y a lieu, pour déterminer si la condition prévue par l'article L. 532-1 du code rural et de la pêche maritime est satisfaite, de rapporter, pour l'année considérée, la somme des achats qu'elle a réalisés auprès de ses sociétaires pour les besoins de son activité de commercialisation et des ventes réalisées auprès de ces mêmes sociétaires en vue de leur approvisionnement, à la somme de l'ensemble des achats de produits et matières premières agricoles réalisés pour les besoins de son activité de commercialisation et des ventes liées à son activité d'approvisionnement, ce ratio devant être supérieur ou égal à 50 %.
5. Il y a lieu, conformément à ce qui vient d'être indiqué, pour déterminer si une société d'intérêt collectif agricole peut bénéficier, en application de l'article 1468 du code général des impôts, d'une réduction de 50 % des bases d'imposition à la taxe professionnelle et à la cotisation foncière des entreprises au titre d'une année d'imposition de déterminer le ratio précédemment exposé en prenant en compte les données de l'exercice concerné. Cet exercice est l'exercice correspondant à l'année civile d'imposition ou le dernier exercice clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile et non, ainsi que le fait valoir la SICA Eurea Coop, en se fondant sur l'article 1467 A du code général des impôts, le dernier exercice de douze mois clos au cours de l'avant dernière année précédant celle de l'imposition.
6. Il résulte de l'instruction que la SICA Eurea Coop a pour objet, outre la commercialisation de produits issus de l'activité agricole de ses sociétaires et l'approvisionnement de ses sociétaires à partir des produits qu'elle acquiert, de délivrer des prestations à ses sociétaires et à des tiers. Il convient donc, pour déterminer si la condition prévue par l'article L. 532-1 du code rural et de la pêche maritime est satisfaite, de rapporter, pour l'année considérée, la somme d'une part, des achats qu'elle a réalisés auprès de ses sociétaires pour les besoins de son activité de commercialisation, d'autre part, des ventes réalisées auprès de ces mêmes sociétaires en vue de leur approvisionnement et enfin, des prestations de service qu'elle a offertes à ces mêmes sociétaires, à la somme, d'une part, de l'ensemble des achats de produits et matières premières agricoles réalisés pour les besoins de son activité de commercialisation, d'autre part, des ventes liées à son activité d'approvisionnement et enfin, des prestations de services qu'elle a vendues, ce ratio devant être supérieur ou égal à 50 %.
7. En l'espèce, la société requérante a produit le détail des comptes de produits et des comptes de charge de l'exercice clos le 30 juin 2009. Faute pour certains intitulés de comptes de permettre de déterminer s'il s'agit d'opérations réalisées avec des sociétaires ou des tiers, il y a lieu, chaque fois qu'un doute existe, pour vérifier si le ratio de 50 % est atteint, de considérer que le compte se rapporte à une opération réalisée avec un tiers. S'agissant du montant des achats qu'elle a réalisés auprès de ses sociétaires pour les besoins de son activité de commercialisation, bien que la société ait produit des tableaux permettant selon elle de chiffrer les apports en provenance de sociétaires, il y a lieu, compte tenu de l'incohérence de ces sommes avec les données comptables, de retenir la somme qui lui est la plus défavorable, à savoir la somme provenant des comptes de la société et résultant de l'addition des comptes 6072 à 6074, auxquels il convient de soustraire la somme figurant au compte 607330 qui correspond à l'achat de blé à des non adhérents. S'agissant des ventes réalisées auprès de ces mêmes sociétaires en vue de leur approvisionnement, il convient de retenir la somme des comptes 7075 à 7097 identifiés par la société comme se rapportant à des ventes aux adhérents. Pour les prestations de service qu'elle a offertes à ces mêmes sociétaires, il convient de prendre en compte, non les différents comptes qu'elle a listés comme se rapportant à de telles prestations, mais les seuls comptes faisant apparaître que les prestations ont été réalisées pour des adhérents, soit les comptes 706125, 706215 et 706225. La somme de ces trois montants doit être comparée à la somme des achats de marchandises figurant aux comptes 6072 à 6074, des cessions de marchandises figurant aux comptes 7075 à 7097 et en l'absence de plus de précision sur les prestations de services réalisées par la SICA, de l'ensemble des productions de services. En retenant ces données, qui sont les plus défavorables à la SICA, le ratio est supérieur ou égal à 50 %. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir qu'elle réalise plus de 50 % de son chiffre d'affaires directement ou indirectement avec ses adhérents et fonctionne ainsi conformément à la loi et à ses statuts. Par voie de conséquence, elle est fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie pour 34 de ses établissements au titre de l'année 2009 du fait de la remise en cause du bénéfice de l'abattement de 50 % prévu à l'article 1468 du code général des impôts.
8. Il résulte de ce qui précède que la SICA Eurea Coop est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la SICA Eurea Coop au titre des frais d'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La SICA Eurea Coop est déchargée des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2009 pour 34 de ses établissements.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 25 juillet 2017 est annulé.
Article 3 : L'Etat versera à la SICA Eurea Coop une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SICA Eurea Coop et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme C... D..., première conseillère,
Mme E..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.
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N° 19LY00957