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03/10/2019 | FRANCE | N°19LY00186

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 03 octobre 2019, 19LY00186


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...'na Asta D... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler :

- l'arrêté du 23 août 2018 par lequel le préfet de la Côte d'Or a décidé son transfert en Espagne pour l'examen de sa demande d'asile ;

- l'arrêté du même jour par lequel ledit préfet l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1802823 du 30 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une

requête enregistrée le 10 janvier 2019, Mme D..., représentée par Me E... demande à la cour :

1°) d'annuler ce j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...'na Asta D... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler :

- l'arrêté du 23 août 2018 par lequel le préfet de la Côte d'Or a décidé son transfert en Espagne pour l'examen de sa demande d'asile ;

- l'arrêté du même jour par lequel ledit préfet l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1802823 du 30 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 10 janvier 2019, Mme D..., représentée par Me E... demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon du 30 octobre 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte d'Or de l'admettre au séjour au titre de l'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- alors qu'elle ne sait ni lire ni écrire, la remise de brochure en langue française qu'elle ne comprend pas méconnait l'article 4 du règlement n° 604/2013 ;

- il n'est pas établi qu'elle ait pu bénéficier de l'aide d'un interprète lors de l'entretien individuel ;

- sa mère et ses frères et soeurs résident en France, de plus, elle a donné naissance à un enfant sur le sol français ; dans ces conditions la décision de transfert est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement n° 604/2013 ;

- l'arrêté d'assignation à résidence est illégal du fait de l'illégalité de l'arrêté de transfert.

Par un mémoire enregistré le 6 septembre 2019, le préfet de la Côte d'Or demande à la cour de constater qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la requête dès lors qu'une attestation de demande d'asile a été remise à l'intéressée le 13 février 2019.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme B..., présidente assesseure ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., de nationalité guinéenne, née le 1er janvier 1998, est entrée irrégulièrement en France le 4 janvier 2018 et a déposé une demande d'asile à la préfecture de la Côte d'Or, le 1er juin 2018. Le système Eurodac a révélé qu'elle avait été précédemment identifiée en Espagne, pour en avoir franchi irrégulièrement la frontière, le 14 septembre 2017. Le 20 juin 2018, l'administration française a saisi les autorités espagnoles d'une demande de prise en charge, qui a été acceptée expressément le 13 août 2018. Par décisions du 23 août 2018, le préfet de la Côte d'Or a décidé son transfert vers l'Espagne et l'a assignée à résidence. Mme D... fait appel du jugement du 30 octobre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Sur la légalité de la décision de transfert :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) no 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. "

3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'imprimé relatif à l'entretien individuel en préfecture et de l'attestation de remise de documents renseignés le 1er juin 2018 et signés par l'intéressée, que Mme D... a bénéficié, le 1er juin 2018, d'un entretien individuel à la préfecture de la Côte d'Or, à l'occasion duquel lui ont été remises les brochures contenant les informations prévues à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dans une langue, le français, qu'elle a déclaré comprendre et qu'elle a été informée verbalement sur l'application du règlement Dublin III, les délais qu'il prévoit et ses effets. Si la requérante fait valoir qu'étant analphabète, elle n'a pas compris le sens des documents qu'elle a signés, le résumé de l'entretien individuel qui lui a été remis et au cours duquel elle a pu bénéficier des services d'un interprète ne fait pas ressortir d'éventuelles difficultés de communication durant cet entretien. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'intéressée aurait informé les services préfectoraux, en particulier lors de cet entretien, de ce qu'elle ne savait ni lire ni écrire. Ainsi, contrairement à ses allégations, la requérante doit être regardée comme ayant reçu une information sur ses droits de nature à lui permettre de faire valoir ses observations en temps utile. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 aurait été méconnu.

4. En second lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par le 1. de l'article 17 du règlement n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

5. Si la requérante fait valoir qu'elle n'a aucune attache familiale en Espagne, alors que sa mère et ses soeurs résident en France et qu'elle était enceinte d'un enfant qui est né le 6 octobre 2018, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme D... ne pouvait pas recevoir en Espagne les soins qui lui étaient alors nécessaires. Dès lors, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue au 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 qui permet à un État d'examiner la demande d'asile d'un demandeur même si cet examen ne lui incombe pas en application des critères fixés dans ce règlement.

Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence :

6. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, Mme D... n'est pas fondée à se prévaloir de l'illégalité de la décision de la transférer aux autorités espagnoles.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...'na Asta D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Côte d'Or.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme B..., présidente assesseure,

Mme H..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.

2

N° 19LY00186


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00186
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : GRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-10-03;19ly00186 ?
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